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Essais

Retour à Reims, Didier Eribon

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 28 Mai 2014. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Flammarion

Retour à Reims, 248 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Didier Eribon Edition: Flammarion

 

Venger sa race


Le libraire de mon quartier avait rangé l’ouvrage de Didier Eribon dans son rayon « littérature », tout en m’avouant qu’il avait hésité à le faire, comprenant que Retour à Reims n’était pas une banale autobiographie relatant le parcours depuis l’enfance de son auteur. Il s’agit bien plutôt d’inscrire son destin (la « prédestination » sociale et sexuelle) dans un ensemble de réflexions sociologiques (le dernier mot du texte prononcé par Eribon lui-même n’est-il pas justement « sociologie » à l’adresse de sa mère) et théoriques. Le terme peut-être le plus approprié pour définir ce livre serait une auto-analyse fondée à la fois sur l’histoire familiale et ses miroirs exégétiques. Eribon d’ailleurs cite abondamment des textes qui nourrissent sa trajectoire personnelle, la façonnent intellectuellement, l’éclairent : Bourdieu, Foucauld, Sartre ou Dumézil par exemple.

Qui a tué Jeanne d’Arc ?, Bernard Michal

Ecrit par Vincent Robin , le Jeudi, 15 Mai 2014. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Omnibus, Histoire

Qui a tué Jeanne d’Arc ?, mars 2014, 200 p. 9 € . Ecrivain(s): Bernard Michal Edition: Editions Omnibus

Sur le bûcher dressé place du Vieux-Marché à Rouen en ce matin du 30 mai 1430, un écriteau stipule : « Jehanne qui s’est fait nommer la Pucelle, menteresse, pernicieuse, abuseresse du peuple, devineresse, superstitieuse, blasphémeresse de Dieu, présomptueuse, malcréante de la foi de Jésus-Christ, vanteresse, idolâtre, cruelle, dissolue, invocatrice de diables, apostate, schismatique et hérétique ». Il est environ 9 heures quand, « revêtue de la robe de deuil que l’Inquisition réserve à ses condamnés », juchée debout sur une charrette escortée par huit cents soldats anglais, apparaît à la foule, massivement rassemblée là, celle qui s’en va connaître le sort des flammes. Jean Massieu, l’huissier chargé des mouvements de l’inculpée, Martin Ladvenu, le frère dominicain également voué à l’entourer dans ces instants particuliers, l’ont informée auparavant. Pour elle, Jeanne d’Arc, le moment est venu où elle doit périr par le feu. Un tel déroulement tragique s’inscrit en réalité en application immédiate de la sentence officielle qui a été prononcée peu de temps avant contre la jeune femme.

Au regard du débat judiciaire de quatre mois qui se refermait ainsi, mais au long duquel l’accusée avait toujours semblé pouvoir légitimement défendre sa cause, un tel dénouement ne semblait devoir se confondre avec celui d’une exécution sommaire, quand bien même la liste additive des griefs accusateurs pesa d’un seul coup pour suggérer qu’une raison autre et supérieure se dissimulât tout derrière elle…

Narcisse et ses avatars, Yves Michaud

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 13 Mai 2014. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

Narcisse et ses avatars, avril 2014, 208 pages, 17 € . Ecrivain(s): Yves Michaud Edition: Grasset

 

Décryptage du présent

Le monde actuel est en pleine mutation. Le constat est souvent fait et laisse place aux jugements divers, nostalgiques, passéistes, alarmistes pour la plupart. Notre époque est le lieu de déplacements, de « basculements », donc, mais peu nombreux sont ceux qui nous amènent à les comprendre ou mieux encore, à les penser.

Yves Michaud dans Narcisse et ses avatars est de ceux-là. Et son essai, qui prend la forme d’un abécédaire en vingt-six rubriques – parmi lesquelles avatar, liberté, people, sexe, YouTube, zapping… – est en ce sens salutaire : il nous donne à saisir le présent dans la multiplicité de ses entrées. Pas de système ici, mais un réseau qui donne corps et cohérence à cet aujourd’hui qui nous échappe parfois et que l’auteur relie à cet hier auquel nous nous raccrochons : « Pour marquer ces déplacements, j’ai indiqué en ouverture de chaque rubrique quel mot ancien nous aurions employé, il n’y a pas si longtemps, pour parler de quelque chose d’approchant ». Ainsi, « Kit remplace corps » et « Urgence remplace temps ».

La partie riante des affreux, Patrice Maltaverne, Fabrice Marzuolo

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 02 Mai 2014. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La partie riante des affreux, illustrations Henri Cachau, Éditions Le Citron noir, avril 2012 . Ecrivain(s): Patrice Maltaverne, Fabrice Marzuolo

 

Attention – les âmes conventionnelles, consensuelles, sociétaires ès-Vie Normale, directionnelles ou sous influence… n’ont qu’à bien se tenir – ou s’abstenir – La partie riante des affreux décape et ne fait pas dans la dentelle ! Ce même avertissement vaut pour les fâchés avec l’humour – noir, de préférence – ou ses abstinents sauf à piquer un fard en pleine nuit… ou pour les inadapté(e)s à l’autodérision à pratiquer sans modération en sourire amer décalé (N.B. : ces avertissements valent prescription de prévention).

De tous les jeux que nous pratiquons, écrivent P. Maltaverne et F. Marzuolo, nous préférons de loin celui qui consiste à douter de l’indiscutable. Des enfants et de la famille armée pour la reproduction, par exemple. Ainsi le lecteur est-il mis au goût du recueil par la mise en garde en 4ème de couverture. Il lui faudra jouer cette « fin de partie » relevée en mots et réparties salés au caractère bien trempé – à l’humour abrasif comme il faut pour nous défaire, nous décrasser des manies et des habitudes mortifères – au brin de poésie caustique voire roborative – il vous faudra, lecteur/lectrice, jouer cette partie riante des affreux en connaissance de cause et en choix de lecture assumé.

Tempéraments philosophiques, de Platon à Foucault, Peter Sloterdijk

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 14 Avril 2014. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Fayard

Tempéraments philosophiques, de Platon à Foucault, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, janvier 2014, 160 p. 7,50 € . Ecrivain(s): Peter Sloterdijk Edition: Fayard

 

Dis-moi quelle est ta philosophie, je te dirai qui tu es…

Ce petit livre est un recueil de préfaces que Peter Sloterdijk signa, en tant qu’éditeur, dans le cadre d’une collection dont le but était de présenter les auteurs et leur philosophie en leur donnant la parole, c’est-à-dire en offrant un choix de leurs textes annotés par « un certain nombre d’excellents érudits ». Réunis, alors que là n’était pas leur vocation, ces courtes présentations de sept pages en moyenne, dessinent, selon les propres mots du philosophe allemand, « non pas une histoire de la philosophie, mais tout de même une galerie d’études de caractères ». Son titre, quant à lui, renvoie à l’idée que les philosophies vers lesquelles nous nous portons constituent des indicateurs de qui nous sommes, des miroirs, en quelque sorte : « la philosophie que l’on choisit dépend de l’homme que l’on est ». Dix-neuf philosophes, majoritairement allemands, nous sont présentés, par ordre chronologique. L’occasion de constater « que l’éventail des tempéraments philosophiques […] a la même étendue que celle de l’âme éclairée par le logos » : il est illimité.