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Critiques

Douze palais de mémoire, Anna Moï (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 12 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Douze palais de mémoire, février 2021, 204 pages, 19 € . Ecrivain(s): Anna Moï Edition: Gallimard

 

La mémoire, nous dit-on fréquemment, est essentielle pour la transmission, la cohésion d’une communauté, le maintien de valeurs morales indispensables au bon fonctionnement d’une société équilibrée. Dans les pays de tradition bouddhiste, où le culte des ancêtres joue un rôle dans la mémoire de chacun, les mécanismes de la mémoire peuvent faire appel à d’étranges associations.

Anna Moï a beaucoup traité dans ses précédents romans le thème de l’exil des Vietnamiens, comme par exemple Nostalgie de la rizière. Dans Douze palais de mémoire, Anna Moï décrit la fuite, à bord d’une embarcation de fortune, d’un groupe de Boat People, ces réfugiés qui ont décidé de quitter le Vietnam après la victoire des communistes et la chute de Saïgon en avril 1975. L’auteure s’attache plus particulièrement à Khanh, et à sa fille Tiên, âgée de six ans. Khanh, dont le père a exercé les talents d’astrologue, a reçu de ce dernier les grandes lignes directrices de son thème astral : la configuration de ses douze palais, le palais désignant un domaine précis, « Finances, Immobilier, Carrière, Amis, Parents, Voyages, Destinée, Santé, Fratrie, Mariage, Enfants, Mathématiques ».

Quatuor, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 12 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Quatuor, éditions Le Bruit du temps, mars 2020, 80 pages, 16 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses

 

Romancier (pensons à l’étonnant Monsieur Néant), poète (voici le 21e opus), Emmanuel Moses, né en 1959, délivre ici « quatre » longs poèmes sur des thèmes qui lui sont chers : l’amour, la rencontre mystérieuse, la mémoire des gens et des époques, Jérusalem (la foi de ses ancêtres, la Shoah). Le titre donc, bien choisi, est aussi musique des mots, instrument poétique pour dire, en de très longues laisses, ce qui lui tient à cœur.

En termes d’amitié, d’amour, la rencontre insolite est un fervent ferment ; elle vivifie toute relation ; elle instaure en soi, en l’autre, le mystère doux de vivre :

L’inconnu avec qui on discute dans le compartiment

la salle d’attente ou le salon de coiffure

Le chien, le lapin et la moto, Kate Hoefler, Sarah Jacoby (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 12 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse

Le chien, le lapin et la moto, Kate Hoefler, Sarah Jacoby, éditions des Éléphants, février 2021, trad. Ilona Meyer, 48 pages, 14 €

Road movie

C’est à quatre mains que cet album-jeunesse inédit a été conçu. Kate Hoefler, diplômée d’un Master de poésie à l’Université du Michigan et qui vit dans l’Ohio, et Sarah Jacoby, autrice et illustratrice, qui collabore au New York Times et vit à Philadelphie, ont confectionné ce précieux livre cartonné, au format de 28 x 23 cm, qui porte un titre intrigant : Le chien, le lapin et la moto. Sur la couverture, l’on y voit un chien fou et son passager lapin agrippé à son dos tracer la route à travers champs. Un grand arc-en-ciel bleu, jaune orange, mauve et rose s’élève de derrière le véhicule à deux roues, comme si la moto était magique, pot d’échappement-pinceau dévidant de la couleur.

En ouvrant le bloc des pages de garde, l’on pénètre dans un champ de blé mûr, à perte de vue, comme si l’on dormait à même le sol, champ qui deviendra printanier, vert tendre. C’est donc dans la vie de Lapin que nous entrons. Ici, le léporide est libre, possède de longues oreilles sensibles et une ouïe fine. Il est sans doute américain, du genre Sylvigalus. Lapin est anthropomorphisé, comme celui de John Tenniel des Aventures d’Alice, dont il est plus proche en comparaison de Bugs Bunny ou de Roger Rabbit

Lettres à Philippe Sollers (1981-2008), Dominique Rolin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 11 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Gallimard, Correspondance

Lettres à Philippe Sollers (1981-2008), décembre 2020, 425 pages, 24 € (*) . Ecrivain(s): Dominique Rolin Edition: Gallimard

« Le lys d’or est, à la lettre, un livre “foudroyant”. Mille courants électriques s’allument sur ma peau, dans ma tête et mon cœur à mesure que j’avance dans cet éblouissant récit » (Mardi 16 juillet 1991, 17h30).

« … tu m’a appris la patiente de l’écriture, ses refus troublants, ses élans de voltigeuse entre deux trapèzes… T’aimer est mon instrument, ma passion, ma joie. Dors bien, Hombre, tu es un vrai dieu » (Mercredi 10 juillet 2002, 20 heures).

« Le temps file entre les doigts, et je m’accroche à toi pour tenir le coup dans mon travail. Ce que je te dois, minute par minute, est incalculable. C’est le Temps » (Philippe Sollers) (1).

Ce sont désormais quatre volumes de correspondances entre les deux écrivains amoureux, entre deux passions fixes (2), qui s’offrent à nous. La passion littéraire française s’accorde merveilleusement bien à la correspondance, comme elle s’accorde au Journal Amoureux de Dominique Rolin (3) – Cet échange permanent de lettres, souvent quotidiennes, entre Dominique Rolin et Philippe Sollers, aura duré cinquante ans, de 1958 à 2008, l’année où Dominique Rolin s’absente peu à peu dans la maladie – …je ne suis plus qu’un maigre rameau désordonné.

Nevermore, Cécile Wajsbrot (par Laurent Fassin)

Ecrit par Laurent Fassin , le Jeudi, 11 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Nevermore, Cécile Wajsbrot, éditions Le Bruit du temps, février 2021, 260 pages, 19 €

 

Force et gravité sont les maîtres-mots pour qui découvre l’univers de Cécile Wajsbrot. La littérature est à ses yeux une manière unique d’appréhender la vie, de l’accepter dans toutes ses dimensions, d’en évoquer les douleurs, les vides, d’en pointer les non-dits, d’explorer aussi bien l’intime que l’Histoire, au moyen d’une écriture riche en sonorités, aux amples digressions, au rythme lancinant.

Aucune page de ses romans, de ses récits, de ses nouvelles, qui ne reflète la cohérence de cet univers, qui ne soit également le lieu où se nouent et se dénouent inlassablement, au gré de la mémoire, les liens qui font sens, ôtant cette part de non-sens qui loge en chacun de nous et à travers le monde.

Nevermore, son plus récent roman, marque une étape importante de cette quête indispensable. Rarement l’auteur de Mémorial, du Tour du lac et de Beaune-la-Rolande se sera-t-elle à ce point exposée pour exprimer au plus juste ce qui justifie, à la faveur de chacun de ses livres, les hésitations, le doute et l’approfondissement.