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Critiques

La Messe allemande, François Eulry (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 26 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Cherche-Midi

La Messe allemande, François Eulry, mars 2021, 268 pages, 19 € Edition: Le Cherche-Midi

 

Voilà un roman bien curieux, atypique, et complètement hors des clous d’un monde, le nôtre, peu habité par des préoccupations d’ordre spirituel ou théologique. Nous sommes en 1940, dans un camp de prisonniers, un Offizier-Lager selon la terminologie allemande, un camp réservé aux officiers et sous-officiers. Joseph, un officier français, se trouve amené à dire la messe à ses compatriotes qui ne sont pas tous, tant s’en faut, des croyants convaincus. Joseph a pris la décision de remplacer Paul, un curé breton incapable d’exercer son sacerdoce en raison d’une grave maladie. Ses compagnons de captivité comprennent également Henri, un instituteur, et Abel, militaire de carrière.

Sans nous dévoiler d’emblée les véritables raisons qui ont conduit joseph à accepter cette tâche, à laquelle il n’est nullement préparé, mentalement et intellectuellement, François Eulry nous décrit un homme marqué par la peur de ne pas être à la hauteur, par le doute, par des interrogations lancinantes sur l’efficacité du secours qu’il est censé apporter à ses compagnons de captivité. Joseph trouve les voies et moyens pour porter ce message du christianisme ; il s’adapte à ce décor cruel et dramatique de la détention :

Ma dernière séance, Marielle, Broca et Belmondo, Thomas Morales (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 25 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Pierre Guillaume de Roux éditeur, Côté écrans

Ma dernière séance, Marielle, Broca et Belmondo, Thomas Morales, janvier 2021, 126 pages, 15 € Edition: Pierre Guillaume de Roux éditeur

 

« Lui qui jouait les chambellans flamboyants, n’était que timidité, colère rentrée et échappées solitaires. Sa manière de suspendre le temps, de le charger de mille reflets, de nimber la phrase d’une incertitude, il était le seul à pratiquer le funambulisme sur grand écran, entre introspection et ridicule, entre grandiloquence et détachement » (L’ami de la famille, Un moment d’égarement avec vous, Jean-Pierre).

Ma dernière séance, Marielle, Broca et Belmondo, est l’un des derniers livres publiés par Pierre Guillaume de Roux (1) avant sa disparition, le 11 février dernier. Un livre comme il les aimait : curieux, audacieux, drôle, piquant, un rien nostalgique d’un temps précieux où le cinématographe aimait ses comédiens, ses scénaristes et surtout ses spectateurs, un cinéma qui n’avait pas honte qu’on le qualifie de distrayant, de léger, parfois loufoque, maniant avec humour des réflexions au vitriol sur la société de son temps, toujours réjouissant et fantaisiste.

Nuit close, Philippe Leuckx (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 25 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Nuit close, Editions Bleu d’Encre, février 2021 (sizains poèmes), 30 pages, 10 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx

 

D’emblée, avec son titre court, Philippe concise la nuit en une sorte d’évanescence très présente à l’état brut, tel un ciseleur ou un tailleur de pierre :

« On se rempare/ comme on peut/ on taille dans le noir/ la limite du cri/ l’offrande à peine sûre/ de ses poumons blessés ».

Là où la respiration se fait prise sur la matière à vouloir restituer les choses, les rendre prenantes, l’auteur saisit « à plein sang » la tourmente à l’affût d’un cœur qu’il écoute « en recel de visages ».

Philippe a cette intention de clore la nuit pour protéger le jour malgré qu’il ne sache « presque rien/ des promesses de l’aube ».

Kentukis, Samanta Schweblin (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mercredi, 24 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Gallimard

Kentukis, Samanta Schweblin, janvier 2021, trad. espagnol (Argentine) Isabelle Gugnon, 265 pages, 20 € Edition: Gallimard

 

C’est à la série Black Mirror que fait penser le nouveau roman de l’argentine Samanta Schweblin : les mignonnes peluches qu’elle invente, les kentukis, sont une manière de révéler les dérives et perversités de notre société technologique. Les kentukis, aux allures d’animaux kawaï, sont pilotés à distance via une interface logicielle. Chaque peluche met donc en relation deux humains, celui qui achète le kentuki, et celui qui achète le code permettant de le contrôler : celui qui « est » le kentuki, à l’abri derrière l’écran de son ordinateur, voit et entend ce qui se passe chez celui qui « a » le kentuki – qui peut, de son côté, plus ou moins dévoiler son intimité. Dans une succession de chapitres brefs, depuis le premier, qui donne le ton par sa noirceur, jusqu’à la surprise finale, l’auteure s’ingénie à explorer toutes les possibilités offertes par ces appariements à l’aveugle – puisque ni le possesseur du kentuki ni celui qui l’anime ne peuvent se choisir, et qu’ils ignorent tout l’un de l’autre.

Du rififi à Wall Street, Vlad Eisinger (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 24 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Du rififi à Wall Street, Vlad Eisinger, janvier 2021, trad. Antoine Bello, 320 pages, 8,10 € Edition: Folio (Gallimard)

Vlad Eisinger rêvait d’écrire un jour le Grand Roman Américain. Alors, pour ce faire, il a passé la moitié des années 1990 à étudier à Columbia la littérature comparée. Puis, comme un Hemingway ou un Mailer, il a décidé pour élargir ses horizons de devenir journaliste. Engagé par le Wall Street Journal en 1997, il participa en 2001 à l’enquête sur l’entreprise Enron et ses pratiques délictueuses. La débâcle qu’ils semèrent à Wall Street lui valut le titre de senior reporter. Lassé du travail de journaliste et ayant mis un peu d’argent de côté après avoir frôlé le Pulitzer, il éprouva le besoin de changer de vie et se reconvertit comme auteur de fiction. Après avoir pris pour agent Lori Jacobson, il obtint un succès d’estime lors de la parution de son premier roman, Faux mouvement. Mais les livres suivants ne suivirent pas le même mouvement. Alors qu’il est obligé de faire des traductions afin de subvenir à ses besoins, il cherche un moyen de rebondir lorsque Kenneth Tar, patron de l’entreprise de câble Black, cotée en bourse, lui propose d’écrire un roman-vérité sur Black en échange d’un confortable revenu. Les clauses du contrat étant quasi léonines, il refuse ce travail et signe un autre contrat avec l’entreprise True fiction. En prenant le pseudonyme de Tom Capote, en hommage à l’auteur de De sang-froid, il va raconter l’histoire d’un magnat du pétrole aux combines très douteuses dans du Rififi à Wall Street. Mais cette histoire ressemble trop à celle de Kenneth Tar, il se trouve donc dans une très fâcheuse posture et poursuivi par les sbires de Tar.