Vendredi. La ville grandit mais comme un corps échoué sur une plage. L’architecture-baril : cubes sur cubes. On reloge un peuple sans toit. On ne peuple pas une terre. Bâtir, est donner du sens à la pierre éparse. Il n’y a pas de centre dans les nouvelles villes algériennes. Elles sont périphériques, en marge, en banlieue. Le centre est colonial. Car le colon a fondé, nous avons étendu. Il a peuplé, nous avons relogé. Il a imposé sa pierre et son angle. Nous sommes épuisés. Les villes algériennes du baril ne sont pas une conquête, mais des abris. Reflux, pas empire. Rétraction, pas occupation. On a libéré ce pays pour le fuir, s’y enterrer, pas le déterrer. Toute l’architecture s’en ressent : le régime loge et reloge. Il n’est pas un sens, mais une politique. Son but est le chiffre final, le bilan, la statistique, pas la façade, la colonne ou l’architecture et la voûte parfaite. Il est dans la hâte, pas dans l’éternité. L’architecture algérienne est du plan, pas du sens. A l’architecte algérien, il manque une vision du monde, le sens, une façon de se saisir de l’univers en cherchant, dans le tâtonnement, son encolure. Les architectes naissent après les prophètes, toujours. Et pas après les indépendances. Il leur manque, chez nous, une langue puissante. Un poids de soi. On ne peut pas construire un centre pour la ville si on n’est pas convaincu que l’on fonde le centre du monde, encore une fois.