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Chroniques régulières

Le vieillard et le premier cahier, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mercredi, 30 Novembre 2016. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, La Une CED

 

« … Le pays se déchire comme un vieux journal. Je regarde et je tente de rassembler les morceaux pour comprendre, mais je n’y arrive pas ! La météo se mêle au blé, un général parle pendant qu’on distribue des logements, une réforme est annoncée alors que la pluie n’est pas tombée. C’est chacun dans son coin. Comme s’il ne restait du lien du sang que les martyrs d’autrefois. C’est épars, dans le vent mais sans le sens. Comme mon corps : je sais que je glisse vers la tombe en froissant ma peau par la vieillesse, mais le monde m’apparaît comme un jeu de cartes éparpillées. Il y a sûrement une règle de jeu. Mais je l’ai oubliée à la naissance, je crois. Comme tout le monde.

C’est alors qu’on me sort une chaise et qu’on me met au soleil vers 11h dans la petite cour de la maison au village. C’est un moment de bonheur que de sentir le soleil et de regarder les avions minuscules quand ils passent dans le ciel bleu et tracent un trait de fumée blanche. J’imagine les vies dedans, leurs buts laborieux, tout le tintamarre des préoccupations et des peurs, la galaxie des objets qu’on a tous dans la tête et les poches et les sacs et qui nous suivent et nourrissent leur nécessité de nos désirs.

A propos de Zoartoïste et autres textes, Catherine Gil Alcala, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Novembre 2016. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, La Une CED

Zoartoïste et autres textes, Catherine Gil Alcala, éd. La Maison brûlée, novembre 2016, 136 pages, 15 €

 

 

Au risque de répéter ce qui a été dit déjà au sujet de la forme très originale et particulière du théâtre de Catherine Gil Alcala, il faut se faire à l’idée qu’il y a là un style d’auteur, et un vrai monde. Ce monde est fait de la concaténation de différents éléments, qui prennent source dès la liste des personnages (un peu à la manière de Novarina) et d’ailleurs avec le tout premier d’entre eux : Zoartoïste, c’est-à-dire un enchâssement de noms et d’épithètes tels que Zoroastre, toïste, artiste, le Tao, l’art, Zarathoustra. Et c’est bien ce qui surgit à la lecture, ce mélange, cette saturation, le caractère protéiforme d’un univers théâtral à part entière. Là encore, pour cette pièce qui s’organise en 15 scènes (15 miroirs), l’on est tout devant une sorte d’autoportrait de la dramaturge, une sorte de monologue à plusieurs voix qui nous sature d’informations et d’images, qui explose en quelque sorte dans un style foisonnant et divers.

A propos de Lieux-non dits, Geneviève Roch, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 25 Novembre 2016. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, La Une CED

Lieux-non dits, Geneviève Roch, éd. Le Lavoir St-Martin, 2013, 15 €

 

Une poésie autarcique

Le destin des livres est une affaire parfois mystérieuse. Il l’est d’autant que le livre passe le temps de sa publication et vient au regard d’un lecteur qui n’est plus tout à fait contemporain de la parution. Et c’est ce retard-même qui interroge. Tel est le cas de ce petit recueil que publiaient les éditions de Marie-Noëlle Chabrerie en 2013. C’est ainsi que la littérature résiste au temps séquencé de notre époque, faite d’oubli et de passions violentes – oubli violent lui aussi à la mesure de l’engouement artificiel et souvent médiatique d’un simple moment historique, que le livre lui, doit transcender.

Donc, Lieux-non dits est de cette espèce, un livre avec destin. D’ailleurs cette poésie se prête elle-même au temps, au phénomène d’usure de la durée. Et cette lutte intérieure contre le temps chronologique, est ici tenue en échec par des figures sans image, une langue abstraite et géométrique d’une poésie sans image, une sorte de représentation à la Bram Van Velde, qui se suffit à elle-même, qui se nourrit de sa propre force, une poésie autarcique.

Café L’Avenir, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 15 Novembre 2016. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, La Une CED

 

Vendredi. La ville grandit mais comme un corps échoué sur une plage. L’architecture-baril : cubes sur cubes. On reloge un peuple sans toit. On ne peuple pas une terre. Bâtir, est donner du sens à la pierre éparse. Il n’y a pas de centre dans les nouvelles villes algériennes. Elles sont périphériques, en marge, en banlieue. Le centre est colonial. Car le colon a fondé, nous avons étendu. Il a peuplé, nous avons relogé. Il a imposé sa pierre et son angle. Nous sommes épuisés. Les villes algériennes du baril ne sont pas une conquête, mais des abris. Reflux, pas empire. Rétraction, pas occupation. On a libéré ce pays pour le fuir, s’y enterrer, pas le déterrer. Toute l’architecture s’en ressent : le régime loge et reloge. Il n’est pas un sens, mais une politique. Son but est le chiffre final, le bilan, la statistique, pas la façade, la colonne ou l’architecture et la voûte parfaite. Il est dans la hâte, pas dans l’éternité. L’architecture algérienne est du plan, pas du sens. A l’architecte algérien, il manque une vision du monde, le sens, une façon de se saisir de l’univers en cherchant, dans le tâtonnement, son encolure. Les architectes naissent après les prophètes, toujours. Et pas après les indépendances. Il leur manque, chez nous, une langue puissante. Un poids de soi. On ne peut pas construire un centre pour la ville si on n’est pas convaincu que l’on fonde le centre du monde, encore une fois.

Dictionnaire de la controverse, Cincinnatus, numéro 2, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Mardi, 08 Novembre 2016. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, Bonnes feuilles, La Une CED

Dictionnaire de la controverse, Cincinnatus I à P (Editions de Londres)

 

Parution du Vol. 3 du Dictionnaire de la Controverse : de « i » à « p », par Cincinnatus

 

Dictionnaire de la controverse

Abécédaire de la bêtise

7 extraits du Dictionnaire de Cincinnatus (vol. 3) :

 

I) Islam

nom commun ; exemple : l’Islam est la deuxième religion de France.

La France est déchirée entre deux fantasmes portés par deux groupes farouchement opposés.

Le premier groupe considère que la religion est une activité humaine anachronique.