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Afrique

L’Heure de l’ange, Karel Schoeman (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 07 Septembre 2018. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Phébus

L’Heure de l’ange, août 2018, trad. Pierre-Marie Finkelstein, 488 pages, 24 € . Ecrivain(s): Karel Schoeman Edition: Phébus

 

Karel Schoeman est un auteur sud-africain capital pour la compréhension de son pays, l’Afrique du Sud. Dans trois ouvrages consacrés plus spécialement aux voix, aux souvenirs, Cette VieDes voix parmi les ombresL’Heure de l’ange, cet auteur fait revivre ce pays, en utilisant ces filtres précieux, trompeurs, mais indispensables que sont les souvenirs, les traces laissées par les personnes, leur impact sur notre propre accès au souvenir. Cependant, comme dans Des voix parmi les ombres, l’accès à ces souvenirs, à cette mémoire sud-africaine, vu du côté des européens, et plus spécialement des Afrikaans, ces descendants de colons néerlandais, est bien laborieux, confus, incertain. C’est ce qu’évoque Karel Schoeman dans ce roman.

Le prétexte, car c’en est un, nous le verrons à la lecture du livre, c’est le retour d’un producteur de télévision de Johannesburg dans la petite ville de son enfance. Cet homme recherche des éléments biographiques d’un berger nommé Danie Steenkamp à qui serait apparu un ange au début du XIXe siècle.

L’Abattoir de verre, J. M. Coetzee

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 24 Août 2018. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil, La rentrée littéraire

L’Abattoir de verre, août 2018, 166 pages, 18 € . Ecrivain(s): John Maxwell Coetzee Edition: Seuil

 

Sait-on bien vers où l’on s’embarque lorsqu’on entre dans un livre de J. M. Coetzee ? Malgré sa prose limpide et le retour d’un personnage connu de ses lecteurs : Elizabeth Costello – la vieille écrivaine australienne éponyme du roman de 2003 – cet auteur nous fait sciemment perdre dans L’Abattoir de verre sextant et boussole.

Moral tales est le titre anglais de ce recueil de sept histoires écrites entre 2003 et 2017, et dont la deuxième est un récit d’adultère tranquillement amoral intitulé Histoire sans plus. Autre élément surprenant : l’auteur a voulu que Moral tales paraisse d’abord en traduction espagnole à Buenos Aires et à Madrid sous le titre de Cuentos morales, comme s’il voulait marquer ses distances envers sa langue et les pays anglo-saxons. Serait-il proche d’Elizabeth Costello qui, d’un récit à l’autre, après avoir refusé de vivre ses vieux jours à Nice près de sa fille Helen, repousse énergiquement l’offre de son fils John de s’établir près de lui à Baltimore, car « venant d’une Australie qui bave littéralement devant son maître américain », elle ne veut pas se « fixer dans le ventre du Grand Satan » ?

Les cigognes sont immortelles, Alain Mabanckou

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 21 Août 2018. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil, La rentrée littéraire

Les cigognes sont immortelles, août 2018, 293 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Alain Mabanckou Edition: Seuil

 

L’action se déroule à Pointe-Noire, au Congo, sur trois jours, du 19 au 21 mars 1977, au lendemain de l’assassinat du camarade président Marien Ngouabi.

Le narrateur est Michel, un jeune garçon qui vit avec sa mère, Maman Pauline, et le second mari de celle-ci, Papa Roger, qui, bigame, entretient dans un autre quartier une première épouse et leurs nombreux enfants.

Le lecteur partage pendant ces trois jours historiques le quotidien de Michel, ses allées et venues dans la proximité de la case familiale, et sa vision apparemment naïve mais paradoxalement extrêmement lucide des relations sociales, économiques au sein de sa parentèle et de son environnement proche, et des retombées qu’ont sur elles les turbulences tragiques d’une actualité politique jalonnée de révolutions de palais faisant des amis d’hier les ennemis du jour.

Nous sommes tous des féministes suivi de Les marieuses, Chimamanda Ngozi Adichie

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Vendredi, 18 Mai 2018. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Nous sommes tous des féministes suivi de Les marieuses, traduit de l’anglais par Sylvie Schneiter et Mona de Pracontal, livre audio, lu par Annie Milon, mars 2018, 12,90 € . Ecrivain(s): Chimamanda Ngozi Adichie Edition: Gallimard

« Partout dans le monde, la question du genre est cruciale. Alors j’aimerais aujourd’hui que nous nous mettions à rêver à un monde différent et à le préparer. Un monde plus équitable. Un monde où les hommes et les femmes seront plus heureux et plus honnêtes envers eux-mêmes. Et voici le point de départ : nous devons élever nos filles autrement. Nous devons élever nos fils autrement ».

C’est par ces mots qui résument bien ce premier texte lu – retranscription d’une Conférence donnée en décembre 2012 lors d’un colloque annuel consacré à l’Afrique – que Chimamanda Ngozi Adichie engage une réflexion féministe sur un sujet toujours plus controversé. Elle le fait avec humour et délicatesse, affirmant cependant une personnalité qui très tôt s’est révélée engagée et décidée pour la Cause féministe. Habituée à donner des conférences notamment sur « la façon dont les stéréotypes appauvrissent nos idées notamment à propos de l’Afrique », elle accepte de parler de sa vision du féminisme tout en espérant malgré les doutes que ses propos susciteraient auprès d’un public attentif mais récalcitrant, que cette question ouvrira un débat nécessaire. Le féminisme lui-même étant limité par les stéréotypes et chargé de connotations lourdes et négatives.

Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie

Ecrit par Sana Guessous , le Samedi, 06 Mai 2017. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Americanah, traduit de l’anglais (Nigeria) par Anne Damour 2015, 528 pages, 24,50 € . Ecrivain(s): Chimamanda Ngozi Adichie Edition: Gallimard

 

Humidifier, nourrir, démêler, brosser, aplatir, tirebouchonner, recommencer.

Le matin, se décomposer devant son reflet hirsute. Se demander comment mater l’ennemi capillaire qui s’est dressé dans la nuit. Chercher une façon d’amadouer cette touffe noire en révolution perpétuelle.

Lutter férocement. Dégainer les ciseaux, le fer à lisser, la brosse soufflante, l’huile de coco, le beurre de karité, les prières, les larmes, les incantations.

Capituler. Accepter cette chevelure ironique, qui n’a honte de rien, qui s’assume avec majesté et s’affiche, écumante, au milieu des têtes lisses et sages. C’est ce qu’a fait Ifemelu, l’héroïne nappy d’Americanah. Un personnage de roman qui vit et comprend mes mésaventures capillaires… Ça ne m’était encore jamais arrivé.

Dans la littérature comme sur Instagram, le cheveu est soyeux par définition. Il flotte délicatement autour des visages souriants, les cajole, les nimbe de douceur. Il se laisse brosser et tresser avec grâce.