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Afrique

Le Fruit le plus rare, ou la vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 28 Septembre 2023. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le Fruit le plus rare, ou la vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem, Gallimard, Coll. Continents Noirs, août 2023, 238 pages, 20 € Edition: Gallimard

 

Il y a deux bons et puissants romans en un dans ce deuxième ouvrage que publie Gaëlle Bélem.

« Il s’appelle Edmond, il a douze ans. Dans un XIXe siècle fade comme la pluie, où le peuple mange utile, loin de tout souci de goût, de présentation ou de parfum des aliments, Edmond vient de produire une nouvelle épice. Dans un siècle donc où on n’a l’habitude que de deux saveurs, l’amer des margozes et l’acide du citron-galet, où le sucre de canne est rare, dans un siècle disions-nous où la patate douce, le pain et les aigreurs d’estomac triomphent, lui Edmond, douze ans, apporte au monde occidental une saveur nouvelle, un arôme oublié depuis le XVIe siècle. L’arôme vanille ».

Edmond – il aura un patronyme bien plus tard, après l’abolition de l’esclavage en 1848 – est né de parents esclaves sur l’île Bourbon (La Réunion) au début du XIXe siècle. Orphelin précoce, il est recueilli et gardé avec lui dans son jardin de botaniste amateur et passionné par le maître Ferréol Beaumont…

Les Femmes de Bidibidi, Charline Effah (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 14 Septembre 2023. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les Femmes de Bidibidi, Charline Effah, Éd. Emmanuelle Collas, août 2023, 222 pages, 19 €

 

Le titre d’une nouvelle, du Nigérian Chinua Achebe, revient à l’esprit comme une expression qui résume ce troisième roman de Charline Effah : Femmes en guerre (Girls at War). La guerre en question chez Chinua Achebe est celle du Biafra (1967-1970), et le romancier traite de la particularité du sort de la femme dans une telle situation. Au sujet des Femmes de Bidibidi, pour être exact, le mot guerre doit être au pluriel. Guerres civile puis interethnique au Soudan et leurs corollaires terribles, et aussi guerres dans le couple, guerres pour respirer, pour exister aux côtés de l’autre, guerres de prédation contre les femmes – deux sortes de guerres donc comme l’énonce la narratrice du roman, « celles des armes et celles de la dignité ». Les guerres des armes sont fracassantes et collectives ; elles n’éteignent pas, n’interrompent ou ne suspendent même pas une seconde les guerres de la dignité individuelle, bien au contraire.

Mes deux papas, Éric Mukendi (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 23 Juin 2023. , dans Afrique, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Gallimard

Mes deux papas, Éric Mukendi, Gallimard, Coll. Continents Noirs, mars 2023, 181 pages, 18,50 € Edition: Gallimard

 

Le regard de l’enfance sur la vie et sur les adultes aux prises avec les réalités de la vie. La Vie devant soi de Romain Gary s’est imposée comme le modèle d’un genre romanesque. Le premier roman d’Éric Mukendi fait penser à ce grand exemple sans manquer de qualités propres qui en font une œuvre réussie et agréable. Le jeune Boris qui raconte est aussi appelé par son entourage Bobo – un peu comme l’inoubliable Momo de Gary/Ajar. Mais les temps ont changé. Nous sommes à l’ère de l’Internet et des réseaux sociaux. Et le 9.3 où habite Boris est quasiment un ailleurs lointain et même étrange par rapport à Paris où chacune de ses excursions est une prise de risques. Aller de l’un à l’autre, c’est passer une frontière, en particulier linguistique. Boris est collégien ; une innocence finissante. Cela donne à ce qu’il raconte le cachet sociologique d’une phase charnière – entre l’enfance et la jeunesse adulte. Il a une première histoire d’amour, comprend vite et se défend bien contre un prédateur sexuel à l’aide d’un cran d’arrêt…

La femme au manteau bleu, Deon Meyer (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 07 Novembre 2022. , dans Afrique, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Folio (Gallimard)

La femme au manteau bleu, Folio/Policier, août 2022, trad. de l’afrikaans, Georges Lory, 176 pages, 14 € . Ecrivain(s): Deon Meyer

 

Le chauffeur d’un taxi-minibus assurant le trajet Mthatha-Le Cap, transportant treize femmes xhosas, couturières, plongeuses, aides ménagères, femmes de ménage, fait halte au panorama du Col de Sir Lowry, à l’ouest du Cap, pour pouvoir uriner. Ils découvrent avec horreur un corps nu de femme blanche disposé sur un muret le bras gauche pendant le long du mur selon un angle curieux.

Benny Griessel et Vaughn Cupido son équipier, membres éminents de l’unité des Hawks (dont le nom officiel est DCPI, Direction des enquêtes criminelles prioritaires) et dont le siège se trouve à Cap Town, bien sûr, mais dans le quartier de Bellville (eh, oui !) sont à la recherche chez un receleur d’une bague de fiançailles pour le mariage de Benny et d’Alexa. Chez Mohamed Faizal, dit Love Lips, le brocanteur, on trouve de tout dont des bagues et surtout une collection de tableaux de femmes en robe bleue. Fayzal explique : « La rumeur dit qu’on peut faire beaucoup d’argent avec la femme sur fond bleu ».

Le Trio Bleu, Ken Bugul (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 24 Mars 2022. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le Trio Bleu, Ken Bugul, Editions Présence Africaine, janvier 2022, 251 pages, 13 €

 

L’image n’est certes pas littéraire. Supposons une ligne droite qui va de A à D ; le récit commence au point C, s’oriente vers le passé en un agencement subtil des faits, des gestes et des pensées, déroule ainsi peu à peu la vie écoulée d’un homme, revient au point de départ (C) et achève en contant le dernier quart qui est l’avenir immédiat du personnage. Schématique. Il ne s’agit pas à proprement parler de successifs flashbacks placés tels quels, mais d’un déroulé hybride (aujourd’hui, hier, avant-hier, plusieurs années en arrière se mélangent) de la conscience chez Góora, personnage principal auquel tiennent compagnie deux autres qui s’appellent Suleiman et François. Tout ce début explicatif de notre compte rendu énonce que l’une des qualités du Trio Bleu est la maîtrise narrative que démontre ici Ken Bugul, romancière africaine d’expérience dont le premier et fameux roman, Le Baobab fou, a paru il y a près de quarante ans.