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Afrique

En attendant le printemps, Alexandra Fuller (Par Laurent LD Bonnet)

Ecrit par Laurent LD Bonnet , le Vendredi, 11 Janvier 2019. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Jean-Claude Lattès

En attendant le printemps (Quiet Until the Thaw), octobre 2018, trad. anglais Anne Rabinovitch, 224 pages, 20 € . Ecrivain(s): Alexandra Fuller Edition: Jean-Claude Lattès

 

En matière d’édition, confier à Anne Rabinovitch la traduction d’un roman américain, c’est lui offrir un smoking de marque qui, dès l’entrée en scène, séduira tout lecteur francophone amateur de belle langue. Il y a du respect dans ce travail. On le ressent. On s’y installe en confiance : nous lisons bien du Alexandra Fuller. Ces deux plumes se sont accordées chez Lattes depuis 2012. Notre plaisir s’installe donc, grandit page après page, sans jamais fléchir. Il est subtilement accompagné par le choix du département Éditions des deux terres qui nous confie des livres au format souple, intelligent, au grammage complice.

Sachant cela, homme blanc et femme blanche ! Vous ! Pour qui l’idée que certains peuples ne vivent pas ensemble en fonction d’une hiérarchie, mais par étapes, par cycle, dans des cerclesdépasse peut-être l’imagination, eh bien tamisez vos lumières, éteignez vos téléphones, et immergez-vous quelques heures dans notre temps !

Loin de Douala, Max Lobe (par Grégoire Meschia)

Ecrit par Grégoire Meschia , le Mercredi, 07 Novembre 2018. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zoe

Loin de Douala, mars 2018, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Max Lobe Edition: Zoe

Avec sa gouaille si particulière, Loin de Douala traite d’un phénomène de société. Il s’intéresse au cas des jeunes footballeurs qui rêvent de faire carrière dans un club européen et qui empruntent pour cela de dangereuses routes migratoires. Ils jouent gros et deviennent la plupart du temps les proies d’un système de traite bien ordonné. Cette situation est si répandue que les Camerounais lui ont donné un nom : faire « boza ».

Le thème choisi par Max Lobe est celui de la fugue d’un adolescent, qui rappelle le personnage d’Antoine Doinel dans Les Quatre Cents coups de Truffaut, mais plongé au cœur de l’actualité camerounaise.

Comme dans Confidences, son précédent roman, Max Lobe choisit la première personne du singulier pour faire ressentir l’intimité d’un pays, vécu de l’intérieur, avec ses réalités propres, ses manières de s’exprimer aussi. Jean, le narrateur, est le bon élève de la famille et le « choupi » de sa maman, adepte fanatique de l’église du Vrai Evangile. Son frère Roger a perdu avec la mort de son père son seul soutien dans la famille. Sa mère l’a toujours dénigré et roué de coups. La passion de Roger, c’est le football. Mais sa mère a toujours refusé qu’il emprunte cette voie. Il est donc réduit à fuguer et à chercher un chemin clandestin pour quitter un pays où rêver n’est pas possible.

Frère d’âme, David Diop (par Dominique Ranaivoson)

Ecrit par Dominique Ranaivoson , le Mercredi, 31 Octobre 2018. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil

Frère d’âme, août 2018, 176 pages, 17 € . Ecrivain(s): David Diop Edition: Seuil

 

Les quatre années consacrées au Centenaire de la Grande Guerre ont déclenché une véritable fièvre éditoriale et on pourrait en conclure que tout a été réévalué, reconsidéré, que tous les arts se sont déployés pour ce temps de célébration. Or, voici, in extremis, un roman qui ne vient pas se surajouter aux autres puisqu’il réussit à surprendre et subjuguer.

Ce long monologue est la parole d’Alfa Ndiaye, tirailleur sénégalais illettré rapatrié à l’Arrière pour s’être montré plus sauvage encore que ce qui était demandé par une France qui pourtant, dit-il, « a besoin que nous fassions les sauvages quand ça l’arrange » (25). Au milieu des soldats traumatisés qui hurlent dans la nuit, pris en main par le médecin, il cherche à comprendre comment, dans la boue et la violence, entre « les Toubabs et les Chocolats » (46), il a basculé. Il dit ce qu’il a compris de la guerre, de lui, des autres, de la vie dans un récit traversé par un lancinant « j’ai su, j’ai compris » et par l’invocation « par la vérité de Dieu », comme l’enfant-soldat de Kourouma dans Allah n’est pas obligé (2001).

Le Devoir de violence, Yambo Ouologuem, par Fedwa Ghanima Bouzit

Ecrit par Fedwa Ghanima Bouzit , le Mardi, 16 Octobre 2018. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil

Le Devoir de violence, mai 2018, 304 pages, 19 € . Ecrivain(s): Yambo Ouologuem Edition: Seuil

La malédiction est enfin levée sur Le Devoir de violence de Yambo Ouologuem

La première fois que je lisais Yambo Ouologuem, c’était une retranscription d’un entretien où il tente d’expliquer son processus d’écriture : « Je crois que la plume est à l’écrivain ce qu’est à l’aveugle son bâton. C’est-à-dire qu’un objet inerte devient un instrument opératoire dans lequel vient se loger la sensibilité qui s’y prolonge. De même que l’aveugle qui marche à tâtons sait où il va, en gros, dans son idée, mais ne sait pas les embûches qu’il va trouver. De même, je pense qu’il y a une loi de l’écriture qui fait que l’on sent confusément en soi des zones de ténèbres épaisses que l’on voudrait, non pas élucider, mais pénétrer, à travers lesquelles on voudrait se frayer une voie… ».

Intriguée par son approche à l’écriture, je voulais immédiatement le lire. Seulement, impossible de le trouver en librairie alors. Je peux enfin le lire en cette année 2018 car son chef-d’œuvre, Le Devoir de violence, a été réédité par Le Seuil au mois de mai. C’est que ce roman et son auteur ont été frappés d’une malédiction cinquante ans durant. Avec cette réédition, nous pouvons enfin relire Le Devoir de violence et lui redonner toutes ses lettres de noblesse comme l’un des romans phares de la littérature africaine.

Frère d’âme, David Diop (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 10 Septembre 2018. , dans Afrique, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil, La rentrée littéraire

Frère d’âme, août 2018, 175 pages, 17 € . Ecrivain(s): David Diop Edition: Seuil

 

On l’admet maintenant après avoir minimisé ou même carrément occulté cette réalité historique : les Africains, et plus généralement tous les indigènes de l’empire colonial français, ont combattu pour la France durant les deux guerres mondiales.

David Diop, romancier sénégalais, livre dans Frère d’âme non pas un témoignage de combattants originaires de l’Afrique noire, mais le ressenti de deux tirailleurs sénégalais, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, face à la guerre, face à leur supérieur hiérarchique, le capitaine Armand. Cette remémoration de leur condition de combattants se révèle alors loin d’être anodine, très éloignée des clichés que l’on entretenait alors couramment à propos des sujets de l’empire. Ainsi, la sauvagerie, caractéristique selon ces vues, des Africains est-elle en quelque sorte retournée à l’envoyeur :