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Nouvelles

Jusqu’à la mort, Amos Oz (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 17 Mars 2021. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Israël

Jusqu’à la mort, novembre 2020, trad. hébreu, Rina Viers, 160 pages, 9 € . Ecrivain(s): Amos Oz

 

« C’est alors que Jérusalem cessa de leur sembler un but, un endroit où se déroulent des aventures glorieuses. Un changement s’opéra. Les hommes rompaient le silence prolongé pour dire : “A Jérusalem” » (p.53).

« Invisible je scruterai sans cesse l’horizon marin. (…) Mais quand soudain surgiront les gris navires aux confins de l’horizon marin, je serai le premier à donner l’alerte. (…) Je donnerai l’alerte jusqu’à en perdre le souffle. Jusqu’à l’extrême limite de mon amour » (p.160).

Ces deux passages, tirés des deux nouvelles de Jusqu’à la mort, se font face, en miroir.

Le premier est le récit d’une croisade pour délivrer Jérusalem, qui échoue et s’échoue dans les ruines d’une abbaye ; le second, celui d’un vieux conférencier qui attend « jusqu’à la mort » la fin des temps, l’abordage et l’invasion par les Russes de la terre d’Israël.

Ce qui n’existe plus, Krishna Monteiro (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 04 Mars 2021. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Langue portugaise

Ce qui n’existe plus, Krishna Monteiro, Le Lampadaire, février 2020, trad. portugais (Brésil) Stéphane Chao, 100 pages, 10 €

 

Un recueil de sept nouvelles de longueur inégale, le titre de la première étant éponyme de celui du livre.

 

Ce qui n’existe plus

La première fois que je t’ai vu après ta mort, tu te tenais debout dans le salon.

Cet incipit annonce, en accord avec le titre, ce qui sera le fil infra-textuel de l’ensemble des sept nouvelles. Le narrateur personnage de ce premier texte, à partir de cette vision initiale, remonte, en un erratique et onirique voyage dans le temps, les années jusqu’à son enfance et sa relation bibliophile avec un père lettré dans la bibliothèque de la grande et labyrinthique maison familiale de style colonial de la rue Varzea, dont les décors apparaîtront plus ou moins furtivement dans d’autres nouvelles.

Les Cabanes du narrateur, Œuvres choisies, Peter Handke (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 24 Février 2021. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Gallimard

Les Cabanes du narrateur, Œuvres choisies, Peter Handke, Quarto/Gallimard, novembre 2020, 1152 pages, 26 € (1) Edition: Gallimard

 

« En marchant par l’écriture, en écrivant par la marche, Peter Handke a cherché ce paradis en cherchant ces mots, l’un par les autres, et il lui est arrivé de les trouver. Ces livres sont les étapes d’un exploit » (Le chemin se fait en marchant, Philippe Lançon).

« Je marchais, vivifié par le vent debout ; le bleu de la montagne, le brun des forêts et le rouge carmin des corniches de sable, c’étaient mes pistes de couleur » (La Leçon de la Sainte-Victoire).

« Pendant que le ciel se faisait couleur de soufre, une friche verdissait dessous et les sentes à travers les champs de décombres devenait vert mousse. Alors que tout était depuis longtemps plongé dans le crépuscule, un buisson d’églantier traçait un arc lumineux » (Essai sur le juke-box).

Indice des feux, Antoine Desjardins (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mercredi, 24 Février 2021. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Indice des feux, Antoine Desjardins, éd. La Peuplade, janvier 2021, 360 pages, 20 €

Indice des feux rassemble sept longues nouvelles, à la fois très diverses et unies par un fil rouge d’une brûlante urgence : le délabrement du monde – qui devient immonde à force de négligence, d’exploitation et de dévastation – et ce que sa destruction fait aux hommes – du moins à ceux qui s’en inquiètent… Elles explorent différentes formes de la détresse humaine, à savoir, pour la plupart, une expérience douloureuse associée à un phénomène plus ou moins « naturel », le plus souvent engendré ou favorisé par l’action humaine : dans la première, A boire debout, un adolescent agonise lentement d’une leucémie, tandis que les eaux montent et inondent la ville et le Québec. Dans la dernière, Ulmus americana, un vieil homme dépérit à cause d’un cancer mais consacre toute l’attention et l’énergie qui lui restent à son orme miraculé, épargné encore par la graphiose qui a décimé cette essence. Dans Couplet, un jeune couple qui attend un enfant est chassé anticipativement de son appartement par une invasion de souris – juste retour de boomerang… – et se délite, hanté par la mort des baleines et l’angoisse : « Un enfant, dans ce monde-là ? ».

Les orages, Sylvain Prudhomme (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 01 Février 2021. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Les orages, janvier 2021, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): Sylvain Prudhomme Edition: Gallimard

Les orages est un recueil de nouvelles racontant chacune un moment plus ou moins extraordinaire d’une vie ordinaire, un moment où quelque chose se fissure ou se fêle, grince ou glisse, s’ouvre ou se ferme, pour le pire ou le meilleur – ou pour on ne sait quoi. Si l’on en croit le titre, un orage… qui menace plutôt qu’il n’éclate : ce mot laisse attendre une violence qu’on ne trouve guère dans ces nouvelles, comme si l’auteur n’allait pas au bout de son projet, restait en-deçà, au seuil de l’orage, ouvrant une faille sans y faire tomber personne. Ce qu’on trouve, en revanche, c’est le retour au calme après l’esquisse ou l’idée d’une tempête – on se demande alors ce qui résultera et restera de ces instants d’intensité variable à occurrence unique – et ce qui éclate, ce serait plutôt la vulnérabilité des personnages mis à nu, leur carapace.

Parmi ces récits, assez disparates, certains émeuvent, à des degrés divers, parce que nous connaissons tous, ou connaîtrons un jour, ces instants où a lieu, inopiné, un événement, aussi infime soit-il, qui infléchit ou bouleverse notre existence, qui nous dépouille, un bref ou long moment : ainsi celui où un vieil homme armé d’un taille-haie est pris d’une crise de démence sénile, aussi grotesque que poignante ; ou celui où Awa, une jeune Sénégalaise, se résout à dépenser toutes ses économies pour payer une vaine chimiothérapie à son frère presque mort, et renonce à ses projets, comme si un fatum le lui commandait. D’autres laissent assez indifférent, semblent anodins : ainsi celui où un homme fait l’état des lieux de l’appartement qu’il vient de vendre, songe aux années qu’il y a passées et contemple les traces que lui et sa compagne y ont laissées, ou celui où un homme découvre sa propre tombe au cimetière Lachaise et apprend qu’il ne lui reste que quarante années à vivre.