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Maghreb

Aux ventres des femmes, Huriya (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 04 Septembre 2024. , dans Maghreb, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Aux ventres des femmes, Huriya, Editions Rue de l’Echiquier, août 2024, 320 pages, 22 €

 

Après Entre les jambes, publié en avril 2021, un premier roman contestataire, provocateur, qui lui a apporté une immédiate notoriété, Huriya, écrivaine franco-marocaine, récidive avec ce récit tout autant percutant des quinze premières années de l’existence quotidienne de la fille cadette d’un boucher polygame et tyrannique tirant des préceptes de l’intégrisme islamique la légitimité de son odieux comportement domestique.

L’histoire se déroule dans un état islamique non identifié, dans le quotidien de quoi on peut reconnaître ici et là des éléments socio-culturels, socio-religieux, socio-linguistiques propres à telle ou telle communauté régionale du monde arabo-musulman.

Les Terrasses d’Orsol, Mohammed Dib (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 16 Mai 2024. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zulma

Les Terrasses d’Orsol, Mohammed Dib, éditions Zulma, février 2024, 192 pages, 9,95 € Edition: Zulma

Hors lieu / décentrement

Mohammed Dib, né à Tlemcen en 1920 (capitale de l’art andalou), décédé en 2003 à La Celle-Saint-Cloud, poète, romancier, dramaturge, a reçu de nombreux prix prestigieux (Académie française, Francophonie, Mallarmé, Découvreurs de la Ville de Boulogne/Mer, etc.). L’auteur fait partie intégrante du patrimoine des littératures française et algérienne.

Son roman, Les Terrasses d’Orsol, commence par la voix d’adresse d’un voyageur pressé, qui consigne des faits et des observations dans un journal, tâche officielle qui lui a été commandée par l’Etat. Mohammed Dib nous entraîne d’abord dans le soliloque fou d’un récitant sans nom ni prénom, lequel déambule et se perd dans les impasses et le rhizome de la ville de Jarbher. Il se trouve soudainement enveloppé de « nappes secrètes », entouré de forces occultes d’un onirisme noir, cauchemar de Lovecraft. Le romancier use d’un procédé « psychogéographique », assimilé à une sorte de dérive situationniste. En spéléologue, le protagoniste tente de retrouver des traces, une issue et une sortie possibles dans ce curieux itinéraire détourné.

La Grande Maison, Mohammed Dib (par Léon-Marc Levy)

, le Jeudi, 25 Avril 2024. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points, En Vitrine, Cette semaine

Edition: Points

En Algérie, Omar, le petit héros de ce roman-culte, est un peu le Gavroche tlemcénien. Bouillant de vie, grand cœur, hardi, insolent quand il veut, il est le titi de la Rue Basse, de la Rue Lamoricière et du Bélik. Figure hugolienne à plus d’un titre, Omar s’inscrit dans un cadre où sourd, lente mais inéluctable, une révolution, celle qui mènera l’Algérie à sa naissance. Nous sommes en 1952 et Mohammed Dib distille dans les interlignes des cavalcades d’Omar dans les rues et ruelles, les signes du réveil des consciences, des embryons d’organisation, de la montée de l’espoir d’un peuple tenu alors sous la férule colonialiste depuis 120 ans.

Tlemcen la belle, Tlemcen la rebelle, offre un décor parfait à l’histoire du garçon pêchant çà et là les bruits de la maison, les bruits de la rue, de la ville, du pays qui se lève. La puissance de Mohammed Dib est dans sa retenue. Jamais le roman ne tend vers le manifeste, il suggère, pointe, sécrète. Omar est son oreille, parfois sa voix mais toujours dans le murmure d’un pays qui gronde. L’infâmie coloniale s’insinue dans les lignes, entre les lignes comme elle tentait de s’insinuer dans les têtes à travers le discours des écoles « républicaines » et de leurs maîtres.

Vivre à ta lumière, Abdellah Taïa (par Luc-André Sagne)

, le Lundi, 22 Mai 2023. , dans Maghreb, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Seuil

Vivre à ta lumière, Abdellah Taïa, Le Seuil, mars 2022, 208 pages, 18 €

 

Vivre à ta lumière, le dernier ouvrage paru d’Abdellah Taïa, met en scène une femme marocaine à la forte personnalité, Malika, des années 1950 aux années 1990. Met en scène au sens propre tant est forte l’impression d’être sur les planches d’un théâtre, devant une parole toute-puissante qui se livre, celle de Malika, en un long monologue que viennent parfois interrompre, mais toujours brièvement, d’autres paroles. Une oralité qui emporte tout. Si l’on suit ici un ordre plutôt chronologique (le précédent ouvrage de l’auteur en revanche, Celui qui est digne d’être aimé, remontait le temps), c’est peut-être parce qu’Abdellah Taïa a voulu faire de ce monologue un récit, historique autant qu’intime, celui de la vie de cette femme, de la jeune veuve de 20 ans à la « vieille » femme de 65 ans, dans un Maroc en pleine mutation, de la décolonisation au règne du roi Hassan II.

La lumière de ma mère, Mehdi Charef (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 21 Avril 2023. , dans Maghreb, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La lumière de ma mère, Mehdi Charef, éditions Hors D’atteinte, Coll. Littératures, mars 2023, 120 pages, 17 €

Algérie, de l’origine

Mehdi Charef (né en Algérie en 1952, auteur et réalisateur, considéré comme le père de la « littérature beur »), construit son dernier roman autour de la figure maternelle. Après la trilogie Rue des Pâquerettes, Vivants, La Cité de mon père, La lumière de ma mère poursuit la trajectoire d’un enfant maghrébin et ce, depuis Maghnia, une ville moyenne de la commune de la wilaya de Tlemcen. L’auteur émigre en France à l’âge de dix ans. Son enfance et son adolescence se déroulent entre le bidonville de Nanterre et les cités de transit de la région parisienne. Fils d’un terrassier, il va travailler lui-même en usine de 1970 à 1983, comme affûteur ; d’où ce constat amer : « On nous considère comme des bâtards nés de rien, de personne ».

Mehdi Charef célèbre la bonté, le courage et l’abnégation de sa mère, femme maghrébine invisibilisée, participant du phénomène de masse d’une population immigrée exposée aux formes de pauvreté et d’isolement dans des conditions de vie indignes ; mère proscrite dans « une baraque sordide, obscure ». En dépit du très long séjour en France – toute une vie –, les exhortations haineuses et racistes se prolongent :