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Les Livres

Le fil, Sophie Lemp

, le Jeudi, 18 Juin 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions de Fallois

Le fil, mai 2015, 96 pages, 15 € . Ecrivain(s): Sophie Lemp Edition: Editions de Fallois

 

Le parfum du tilleul

Dans la mythologie romaine, les Parques tissent le fil de la destinée. Dans la première scène du Crépuscule des dieux, les Nornes tressent ce même fil mais il se rompt, sinistre présage de ce qu’il va advenir. Chez Sophie Lemp, le fil c’est ce qui la relie à sa grand-mère dont la mort, deux ans auparavant, est la source d’inspiration de son court récit. Une de ces grands-mères idéales qui a l’amour pudique. Sophie l’a très bien connue. Très bien et très mal à la fois, comme elle va le découvrir. Sa grand-mère a laissé trois carnets qu’elle a commencé à noircir après la naissance de sa petite-fille.

« Je me souviens de ce 9 mai 1979 ; le coup de téléphone de la maternité. Le matin, l’après-midi qui n’en finissait plus puis ton papa qui m’appelait vers 16 heures : C’est une belle petite fille ! Écoutez-là ! Et je t’ai entendue pleurer ».

Le fil alterne ainsi entre le présent et le passé : Sophie voit toute son enfance défiler. A chacune des pages noircies par sa grand-mère, elle découvre à quel point elle la chérissait. « Je t’aime ma petite fille et je te souhaite l’espoir, l’équilibre, le courage, l’amour des autres ».

Dictionnaire amoureux de la Méditerranée, Richard Millet

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 17 Juin 2015. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Anthologie, Plon

Dictionnaire amoureux de la Méditerranée, mars 2015, 800 pages, 25 € . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Plon

 

« C’est la lumière qui unifie la Méditerranée ».

« Retournons vers ces espaces où sont nés le monothéisme et la philosophie. Retournons la leçon de la nouvelle alliance entre l’Orient et l’Occident. Contemplons. Méditons. Vivons » (Contemplation).

Qui mieux que Richard Millet pour nous offrir ce Dictionnaire amoureux de la Méditerranée ? La question posée ne résiste pas longtemps à la lecture vagabonde de cet éblouissant et réjouissant dictionnaire. D’Abraham à Istanbul, en passant par Dalida et Homère, sans oublier Durrell, Hérodote, Lampedusa, saint Paul, l’Art Roman et Port Royal. Justesse du choix des entrées, pensées vives du jeune Français devenu Libanais le temps de l’enfance et de la guerre, éclats et éblouissements de l’écrivain au cœur parfois tendu comme un arc. Le chrétien corrézien baigné de patois limousin, s’ancre avec l’élégance et la force du vicomte de Chateaubriand dans la langue de Giono, René Char, Casanova et Valéry. Question de style et de manière, mais aussi de matière, l’écrivain sait où il met les pieds, il sait la nature des sols, leurs tremblements, leurs forces intérieures et l’éblouissante douceur des arbres qui s’y accrochent, oliviers, platanes et cyprès, arbres méditerranéens, arbres qui s’accordent au ciel et s’accrochent aux regards des hommes.

Les mémorables, Lidia Jorge

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 17 Juin 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Récits, Métailié

Les mémorables, avril 2015, traduit du Portugais par Geneviève Leibrich, 348 pages, 20 € . Ecrivain(s): Lidia Jorge Edition: Métailié

Sur la couverture, ces pavés sinueux noir et blanc de Lisbonne, et une poignée d’œillets rouges. Ne s’agit-il pas pour la narratrice-reporter, d’origine portugaise, de « découvrir entre les petites pierres, les restes de ces fleurs, l’unique mitraille à laquelle votre peuple a eu recours pour déboulonner ces vieux types ». Travail de mémoire ? sur ces mémorables – ceux, les encore vivants après toutes ces années, qui ont été les acteurs, l’âme aussi, peut-être, de cette Révolution du 25 Avril 1974, au Portugal. Scénario simple : préparation d’un documentaire sur le sujet destiné à une TV américaine ; son titre – l’Histoire réveillée. Les mémorables qu’on va rechercher, observer, faire parler, puis chercher encore (surtout) ce qui se cache derrière leur mémoire affichée, sont sur une photo sépia et souriante, dans un bar de Lisbonne – les « Mémories », il y a trente ans, dans le soleil de la Révolution des fleurs rouges. Enquête à sa façon. On aura compris qu’on est d’un bout à l’autre de ce très beau livre, dans le miroir, les jeux d’ombre et de lumière. Si l’on vous dit enfin, que la narratrice est la fille – partie vivre aux USA, depuis longtemps – d’un journaliste acteur lui aussi de ce pan d’histoire portugaise, qu’elle retrouve taiseux et dissimulé, vous aurez compris que dans ces mémoires, fonctionnent aussi des boucles, et des cercles imbriqués. Au bout – n’est-on pas au Portugal ! – c’est des sculptures baroques de la fenêtre manuéline de Tomar qu’il s’agit, bien plus que d’un dessin linéaire et géométrique propre à l’esprit américain.

N’appartenir, Karim Miské

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 16 Juin 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Récits, Viviane Hamy

N’appartenir, mai 2015, 83 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Karim Miské Edition: Viviane Hamy

N’appartenir est un livre très autobiographique, mais en même temps il touche à des questions qui nous concernent tous plus ou moins dans un monde mondialisé et inégalitaire, où chacun doit se débrouiller pour trouver sa place et résoudre une partie des paradoxes qui l’entourent. La philosophie et la sociologie critiques attirent notre attention depuis un moment sur ce phénomène : dans nos sociétés inégalitaires et mondialisées, la question de la reconnaissance, et donc de l’identité et de l’appartenance, sont devenues des questions centrales pour la plupart de nos sociétés. Le métissage, quant à lui n’est pas une question bien neuve, et le fait qu’elle s’impose de plus en plus comme la norme, l’ordinaire de chacun d’entre nous, ne la rend ni plus simple ni plus facile à vivre, même dans ce même « monde mondialisé ». Surtout dans ce monde où la réalité et la peur de l’ouverture génèrent aussi les plus redoutables fermetures.

Il faut dire que les paradoxes du métissage, Karim Miské les a connus avec une certaine radicalité. Un père mauritanien, souvent absent, diplomate tiers-mondiste et anticolonialiste, puis sympathisant déclaré du Front Polisario, et une mère française issue de la France que l’on dit profonde, catholique, mais militante communiste jusqu’au bout des ongles qui fera découvrir les « merveilles » du communisme albanais à son fils.

Nos souvenirs flottent dans une mare poisseuse, Michaël Uras

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 16 Juin 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Nos souvenirs flottent dans une mare poisseuse, Christophe Lucquin Éditeur, mai 2014, 224 p. 16 € . Ecrivain(s): Michaël Uras

A l’ombre des souvenirs retrouvés

A lire les informations que l’on trouve ça et là sur Internet concernant la vie de l’auteur, on se dit que le petit Jacques, narrateur de Nos souvenirs flottent dans une eau poisseuse, n’est pas étranger à Michaël Uras. Mêmes origines italiennes du côté du père, maçon de profession, mêmes voyages l’été en direction de la Sardaigne, mêmes enfances et adolescences dans « une petite ville perdue »… Il parle d’ailleurs de ce roman, son deuxième (1), comme d’une « autofiction » (2), même s’il relève davantage, par le mélange assumé du réel et du fictif et par l’absence de pacte, du roman autobiographique.

Mais l’essentiel est ailleurs. A travers un ensemble de situations anecdotiques – premières amours, départs en vacances, jeux avec les enfants du quartier… – le narrateur nous plonge dans son âge tendre qui est celui d’un jeune garçon d’origine modeste, entouré de ses deux frères, de sa mère et de son père immigré italien, vivant dans une petite ville française où se côtoient, au sein du même lotissement, classes moyennes et populaires. Les aventures heureuses et malheureuses de Jacques se succèdent à travers une vingtaine de chapitres qui constituent un ensemble, mais peuvent se lire de manière autonome.