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Les Livres

Correspondance 1968-1978, Pierre Pachet, Georges Perros (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 15 Janvier 2024. , dans Les Livres, La Une Livres, Correspondance

Correspondance 1968-1978, Pierre Pachet, Georges Perros, Editions Le Bruit du temps, août 2023, 224 pages, 24 €

 

Deux géants minuscules Perros/Pachet

Entrer dans une correspondance tient de l’impudeur magnifique ! Quel étrange plaisir quand les épistoliers sont deux auteurs tant lus et relus, tant aimés, allez, déclarons notre flamme. Tant aimé Georges Perros, tant regretté Pierre Pachet.

Lire leurs courriers, c’est entrer dans leurs fabriques, leurs inquiétudes, voire aller jusqu’à la pointe de l’aiguille de leurs solitudes extrêmes. Soudain les abris intimes s’ouvrent un peu, à l’entrebail de soi et de l’autre.

PP à GP : Ma lettre est pleine de tout ce que je n’ai pas écrit. Je reste muet devant le papier, à rejeter des phrases.

Les coups de griffe d’Alain Faurieux-4

Ecrit par Alain Faurieux , le Lundi, 15 Janvier 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Marchands de Sable, Agnès Mathieu-Daudé, Flammarion, août 2023, 336 pages, 21 €

Un point fort : la couverture (avec tampon « rentrée littéraire » inclus) qui illustre parfaitement l’artifice mal foutu du contenu. Un livre de rentrée ficelé comme un poulet de supermarché. Saga familiale étriquée, vision politique javélisée. Écrire sur le superficiel, l’artifice, le faux-semblant, quelqu’un aurait dû dire à Agnès Mathieu-Daudé que c’est difficile. N’est pas Françoise Sagan ou Bret Easton Ellis qui veut. Et là c’est plutôt le sauve-qui-peut. Un événement central (scandale politico-industriel étouffé dans l’œuf) qui n’intéresserait même pas un lanceur d’alerte savoyard, un événement secondaire (femme quitte mari, trouve raison de vivre hors fric) qui n’a pas intéressé ma coiffeuse, des péripéties de plage et des décors de syndicat d’initiative. « Écrire sur » est aussi prétendre : Ellis chantant les louanges de Phil Collins sur MTV pendant des pages, c’est un acte littéraire.

Prélude à son absence, Robin Josserand (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 12 Janvier 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Mercure de France

Prélude à son absence, Robin Josserand, Mercure de France, août 2023, 167 pages, 17,50 € Edition: Mercure de France

 

« Voyeur, voyeuse : personne qui aime observer les choses, les gens ; personne qui se plaît à découvrir des choses cachées » ; « voyeurisme : comportement dans lequel se complaît le voyeur ».

Le narrateur de Prélude à son absence, premier roman de Robin Josserand, a trente ans. Il travaille comme bibliothécaire à Lyon et est (ou se prétend) écrivain. Il aperçoit un jour, assis près d’une pharmacie, un garçon d’une vingtaine d’années qui fait la manche. Il s’éprend de lui, lui paye l’hôtel, l’héberge, le finance, l’emmène en vacances à l’île de Groix, n’obtenant, en échange de son assiduité et de sa sollicitude, que de vagues étreintes et des demi-baisers monnayés.

Nous avons donc ici le récit d’une fascination – pour le corps du garçon, prénommé Sven avec opportunité, et aussi sans doute pour quelque chose de plus flou, de plus lointain, de moins défini, comme si le consentement de Sven, retardé et illusoire, devait annuler pour le narrateur, en les transfigurant, déceptions, manques, échecs antérieurs.

Où l’amour alterne avec la mort, Textes originaux et inédits, Isabelle Eberhardt (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 12 Janvier 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Nouvelles

Où l’amour alterne avec la mort, Textes orignaux et inédits, Isabelle Eberhardt, Ardemment éditions, Coll. Les Ardentes, janvier 2024, 205 pages, 17 €

 

Il faut savoir gré aux Editions Ardemment de la publication de ces écrits originaux, dont certains inédits, de l’aventureuse-aventurière Isabelle Eberhardt, dans la Collection Les Ardentes, créée en janvier 2022, dont le dessein est « de republier des autrices » qui ont été « invisibilisées » par le processus d’effacement de l’Histoire et de redonner à leur parole la force littéraire et politique qui a résonné dans leur époque en rendant « ces écrits accessibles au public contemporain » et en « constituant un matrimoine en vis-à-vis du patrimoine dominant ».

Tout en étant pleinement relatifs au thème annoncé par le titre, Où l’amour alterne avec la mort, les textes rassemblés ici s’inscrivent précisément dans l’objectif de la Collection.

Hymne, Ayn Rand (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 11 Janvier 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Les Belles Lettres

Hymne, Ayn Rand, Les Belles Lettres, septembre 2023, trad. anglais (USA) Catherine Bonneville, 108 pages, 9,90 € Edition: Les Belles Lettres

 

Hymne possède la limpidité, l’efficacité et la force des grandes paraboles. Publié en 1938, alors que l’Europe préparait activement sa deuxième tentative de suicide (la troisième est en cours actuellement), ce mince volume vient enrichir la galerie des contre-utopies, ou dystopies, parmi Le Meilleur des mondes1984Nous autres, ou, bien plus ambigu, La Cité et les Astres d’Arthur C. Clarke, dont on peut se demander s’il n’a pas subi l’influence, directe ou indirecte, d’Ayn Rand.

L’univers (au sens étroit) dans lequel évolue le personnage principal, Égalité 7-2521, n’est en effet pas sans analogies avec la Cité de Diaspar. Alvin et Égalité 7-2521 vivent dans le monde post-apocalyptique d’une cité close, d’où nul n’a le droit ni même l’idée de sortir, car le monde extérieur est perçu comme maléfique, dangereux et tabou. Mais le Conseil mondial d’Ayn Rand n’est pas l’ordinateur omnipotent qui régit la vie de Diaspar et le monde dans lequel Égalité 7-2521 est appelé à inscrire sa courte vie n’est pas fondé sur la technologie. Hymne décrit une pure utopie communiste, une expression à la limite du pléonasme, comme eût dit Julien Freund, qui voyait dans le communisme l’utopie la plus dangereuse jamais secrétée par l’esprit humain.