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Le Don (The Gift), Hilda Doolittle (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi 07.03.24 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Récits, USA, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Le Don (The Gift), Hilda Doolittle, dite H.D., éd. des femmes-Antoinette Fouque, 2024, trad. anglais (États-Unis) Claire Malroux, 168 pages, 9 €

Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Le Don (The Gift), Hilda Doolittle (par Yasmina Mahdi)

Scènes d’enfants

III

Dans Le Don, écrit en 1941, à nouveau l’histoire des États-Unis prend forme au sein des ressouvenances d’H.D. petite fille, constitutifs de sa chair même de descendante d’émigrants et de pionniers : « C’était la vie dans sa plénitude, une vie qui n’était pas destinée à sécher dans la mémoire comme la mousse pressée (…) ».

Le don, c’est le legs biologique et psychologique d’Hilda Doolittle, l’héritage du père astronome, la délicatesse de la mère musicienne, les litanies, les chants bibliques, les légendes de la parentèle et les lectures de contes de fées. À ces valeurs s’ajoutent celles de l’abolitionnisme, de l’idéal de liberté et de fraternité d’une famille éduquée. L’enchantement passe par la vision, par « le regard fasciné de ces enfants américains » bouleversés par une pièce de théâtre ambulant sur l’esclavage, regard venu de « leurs ancêtres visionnaires de l’Europe centrale et leurs aïeux de l’Angleterre élisabéthaine ».

Hilda Doolittle emploie des mots rapportés de scènes d’enfance, frères et sœurs dont l’esprit vif, tout neuf, se meut par mimétisme, sans s’alourdir de la bienséance commune aux adultes, dans un langage pas encore corseté. En styliste accomplie, elle anime les membres de son entourage familial, en tire les ficelles comme dans un spectacle de marionnettes de Punch et Judy.

En architecte, la grande autrice américaine reconstruit, remodèle pièce par pièce la maison de famille et les objets chéris et familiers. L’univers est clivé entre le masculin – les frères, le père, ses recherches en astronomie et ses occupations universitaires, et le féminin – la grand-mère un peu amnésique, la mère pianiste (à la carrière sacrifiée) s’occupant du foyer, et les tantes. H.D. grandit ainsi sous les hospices de la science mais également est élevée dans la stricte tradition morave de sa famille maternelle. Émue, elle tire ses souvenirs de fillette comme des reliques de vieux cartons, de boîtes scellées et oubliées qui abritent des objets au rebut, bibelots, livres, etc. H.D. ressuscite les défunts, les fait jouer dans la neige, discuter, vaquer à leurs besognes quotidiennes dans un temps révolu où l’on confectionnait manuellement les habits et les cadeaux de Noël, où chaque geste avait son poids, et où sans doute une forme de bonheur liait les êtres dans une certaine proximité. Elle nous fait part d’une certaine transmission mystique morave où veille le Grand Esprit de la terre des Indiens.

La question lancinante qui traverse toute l’œuvre d’H.D. est celle de la question du soi, de l’identité personnelle, de la connaissance et de la conscience et précisément celle de la réception d’un don présumant les qualités exceptionnelles léguées par sa famille : « Pour la première fois, je me demande qui nous sommes tous ». L’autrice retisse les pièces manquantes de la réalité envolée, en un voyage psychopompe qui résonne profondément à la lecture de son cycle autobiographique. Elle nous livre ces instants privilégiés, humbles, que l’on reconnaît comme universaux :

« Mamalie, ne t’égare pas, il faut que je poursuive ma marche, il faut que je m’enfonce dans ces ténèbres qui sont les miennes, vers ce visage qui est mon terrible héritage, mais c’était papa, c’était son visage, ce n’était pas le visage du blessé de Wunden Eiland, bien que je les confonde tous, mais je les séparerai de nouveau, je tiendrai dans mes mains la coupe qui est un lis, qui est une rose, qui est… ».

 

Yasmina Mahdi



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A propos du rédacteur

Yasmina Mahdi

 

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rédactrice

domaines : français, maghrébin, africain et asiatique

genres : littérature et arts, histoire de l'art, roman, cinéma, bd

maison d'édition : toutes sont bienvenues

période : contemporaine

 

Yasmina Mahdi, née à Paris 16ème, de mère française et de père algérien.

DNSAP Beaux-Arts de Paris (atelier Férit Iscan/Boltanski). Master d'Etudes Féminines de Paris 8 (Esthétique et Cinéma) : sujet de thèse La représentation du féminin dans le cinéma de Duras, Marker, Varda et Eustache.

Co-directrice de la revue L'Hôte.

Diverses expositions en centres d'art, institutions et espaces privés.

Rédactrice d'articles critiques pour des revues en ligne.