L’histoire du Liban et de la mosaïque inextricable de communautés religieuses et de factions politiques, qui coexistent sur son petit territoire pris en tenaille entre Israël et la Syrie, est, pour le non-Libanais, une espèce de kaléidoscope tournant à grande vitesse en tous sens.
Ce roman bondissant d’Elias Khoury en est une puissante illustration.
Le récit commence par sa fin, au moment où le docteur Karim Chammas, le personnage central, qui vient d’avoir quarante ans, se prépare à quitter Beyrouth où il est revenu pour construire un hôpital à la demande de son frère Nassim, juste après la mort, dans des circonstances suspectes, de leur père.
Insomniaque, solitaire, dans la ville natale qu’une coupure de courant a plongée dans une obscurité zébrée par les éclairs des tirs d’une guerre civile qui vient de reprendre, en des fragments narratifs discontinus, faits d’excursions vagabondes dans l’espace et d’incursions désynchronisées dans le passé, Karim revit à la fois son retour à Beyrouth, sa vie antérieure en un pays déchiré, son départ, sa fuite, pour la France, son intégration et son mariage « là-bas » avec une Française.