En Face, Pierre Demarty
En Face, août 2014, 192 pages 17 €
Ecrivain(s): Pierre Demarty Edition: Flammarion
Prenez la vie en pleine face !
Et si vous décidiez de mener votre vie autrement ? Prenez le cas Jean Nochez. Marié deux enfants, il décide un jour, sans raison apparente, de tout plaquer pour aller vivre… en face de chez lui. Pas besoin de gagner au loto ou d’une crise de la quarantaine, lisez En face, le premier roman très remarqué de Pierre Demarty.
Prénom : Ferdinand. Profession : pilier de bar aux Indéciles heureux, bistrot de quartier à la « faïence orangée, à l’éclairage à la minuterie ». Hobby : narrateur de l’histoire. Signe distinctif : au comptoir, boit à côté de Jean Nochez, l’homme le plus insignifiant au monde.
Nochez vit heureux avec sa femme, ses enfants et sa vie ordinaire. Jusqu’au jour où il décide de disparaître, et sans rien dire, il s’installe dans l’appartement en face. Comme James Stewart dans Fenêtre sur cour, il observe le monde, il guette la vie qui continue sans lui. Ferdinand est fasciné. Pourquoi cet homme veut-il tout à coup disparaître ? Pourquoi s’exiler de sa propre vie ? Le narrateur invente alors une histoire à celui qui n’en n’a pas.
En face est un livre époustouflant, d’une finesse et d’un humour rares. Un livre introspection où le (anti)héros, Jean Nochez, tel Alice au pays des merveilles, traverse la rue comme un miroir pour aller voir sa vie sous un autre angle, de l’autre côté. Un très beau récit sur la place que l’on s’attribue dans la société et sur les apparentes difficultés qu’on peut avoir à en sortir. C’est un premier roman mystérieux, un manuel du boy next door.
Jean, c’est Monsieur-tout-le-monde. Ou plutôt personne. C’est à peine si on le remarque. Il n’est « ni grand ni petit, ni beau ni laid, rien ne le distingue ». On a forcément croisé un Jean Nochez à la machine à café. Il est l’homme qui s’efface, qui ne voit personne, qui vit hors du monde. Il n’est pas là. On ne saura jamais vraiment pourquoi cet homme s’en va.
Une apologie de la nuance qui fait la guerre aux préjugés et aux idées toutes faites. « Méfiez-vous des miroirs et de ce qu’on y mire » nous conseille Pierre Demarty. Une très belle écriture, parfois un peu guindée à force de vouloir être parfaite, mais bourrée de talent et de malice. Bien plus qu’une simple histoire de fuite, un plaisir de lecture pour ce premier roman réussi.
Alors soyons confiant et décidé. Prenons la vie en (pleine) face.
Le clin d’œil du livre :
Jean Nochez est bien sûr le patronyme de Jean Echenoz, écrivain et romancier français. Un passage de La nuit je mens s’est glissé dans le livre, à vous de le retrouver. Pour les fans de Bashung, ça ne devrait pas être difficile. Pour les autres, il n’est pas trop tard pour s’y mettre !
Jeanne De Bascher
(Des mots critiques http://desmotscritiques.tumblr.com/)
- Vu : 4036