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De Lénine à Gagarine, Alexandre Sumpf

Ecrit par Victoire NGuyen , le Mercredi, 23 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Histoire

De Lénine à Gagarine, Folio/Histoire, avril 2013, 944 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Alexandre Sumpf Edition: Folio (Gallimard)

 

Une histoire sociale de l’URSS

Il est sans conteste que cette gigantesque étude permet au lecteur de mieux appréhender les vicissitudes de l’histoire de la Russie, de la Révolution Russe de 1917 à la « révolte » de Novotcherkassk en 1962. Dès l’« Avant-propos », l’auteur donne le ton à son étude :

« Début juin 1962, la ville soviétique de Novotcherkassk s’embrase comme jamais dans son histoire. Pendant trois jours, ses habitants vivent dans une atmosphère confuse où se mêlent intense désespoir et espoir démesuré. Des personnes qui ne se connaissaient pas occupent les rues, la foule s’empare des principaux lieux du pouvoir, réclame à voix haute le droit à vivre mieux, dignement, justement ».

S’emparant de cet événement, Alexandre Sumpf remonte dans le temps et étudie ces soubresauts sociaux qui ont été des ondes de choc en Russie depuis la Révolution de 1917. Il s’attarde sur les motivations et les répercussions sociopolitiques sur ce ballet agressif entre les gouvernants et les gouvernés afin de faire émerger les zones de compromis qui ont dû être mises en place pour maintenir en équilibre un pouvoir souvent contesté et très attaqué par la masse des anonymes.

Dernier été à Primerol, Robert Merle

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 22 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions de Fallois

Dernier été à Primerol, 121 p 8,70 € . Ecrivain(s): Robert Merle Edition: Editions de Fallois

 

Il est ainsi des inédits dont la publication constitue un moment de bonheur. Il faut dire que ce petit livre concentre l’intelligence, l’élégance et la force de Robert Merle.

On est a la veille de la deuxième guerre mondiale. A l’extrême veille. En fait, dans son premier « chapitre » (il n’y a pas vraiment de chapitres mais des fragments) on est déjà dans la guerre. Cette période abrutissante et terrible des camps de transit où on a jeté Robert Merle et ses camarades. La douleur a porte un nom : la faim ! Ces quelque pages ne s’oublient pas, la faim est de toutes les tortures la pire pour l’homme, celle qui peut  changer sa nature même, l’avilir.

« En moins d’un mois, j’avais appris à la considérer, ma faim, comme un état normal. Je l’avais accueillie comme une habitude. J’en souffrais toujours, je ne m’en étonnais plus, j’avais faim comme d’autres sont boiteux. »

Une illusion passagère, Dermot Bolger

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 22 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Une illusion passagère (The Fall of Ireland), traduit de l’anglais (Irlande) par Marie-Hélène Dumas, août 2013, 133 pages, 15,90 € . Ecrivain(s): Dermot Bolger Edition: Joelle Losfeld

Quand Martin, haut fonctionnaire irlandais, accompagnant en Chine pour la célébration de la fête de Saint-Patrick le sous-secrétaire d’état au cabinet de qui il est attaché, se retrouve seul dans son hôtel, à Pékin, où l’a laissé son patron pour un jour ou deux, il loue, après avoir longuement tergiversé, les services d’une masseuse.

L’aventure est banalement triviale.

Les hôtels chinois, constate le narrateur, intègrent très naturellement ces prestations, dûment tarifées, dans l’éventail des offices disponibles.

Tout naturellement, Martin s’attend, avec une sourde excitation, à ce que l’officiante lui propose le massage spécial. Et en effet la jeune femme qui le rejoint dans sa chambre lui soumet, après une onctueuse friction qui lui procure un délicieux moment de plaisir, l’offre espérée.

Le récit aurait pu consister en une suite de tableaux érotiques, voire pornographiques, de ce qui se passe ordinairement en ces moments-là.

Décembre m’a ciguë, Edith Azam

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 19 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, P.O.L

Décembre m’a ciguë, janvier 2013, 183 pages, 16 € . Ecrivain(s): Edith Azam Edition: P.O.L

 

Edith Azam narre, en Décembre m’a ciguë, en un récit brusqué dans sa syntaxe, au moyen notamment des « : », l’inimaginable.

Et pourtant advenu. Comme de cauchemar mais un cauchemar si fort qu’il n’y aura jamais aucune réalité pour le cacher. Un cauchemar si fort qu’il s’impose comme seule réalité. Et qu’il dit à tous, ce cauchemar, à chacun dans soi, et qu’il dit à chaque moment, à chaque perte : « je suis la réalité ».

L’inimaginable ? La mort d’un être cher.

Si cher, dans le cas de Décembre m’a ciguë : la grand-mère, par quoi arrive le bonheur. « C’est quoi le bonheur ? », s’interroge l’auteure. « Se lever quand la lumière sonne, le thé vert ou fumé, les perce-neige derrière la fenêtre et puis… et puis dire ton nom ».

Puissance de la douceur, Anne Dufourmantelle

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 17 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Payot

Puissance de la douceur, Editions Manuels Payot, août 2013, 160 pages, 15 € . Ecrivain(s): Anne Dufourmantelle Edition: Payot

 

En France aujourd’hui, nous ne sommes heureusement pas en période de guerre armée. Mais une guerre sourde est à l’œuvre qui provoque des effets sournois sur les mentalités, sur la population et sur la société toute entière. Nous sommes en butte à une idéologie de la compétition à outrance, à une compétitivité sans fin, à une envie effrénée de possession, à une rentabilité obligée, à un chômage inquiétant, à un écart de plus en plus grand entre les revenus, à un repli sur soi de mauvais aloi, à une technologie dévorante qui délite le lien social, à une communication automatisée où la machine remplace de plus en plus l’échange de paroles, à une manipulation du discours médiatique qui nous oblige à penser en rond avec des mots édulcorés et standardisés.

Dans une époque de violence pulsionnelle où l’argent et la science sont devenus des signifiants maîtres, le livre d’Anne Dufourmantelle qui s’intitule Puissance de la douceur ne peut qu’étonner, nous paraître étrange et même faire scandale pour certains. Aujourd’hui, que peut encore signifier ce mot de « douceur » et comment peut-on lui associer le mot « puissance » ? En effet, l’union de ces deux mots peut apparaître de prime abord comme un oxymore. Tout l’essai va être une démonstration de la pertinence de ce titre.