Identification

La Une Livres

Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 04 Décembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Denoël

Il pleuvait des oiseaux, août 2013, 205 pages, 16 € . Ecrivain(s): Jocelyne Saucier Edition: Denoël

 

Avec un titre pareil, on s’attend en commençant la lecture à se faire emporter par un certain lyrisme, il n’en est rien. L’écriture ici est plutôt dépouillée, rêche, comme en retrait, à l’image de ces vieillards retirés du monde dans des cabanes au fond de la forêt. Ceci jusqu’à l’arrivée de Marie-Desneige, qui infusera dans l’histoire une poésie aussi pure et fragile qu’elle.

Au départ ils étaient trois, Ted, Tom et Charlie, plus leurs chiens, tous trois ont en commun d’avoir survécu il y a longtemps au Grand Feu de Matheson en 1916, un de ces violents incendies qui ont ravagé la région québécoise du Témiscamingue au début du XXe siècle. Tom avait ensuite brûlé sa vie dans l’alcool et Charlie, ancien employé des Postes et trappeur à ses heures, avait déjà été donné pour mort suite à une insuffisance rénale. Parti mourir dans la forêt, celle-ci lui avait offert une seconde vie. Ted, lui, son histoire est la plus mystérieuse. Après avoir perdu toute sa famille dans le Grand Feu, on a dit qu’il était devenu aveugle, puis fou… « Une blessure ouverte, disait-on le plus souvent ».

La fille de la pluie, Pierric Guittaut

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 03 Décembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Roman, Série Noire (Gallimard)

La fille de la pluie, octobre 2013, 271 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Pierric Guittaut Edition: Série Noire (Gallimard)

 

Série Noire Gallimard ; la crème des Polars, donc. Qui dit roman policier, entend meurtre, ou, mieux, assassinat – du rouge, encore du rouge ; une enquête rondement menée, par un type (pas trop, une femme) à la pipe entre les dents. A la fin, après moult méandres, on chope l’assassin, qui, souvent, n’est pas celui auquel vous pensiez. On peut en profiter – c’est mieux – pour distiller deux ou trois tranches de vraie vie dans les faubourgs de L.A., ou chez les bouchers de Montrouge ; ça s’appelle faire du sociétal.

Un policier, c’est ça, mais pas celui-là.

Là, c’est construit à l’envers : le mort n’arrive qu’à la fin ; l’enquête est pour le tome II à venir, mais, il n’y a pas une page, sans que vous n’attendiez le meurtre, le suicide, l’assassinat spectaculaire, si ce n’est multiple. Vous avancez, pris à la gorge : « sûr, ce sera… », et ce n’est toujours pas !

Réussi, au cordeau, cet opus oscillant entre suspense, sociologie rurale, éclairage psychologique de tréfonds pas bien nets. Au bout, un magistral roman noir, qui marche sur d’autres chemins que ceux de tout le monde.

African Tabloïd, Janis Otsiemi

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 03 Décembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Afrique, Roman, Jigal

African Tabloïd, septembre 2013, 208 pages, 16,80 € . Ecrivain(s): Janis Otsiemi Edition: Jigal

 

Le titre du roman est à la hauteur de l’humour de son auteur. Si Janis Otseimi a sans nul doute une profonde admiration pour l’œuvre de James Ellroy, African Tabloïd n’est certes pas l’équivalent d’American Tabloïd, si ce n’est par l’effet d’une profonde dérision, voire de l’autodérision.

Nous sommes à Libreville, capitale du Gabon, ville opulente en façade, avec ses immeubles de verre et de marbre, mais qui abrite à sa périphérie « des agglomérations hétéroclites, des bidonvilles marécageux, infestés de rats et de moustiques ». Dans cette ville cosmopolite, dans un pays où se côtoient, sans pour autant s’entendre, au sens propre comme au figuré, près de 50 ethnies aux dialectes différents, policiers et gendarmes vont enquêter sur une série de délits et de crimes qui permettent à Janis Otsiemi d’illustrer avec une verve réjouissante quelques uns des maux qui rongent l’ancienne colonie française d’Afrique subsaharienne.

Au menu : corruption des forces de l’ordre, exécution d’un journaliste d’investigation dans un pays où la presse est à la solde du gouvernement, pédophilie et trafic de médicaments, inefficacité de l’administration dépourvue de méthodes et de moyens matériels et financiers, intrusion du pouvoir en place dans les enquêtes et collusions liées au népotisme…

Fragments, Marilyn Monroe

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 02 Décembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Poésie, Nouvelles, Points

Fragments, édité par Stanley Buchthal et Bernard Comment, traduit (USA) par Tiphaine Samoyault, postface de Antonio Tabucchi, 269 p. 12 € . Ecrivain(s): Marilyn Monroe Edition: Points

 

Fragments réunit les inédits de Marilyn Monroe, textes écrits entre 1943 et 1962. Le titre de l’ensemble est bien choisi, pour ce qui est de l’essentiel de l’ouvrage. Sont en effet photographiées et reproduites des notes écrites « çà et là », – puisqu’il s’agit tout aussi bien de feuillets arrachés, de billets, d’enveloppes ou encore de pages de répertoire. Et ces notes ont, la plupart du temps, une allure fragmentaire, semblant grignotées par le silence, le mépris de soi, la peur, grandissante, monstre de peur.

Car, si l’on peut se poser la question de l’intérêt qu’il y a à réunir ainsi des fragments et à leur donner la forme – fallacieuse eu égard à leur origine et à leur élan – du livre, cette question cesse aussitôt d’insuffler son rythme dans la conscience lorsque l’on prend en considération la façon qu’ont ces écrits, si lapidaires soient-ils, de jeter une lumière – forte, crue – sur la personnalité de Marilyn Monroe, ces fragments relevant « aussi bien de la confidence, de l’observation, de l’automotivation, de l’introspection que d’un volontarisme tantôt pratique et quotidien, tantôt disciplinaire ».

La tristesse durera toujours, Yves Charnet

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Samedi, 30 Novembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Livres décortiqués, Poésie, Récits, La Table Ronde

La tristesse durera toujours, janvier 2013, 176 pages . Ecrivain(s): Yves Charnet Edition: La Table Ronde

 

Yves Charnet nous offre dans son récit, paru en janvier 2013 aux éditions de La Table Ronde, une légende, un chant, un tombeau poétique, un hymne aux femmes qui ont jalonné sa vie et l’ont marqué de façon indélébile avec plus ou moins de bonheur. Il emporte le lecteur, sans barrière de protection, dans ses errements géographiques, psychiques et langagiers. Et nous nous embarquons avec lui dans un étrange et envoûtant voyage.

Dès le titre, il avise ses lecteurs : La tristesse durera toujours. Il emprunte ainsi les dernières paroles prêtées à Van Gogh avant de mourir. Et c’est ce que le récit va déployer en virtuose dans une écriture d’une grande franchise. Il nous prévient à plusieurs reprises de la visée de son projet d’écriture qu’il poursuit depuis le début de son œuvre. C’est d’abord par la voix de Louis René des Forêts qu’il nous avertit : « Dire et redire encore, redire autant de fois que la redite s’impose, tel est notre devoir qui use le meilleur de nos forces et ne prendra fin qu’avec elles ». Et si l’on n’est pas convaincu, il insiste : « Un homme avec la gueule d’un autre. Un écrivain c’est ça. Un type seul en terrasse ». Oui, la solitude est là, ancrée au cœur de son être, malgré tout son entourage. L’auteur a compris depuis longtemps que l’humain se retrouve profondément seul face à la souffrance, face à la mort. Et il ne lui reste que le souvenir dont il tente de laisser trace.