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La Une Livres

Un pays pour mourir, Abdellah Taïa

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 17 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Maghreb, Seuil

Un pays pour mourir, janvier 2015, 164 pages, 16 € . Ecrivain(s): Abdellah Taïa Edition: Seuil

 

Zahira, marocaine, immigrée en France, sans papiers, depuis dix-sept ans, se raconte, dans la majeure partie de ce roman rude, à la première personne, en mettant bout à bout, sans ordre linéaire, des fragments disparates, comme autant de morceaux épars d’un miroir brisé, de sa vie de prostituée envoyant régulièrement des mandats à sa famille qui, restée au pays, ignore la source véritable de cet argent.

Aziz, algérien, un des rares amis de Zahira, prostitué lui aussi à Paris, économise sou à sou sur ses prestations jusqu’à pouvoir se payer ce dont il rêve depuis son enfance : l’intervention chirurgicale qui fera de lui une femme.

Mojtaba, iranien, réfugié politique clandestin, erre dans Paris jusqu’à sa rencontre avec Zahira, qui le prend en charge, l’héberge, le nourrit, l’entretient et l’aime. S’ouvre alors dans la pauvre vie de Zahira et dans celle, chaotique, de Mojtaba, une parenthèse de bonheur qui se referme brutalement le jour où Mojtaba disparaît sans prévenir vers un possible vrai pays d’asile.

Europe, numéro 1032, « Federico García Lorca »

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 17 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Revues

Europe, numéro 1032, « Federico García Lorca », avril 2015, 20 €

 

Vicente Aleixandre, lorsqu’il évoque Federico García Lorca, note : il passait magiquement dans la vie, comme sans prendre appui ; [il] allait et venait sous les yeux de ses amis avec un je-ne-sais-quoi de génie ailé qui dispense ses grâces, vous rendant un instant heureux, pour s’échapper aussitôt comme la lumière, qui l’habitait […]. « Qu’est-ce qui te fait mal, mon enfant ? », semblait lui demander la lune. « La terre, la terre et les hommes, la chair et l’âme humaine, la mienne et celle des autres, qui ne font qu’un avec moi, voilà ce qui me fait mal ».

 

Le poète est peut-être un être dépourvu de limites corporelles.

 

Dans les heures avancées de la nuit, en traversant la ville, […] dans une pension, avec un de ses amis, parmi les ombres humaines, Federico revenait de la joie, comme d’un lointain pays, vers cette dure réalité de la terre visible et de la douleur visible.

Au lac des bois, Tim O’Brien

Ecrit par Victoire NGuyen , le Jeudi, 16 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Gallmeister

Au lac des bois, mars 2015, traduit de l’Américain par Rémy Lambrechts, 310 pages, 11 € . Ecrivain(s): Tim O’Brien Edition: Gallmeister

 

When it all falls apart


Les lecteurs assidus connaissent le nom de Tim O’Brien, écrivain américain qui a écrit des proses célèbres sur la guerre du Viêtnam. Son plus grand roman au titre percutant, Si je meurs au combat. Mettez-moi dans une boîte et renvoyez-moi à la maison, révèle toute l’ampleur et le traumatisme de cette guerre. Au lac des bois n’est pas seulement un roman sur un couple en crise car c’aurait été trop stéréotypé pour un auteur de son envergure. Tim O’Brien choisit un angle d’attaque plus complexe et plus ambigu : il offre au lecteur une histoire qui semble inachevée et à tiroirs. Ainsi, venus se reposer dans ce lieu calme et apaisant – et ce n’est que l’apparence – après une cuisante défaite politique, les Wade sont seuls, coupés du monde. Ils vivent en autarcie, en huis-clos et c’est peut-être pour cela que la tragédie arrive.

Tétraméron, Les contes de Soledad, José Carlos Somoza

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 16 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Récits, Actes Sud, Contes

Tétraméron, Les contes de Soledad, février 2015, traduit de l’espagnol par Marianne Million, 256 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): José Carlos Somoza Edition: Actes Sud

José Carlos Somoza sera à la Comédie du livre de Montpellier les 29, 30 et 31 mai 2015

 

Etrange voyage littéraire que celui dans lequel nous emporte José Carlos Somoza, sur les pas de la jeune Soledad (dont le nom signifie solitude en espagnol) ! Soledad est un peu la cousine littéraire d’une certaine Alice, ce que suggère d’ailleurs l’illustration de couverture où une jeune fille passe par l’ouverture d’une page dans un livre ouvert, de l’autre côté du miroir que nous font les mots et les récits, les romans et les contes. Cousine encore plus proche peut-être d’Ofelia, l’héroïne du Labyrinthe de Pan, le beau et étrange film de Guillermo de Toro.

Partie avec la classe de son collège pour une excursion et la visite d’un ermitage, mais au milieu des collégiennes, avec leur veste d’uniforme au blason du collège et l’escorte des sœurs, Soledad est prise par un étrange sentiment, celui de ne pas exister, de n’être qu’un fantôme. Son existence physique, sa visibilité pour les autres lui semble tout d’un coup aussi évanescente que celle d’un personnage de fiction, de conte ou de roman jamais lu ou refermé et presque oublié, pourrait-on dire. A tel point qu’elle disparaît des comptages pourtant scrupuleux des sœurs…

Le Voyage d’Octavio, Miguel Bonnefoy

, le Mercredi, 15 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Roman, Rivages

Le Voyage d’Octavio, janvier 2015, 124 pages, 15 € . Ecrivain(s): Miguel Bonnefoy Edition: Rivages

 

Tout commence par la découverte de la lecture et de l’amour, intrinsèquement liés à travers la personne de Venezuela, qui initie don Octavio à cet univers du désir : celui d’apprendre, d’imaginer, celui de l’autre. Ainsi naît l’histoire, en rupture avec ces temps précolombiens de l’ignorance, tels que la colonisation espagnole les ont dépeints. Ou plutôt, tout commence un peu avant, dans la légende fondatrice de Saint-Paul-du Limon : l’arrivée des colons et de la peste, le miracle des citrons qui tombent comme un signe du ciel sur une procession et guérissent tous les pestiférés. La statue du Nazaréen érigée dans la première église qui lui est consacrée dans le village disparaît un jour, sans que nul ne s’étonne, on rase l’arbre miraculeux, il ne reste que le nom donné au village dont chacun a oublié le mythe originel, et Octavio naît là dans une ignorance totale que la rencontre de Venezuela va transformer en un parcours initiatique vers la connaissance de soi et de son pays, au cours des épreuves qu’il traversera. Après l’idylle amoureuse et la découverte des fruits de la connaissance, vient le temps de la chute : Octavio fait partie d’une bande de nobles voleurs justiciers, installés dans l’église, qui cambriole un jour la maison de Venezuela. Cette dernière reconnaît son amant parmi les pilleurs, ce qui pousse ce dernier à un long exil.