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La Une Livres

Embruns, Bernard Pignero

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 14 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Embruns, Encretoile, novembre 2015, 162 pages, 17 € . Ecrivain(s): Bernard Pignero

 

Embruns… entre brume et bruine. Océan dans les yeux et bien plus sur les lèvres. Embruns, ligne floutée de partage entre rêve et réalité, douleur et presque plaisir, et bien sûr, vie et mort… Accessoirement, nom aussi que porte le Centre d’Aide par le Travail du livre. Beau titre, en tous cas, qu’illustre la magnifique photo de couverture, pour le dernier opus-réflexion de B. Pignero. Livre fort, comme d’habitude avec cet auteur, plus philosophique pour autant que les autres.

Livre qu’on n’écrit pas à vingt ans – n’est-ce-pas ? Porteur de pas mal de gens, paysages, tourments, et pourquoi pas, choses. Livre-besace, mais allégeant son poids à chaque pas-page. Parce qu’itinéraire, et pas n’importe lequel.

Quelque part, sur l’Atlantique, en province (entre le bas de Bordeaux et les Landes, dira-t-on), dans des lieux où Chabrol posait parfois ses films. Eloi, la quarantaine – maladie orpheline, suffisamment grave pour borner déjà sa courte et douloureuse vie – fait le tour de sa chambre, en attendant « l’angoisse crépusculaire » que des lignes particulièrement fortes de Pignero nous donnent à ressentir, à vivre, à palper : « …comme si tous les enfants souffraient tous les soirs d’un mal qui leur noue les nerfs et les muscles et les tord dans la poitrine en un écheveau inextricable ».

Poésie, Raymond Carver

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 13 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, USA, Poésie, L'Olivier (Seuil)

Poésie, novembre 2015, trad. anglais Jacqueline Huer, Jean-Pierre Carasso, Emmanuel Moses, 432 pages, 24 € . Ecrivain(s): Raymond Carver Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Essentiellement, Raymond Carver (1938-1988) est un nouvelliste, l’un des plus importants du vingtième siècle, toutes nationalités confondues, au point que le Sunday Times, le jour de sa mort, titra : « Le Tchekhov américain est mort ». Ses nouvelles sont des tranches de vie, de banalité aurait-on envie de dire, qui montrent des gens normaux à un paroxysme, à la limite de l’explosion, un peu comme celles de Salter ou de Banks, ses contemporains. C’est un regard empathique posé sur le réel que propose Carver dans ses nouvelles, dont au moins deux recueils peuvent figurer en bonne place dans toute bibliothèque : Débutants et Les Vitamines du Bonheur. Mais ce regard empathique n’exclut en rien la critique implicite, celle de ces hommes (et ces femmes) qui courent après des bonheurs dérisoires, voire illusoires, au risque de se détruire. Ce que décrit Carver, au fond, ce sont peut-être bien les ratés de la vie américaine, le terme « ratés » désignant à la fois les personnes et les embardées du moteur de la poursuite du bonheur.

Allegra, Philippe Rahmy

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mercredi, 13 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La Table Ronde

Allegra, janvier 2016, 192 pages, 15,60 € . Ecrivain(s): Philippe Rahmy Edition: La Table Ronde

 

C’est sur une image que s’ouvre Allegra, le roman de Philippe Rahmy, celle d’un lion majestueux qui regarderait le monde, notre monde, installé sur une branche, d’un regard las et désespéré, un lion qui, pourtant, a encore la force de rugir, à l’aube.

L’existence d’Abel, jeune français d’origine algérienne est traversée par la mort, désir et ombre, par l’errance et la fuite tout autant que la quête, dans une course (à la vie, à la mort, à l’identité même), dans une époque, la nôtre, où tout va vite et nous rattrape sans cesse. Ça court, ça hurle, le rythme du texte est celui d’un temps traversé entre retours en arrière et souvenirs ; d’analepses en anamnèses, celui d’un individu qui, ne désirant que s’intégrer, réussir et être heureux avec sa petite famille, court à sa perte. Et sa voix nous délivre l’angoisse qui le traverse depuis son enfance où déjà « il voulait disparaître » – entre un père bien intégré en France, dans sa boucherie où Abel expérimentera ses premiers traumatismes, et ses premiers contacts avec le froid de la mort. Pourtant Abel avait tout pour réussir, un doctorat en Mathématiques, une femme magnifique, une fille qu’il adorait, un ami d’enfance qui lui a offert son premier poste à Londres où il s’est installé avec Lizzie et Allegra.

Les filles aux mains jaunes, Michel Bellier

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 13 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Lansman Editeur

Les filles aux mains jaunes, 74 pages, 10 € . Ecrivain(s): Michel Bellier Edition: Lansman Editeur

 

 

Les  damnées de la terre

Deux ans après sa pièce Et des poussières…, Michel Bellier écrit en 2014 Les filles aux mains jaunes. Comment ne pas voir là comme une manière de diptyque d’un théâtre historique, social, et politique ? Le premier opus parle de la vie terrible des mineurs du nord, emportés pour beaucoup d’entre eux par la silicose, exploités selon une organisation implacable du travail, et le second est consacré aux femmes recrutées dans les usines d’armement, durant la Première guerre mondiale, elles aussi victimes de terribles pathologies. La poussière noire du charbon ronge la vie des mineurs, et la poudre jaune du TNT emporte les ouvrières, les rend stériles ou affecte la santé de leurs enfants. Elles sont les obusettes, les munitionnetttes, les canaris, les filles aux mains jaunes, comme le dit Louise (p.51). Louise qui sera justement terrassée par le mal.

Découverte inopinée d’un vrai métier, suivi de La vieille dette (nouvelles), Stefan Zweig

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 12 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Découverte inopinée d’un vrai métier, suivi de La vieille dette, décembre 2014, trad. allemand (Autriche) Isabelle Kalinowski et Nicole Taubes, 115 pages, 2 € . Ecrivain(s): Stefan Zweig Edition: Folio (Gallimard)

 

Les deux nouvelles de Stefan Zweig qui constituent cette édition de poche établie sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre ont été extraites de Romans, nouvelles et récits, tome II de la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard).

Découverte inopinée d’un vrai métier

Le narrateur, de la terrasse d’un grand café de Paris, en avril 1931, observe les mouvements de foule des badauds quand son attention est attirée par le manège d’un homme évoluant furtivement ici et là parmi la masse. Il formule une première hypothèse sur le métier de l’individu jusqu’au moment où son observation attentive l’amène, par analyses, déductions, accumulations et confrontations d’indices, à la conviction que l’homme exerce une profession qui se situe à l’opposé du postulat initial. Lorsque le personnage quitte la place, le narrateur, saisi d’une irrésistible envie de le surprendre en pleine occupation, le suit jusqu’au célèbre Hôtel Drouot où se déroule une vente aux enchères. Leurs destins vont ici se croiser concrètement, physiquement, d’une manière singulière…