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La Une Livres

Taqawan, Éric Plamondon

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Quidam Editeur

Taqawan, janvier 2018, 208 pages, 20 € . Ecrivain(s): Éric Plamondon Edition: Quidam Editeur

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

« Dans l’Ouest, l’homme blanc a réussi à éliminer les Indiens en éliminant les bisons. Dans l’Est, il y avait des saumons. On les a pêchés à coups de barrages, de nasses et de filets jusqu’à l’épuisement des stocks. Les Indiens aussi sont épuisés ».

Taqawan est le roman de cet épuisement, l’épuisement des Indiens Mi’gmaq. Taqawan est aussi le roman de la Gaspésie, des descentes de police dans la réserve de Restigouche, des haines et de la résistance. Roman de la nature complice et des saumons salvateurs, roman où les sauvages sont les nouveaux venus sur cette terre sacrée. Taqawan est le roman d’une histoire Indienne qui s’insinue dans l’Histoire des Indiens du Québec, terrifiante et surprenante, troublante et fascinante, comme le sont les légendes qui surgissent de la mémoire Indienne et de celle de la forêt. La violence couve sous les phrases en feu du roman d’Éric Plamondon, celle qui se voit et celle qui se dérobe, celle qui éclate lorsque le sang des Indiens trouble la clarté des eaux de la rivière. C’est un roman où chaque mot compte, chaque situation, où les réflexes anciens sauvent de la mort, où le combat engagé et son issue fatale seront sans merci et sans regrets.

1994, Adlène Meddi

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Maghreb, La rentrée littéraire, Rivages/noir

1994, septembre 2018, 328 pages, 20 € . Ecrivain(s): Adlène Meddi Edition: Rivages/noir

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Bien au-delà du roman noir passionnant qu’il nous offre, Adlène Meddi nous dresse un portrait saisissant de l’Algérie des terribles années 90, de ses horreurs, de ses lâchetés et des dégâts irréparables causés aux cœurs et aux esprits de ceux qui les ont traversées. Surtout quand ces cœurs avaient alors 15 ou 16 ans, et qu’ils étaient pleins d’espoir et d’amour avant de connaître la dévastation. Pleins d’idéaux aussi et d’élans libertaires.

Amin, Sidali, Farouk, Kahina, Nawfel et les autres sont lycéens, jeunes, insouciants, remplis de rêves de succès et d’amour. Leur amitié est fusionnelle, ils sont inséparables. On est en 1992 et Alger offre un écrin lumineux à nos compères, à leurs flirts, à leurs jeux, à leurs plaisanteries. Mais l’histoire va frapper et – comme toujours quand l’histoire frappe – violemment, impitoyablement. C’est le début des « années de Braise », celles où le sang algérien va couler à flots, celles où les Algériens vont massacrer des Algériens. Les tueurs sont des deux côtés, Barbus du FIS où flics et militaires ivres de vengeance devant l’hécatombe des leurs. Et, peu à peu, inexorablement, tous vont glisser dans le fleuve de l’histoire, dans le fleuve de sang.

Un Jardin de Sable, Earl Thompson

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Monsieur Toussaint Louverture

Un Jardin de Sable (A Garden of Sand, 1970), janvier 2018, trad. américain, Jean-Charles Khalifa, 832 pages, 24,50 € . Ecrivain(s): Earl Thompson Edition: Monsieur Toussaint Louverture

 

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Un gros et grand livre que nous offrent les excellentes éditions Monsieur Toussaint Louverture ! Une sorte de fleuve boueux et déchaîné, qui emporte tout sur son passage et en particulier ses lecteurs. La quatrième de couverture nous invite à évoquer les ombres de Steinbeck (on se demande bien pourquoi), de Fante (on comprend mieux mais…), de Bukowski enfin et là on peut être d’accord. Dans la puissance du style, la brutalité des scènes décrites, l’énormité des dialogues, on voit en effet une parenté littéraire avec le vieux Buk. Mais Thompson est beaucoup plus romancier, son récit est fascinant, dérangeant, terrifiant, touchant. On pourrait invoquer Erskine Caldwell, avec ses personnages pouilleux, déjantés, dévorés par la pauvreté.

Ainsi parlait (Also sprach) Rainer Maria Rilke

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Poésie, Arfuyen

Ainsi parlait (Also sprach) Rainer Maria Rilke, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Gérard Pfister, édition bilingue, mars 2018, 174 pages, 14 € . Ecrivain(s): Rainer Maria Rilke Edition: Arfuyen

Honneur de la Cause Littéraire 2018

Derrière le dandy courtois, l’élégant, distant et tolérant névrosé qui pond de virtuoses lettres de condoléances (que la mort rêverait d’apprendre à lire), on devine chez Rilke, disait Jaccottet, « une nécessité aussi dure que celle qui fait errer une bête près de mettre bas en quête d’un gîte propice »(comme l’avoue Rilke au fragment 43).

Ce petit livre de très brefs morceaux (chronologiquement) choisis et traduits par G. Pfister l’illustre remarquablement : la précise et périlleuse mission de l’homme est, pour Rilke, d’élargir l’Invisible ici-bas.

Élargir le visible, la technique et le jeu le font déjà, sans profit essentiel. Mais l’invisible (dont la pensée humaine n’est qu’un élément, un départ local) est bien à déployer et élargir, estime Rilke, ici-bas : transférer l’invisible dans un au-delà, par principe plus invisible que nous, qui n’en aurait cure, est vain. Trois passages ici le disent :

Marcel Proust Une biographie, Michel Erman

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Marcel Proust Une biographie, mars 2018, 384 pages, 8,90 € . Ecrivain(s): Michel Erman Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Après Bottins proustiensLes 100 mots de Proust, voici de nouveau attelé à la tâche proustienne le spécialiste Michel Erman, auteur, depuis 1988, de pas moins de dix ouvrages tout entiers consacrés au grand Marcel. Professeur à l’université de Bourgogne, Erman donne ici, après d’autres, un modèle de biographie. Claire, précise, abondante en anecdotes qui donnent sens, riche en informations sur la genèse, la jeunesse d’un génie et sur les avatars d’une carrière ainsi que sur les métamorphoses d’un mondain en critique d’art et romancier unique.

Le sérieux philologique (suffit-il de se reporter aux notes et références bibliographiques fécondes de la fin du volume : pp.319-374), l’écriture fluide (l’essai se lit comme un roman, bien structuré en seize parties dessinant l’évolution du petit Marcel d’Auteuil au grabataire loué enfin), font oublier qu’il y eut avant un Ghislain de Diesbach (pour un ouvrage parsemé d’erreurs orthographiques !), un Proust par lui-même de Claude Mauriac, un Proust et les signes de Deleuze… c’est dire que cette nouvelle biographie fera date.