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La Une Livres

Les saisons de Giacomo, Mario Rigoni Stern (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 01 Décembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Pavillons (Poche), Italie

Les saisons de Giacomo, Mario Rigoni Stern, traduit de l’italien par Claude Ambroise et Sabina Zanon Dal Bo, 227 p. 8,50 € Edition: Pavillons (Poche)

 

Mario Rigoni Stern est l’un des plus grands écrivains italiens du XXème siècle. Attaché à ses montagnes du Haut-Adige situées tout au nord de l’Italie près de la frontière autrichienne, Stern a bâti une œuvre dont l’enracinement local et la puissance universelle évoquent – pour le lecteur français – irrésistiblement Giono. Le souffle de ce roman est un sublime exemple de cette élévation de la pierre et de la terre rugueuses d’un village de paysans jusqu’au bruit terrible de la folie des hommes dans leur obstination à faire du monde un enfer.

De l’immobilité silencieuse de la vie d’un village montagnard dans les années 30, ses rythmes paisibles, la scansion sonore de la nature – vent, oiseaux, appels des bergers et paysans, cris d’enfants qui jouent, cloches clarines des églises – au chaos qui gît sous les pieds des villageois, traces de l’histoire terrible de la région, déchirée par la guerre impitoyable de 14-18, Stern creuse dans ce roman le précipice qui sépare la pastorale – certes dure et pauvre – de l’apocalypse.

Έπιγράμματα, Travaux et jours dans la Grèce antique, Bernard Plessy (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 01 Décembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire

Έπιγράμματα, Travaux et jours dans la Grèce antique, Bernard Plessy, éditions Paradigme, juin 2020 (édition bilingue), 96 pages, 9,90 €

 

Sans doute faut-il être soi-même un chasseur de vieux livres et un dénicheur de textes anciens pour deviner les sentiments qui assaillirent le jeune Claude Saumaise (1588-1653), ce jour de 1606 où, dans la bibliothèque de l’électeur palatin, à Heidelberg (où il faisait ses études), il mit la main sur un manuscrit grec unique et inconnu, véritable chef-d’œuvre mineur, une collection de poèmes brefs écrits sur un millénaire, que la postérité connaîtra comme l’Anthologie palatine (le manuscrit se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque vaticane). Elle fera l’objet d’une édition intégrale par les soins de l’érudit strasbourgeois Richard Brunck, entre 1772 et 1776. Tous les florilèges de littérature grecque ancienne réservent une place à cette poésie souvent précieuse et savante, parfois modeste, en tout cas jamais tout à fait inintéressante.

De ce corpus considérable, Bernard Plessy a tiré à la matière d’une anthologie concise (l’anthologie d’une anthologie, donc), bilingue, élégamment imprimée.

La Garçonnière, Mylène Bouchard (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 30 Novembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

La Garçonnière, Mylène Bouchard, éditions La Peuplade, octobre 2020, 232 pages, 19 €


« Mais il n’y a dans le monde que des choses gâchées, au milieu d’une magnificence impossible à saisir », écrit André Dhôtel dans Les Rues dans l’aurore. L’amour impossible que raconte Mylène Bouchard dans ce beau roman en est une – de chose gâchée, de magnificence insaisissable.

Mara et Hubert se rencontrent à Montréal. C’est un coup de foudre, d’un genre particulier : un instant qui révèle et engendre une évidence, une reconnaissance, une nécessité, et qui se situe sur un autre plan que l’amour ou l’amitié entendus dans un sens commun et restreint. Pendant de longues années de fraternité amoureuse, ils vivront côte à côte, complices et intimement liés, d’abord par l’esprit et le cœur, puis par le corps, mais jamais ensemble, chacun restant comme à la lisière de l’amour : entre eux, rien ne s’ouvre qui ne se referme ensuite, et les grands rendez-vous sont manqués. De séparations en retrouvailles, jusqu’à la dernière rupture, leur vie passe – et l’amour, avorté, ne passe pas.

Petits Cimetières sous la lune, Mauricio Electorat (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 30 Novembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Métailié

Petits Cimetières sous la lune, Mauricio Electorat, octobre 2020, trad. espagnol (Chili) par l’auteur lui-même, 302 pages, 21 € Edition: Métailié

Ce n’est pas tant l’intrigue qui nous attache à ce récit, bien qu’elle soit très intéressante, mais l’étonnante texture de son écriture, qui nous rend le narrateur très proche, très familier, et qui donne aussi, à ces Petits Cimetières sous la lune, un côté très cinématographique, sans pour autant tomber dans l’exercice de style. Le titre du roman évoque le pamphlet de Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune, et ce n’est pas un hasard. Le narrateur, Emilio Ortiz, a fui la pression familiale et son pays, le Chili, tout juste sorti de la dictature, pour aller étudier la linguistique à Paris, avec l’aide financière de sa jeune tante Amalia. Mais plus que de sa vie d’étudiant, à laquelle il sera peu assidu, c’est surtout de ses nuits de veilleur dans un petit hôtel du quartier Montparnasse qu’il est question, ses rencontres avec une faune nocturne, des amitiés entre exilés, des nuits alcoolisées. Il y a aussi Chloé, serveuse dans un dancing, le dancing de La Coupole, fréquenté par des couples mûrs qui semblent tout droit sortis des années ’50 ; Chloé qui soudain s’évapore, après avoir entretenu avec Emilio une courte, étrange et sexuellement intense relation, Chloé dont la disparition devient pour lui une obsession alors qu’il ne connaît même pas son nom de famille.

La Capture, Mary Costello (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 27 Novembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Seuil

La Capture, Mary Costello, août 2020, trad. anglais, Madeleine Nasalik, 272 pages, 19,90 € Edition: Seuil

 

Certes, c’est un roman, mais c’est, avant toute chose, une certaine façon d’écrire très personnelle : « Il poursuit son chemin. Les arbres l’apaisent. La vue d’un arbre, surtout en hiver, la silhouette nue qui se découpe contre le ciel, une splendeur. Il s’arrête, caresse un tronc. Jeune, fragile, innocent ». L’écriture s’active dans une sorte d’instantané même quand le passé est évoqué, ce qui m’a parfois fait songer à Duras.

Cette façon très personnelle de présenter le roman, avec souvent des personnages en introspection d’eux-mêmes, donne récit à cette âme profonde qui révèle une plume.

Ce n’est, toutefois, nullement un style donnant une apparence édulcorée, ni dans le ton, ni dans le sujet : « Il se souvient de la peur qu’il a eue la fois où il a mangé des asperges donnant à sa pisse une forte odeur de soufre ». Les images sont prises « en direct », scénarisées.