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Iles britanniques

Charlie le Simple, Ciarán Collins

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 28 Octobre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Charlie le Simple, Ciarán Collins, Joëlle Losfeld, octobre 2015, trad. de l’anglais (Irlande) par Marie-Hélène Dumas, 432 pages, 26,50 € . Ecrivain(s): Ciarán Collins Edition: Joelle Losfeld

 

Il était une fois, à Ballyronan, « un très joli coin » dans la région de Cork, en Irlande, un couple d’amoureux, Sinéad et James, qui avait un ami, Charlie McCarthy, et celui-ci entreprit de raconter leur histoire à tous trois, une histoire de fin d’adolescence, d’êtres d’exception et de musique sans laquelle la vie n’a aucun sens. Voilà, en quelques mots, résumé le premier roman de Ciarán Collins (1977), auteur irlandais de Charlie le Simple (The Gamal en anglais) qui, depuis sa sortie en 2013, a convaincu par sa puissance une bonne partie de la presse anglo-saxonne, des deux côtés de l’Atlantique, ainsi que le lectorat allemand, avant de tenter l’aventure en terres francophones. A ce sujet, avant même d’évoquer le roman et ses qualités, célébrons le travail de la traductrice française, Marie-Hélène Dumas qui, contrairement à nombre de ses confrères, ne s’est pas pris les pieds dans les expressions liées à la musique : au contraire, elle a tout rendu avec sensibilité, et Charlie le Simple n’est pas un de ces romans où le lecteur vaguement anglophile s’amuse à retrouver les expressions typiquement anglo-saxonnes sous un vernis francophone.

Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, Darragh McKeon

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Lundi, 26 Octobre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond, La rentrée littéraire

Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, août 2015, traduit de l’anglais par Carine Chichereau, 400 pages, 22 € . Ecrivain(s): Darragh McKeon Edition: Belfond

 

« Le passé exige qu’on lui soit fidèle.

Je me dis souvent que c’est la seule chose qui nous appartienne vraiment ».

 

Le premier roman de l’Irlandais Darragh McKeon se situe sur fond brouillé de notre mémoire et déjà oublié, même si Fukushima est passé par là. Toile de la catastrophe de Tchernobyl, de la remise en question forcée de l’empire soviétique, de l’insouciance des hommes à accepter l’inévitable, c’est-à-dire leur insondable stupidité face à tout pouvoir qui vous empêche de voir, de vivre la réalité d’un monde plus respectueux des hommes et de la nature. Mais cette peinture a visiblement disparu de notre regard, obsédé par notre image de Dorian Gray. Ou peut-être que notre génération n’est pas digne des meilleurs lendemains. Il faut dire que nous ne chantons plus, nous nous taisons et nous mourons tel un asticot pendu à l’hameçon de nos péchés, sans aucun souvenir de notre sacrifice !

Régiment de femmes, Clemence Dane

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 26 Juin 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

Régiment de femmes (Regiment of Women), septembre 2014, traduit de l’anglais par Jeanne Fournier-Pargoire, 487 pages, 19 € . Ecrivain(s): Clemence Dane Edition: Belfond

 

 

Il peut paraître difficile de se plonger dans la lecture de ce Régiment de femmes car il nous impose un saut dans le temps qui n’est pas que celui de l’imaginaire, mais aussi celui de la lecture même, de son rythme. Première œuvre de son auteur, alors âgée de 29 ans, publiée en 1917, donc il n’y a pourtant pas si longtemps au regard de l’histoire de la littérature, l’écriture et le récit s’y déploient en effet dans une dynamique et une durée qui peuvent nous prendre au dépourvu, demandant au lecteur de trouver dans sa propre lecture un tempo et un phrasé qui appartiennent sans doute plus à la musique classique de ce temps qu’au rap ou à d’autres rythmes contemporains. Une difficulté de lecture qui est celle qu’un lecteur du XXIe siècle peut éprouver à la lecture de La Recherche du temps perdu, même si ici, la longueur du récit n’est pas en cause.

Carnaval, Ray Celestin

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 21 Mai 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Le Cherche-Midi

Carnaval, mai 2015, traduit de l’anglais par Jean Szlamowicz, 493 pages, 16,99 € . Ecrivain(s): Ray Celestin Edition: Le Cherche-Midi

 

Proposition de formule d’accroche : Une machine narrative imparable, au rythme soutenu mais pas essoufflant, qui voit plusieurs faisceaux d’enquête partir d’une série de meurtres horribles dans la Nouvelle-Orléans de 1919.

Assez étonnamment, Ray Celestin est un auteur anglais, qui vit à Londres ; assez étonnamment parce que son premier roman, Carnaval (The Axeman’s Jazz en anglais, titre plus en rapport avec l’histoire racontée – mais il est vrai que Le Jazz de l’Homme à la Hache, c’est plus difficile à vendre en français que Carnaval), est entièrement situé à la Nouvelle-Orléans en mai 1919, en plein milieu d’une vague de meurtres horribles historiquement avérés et juste avant un ouragan dont les conséquences ne sont pas sans rappeler celles de Katrina, et fait état d’une érudition assez conséquente sur la ville. Moins étonnamment, Celestin a écrit des scripts pour la télévision et le cinéma ; Carnaval est effectivement rythmé comme une machine cinématographique ou télévisuelle imparable – on imaginerait volontiers HBO en faire une mini-série très efficace en se contentant quasi de transposer le roman en scénario.

L’Océan au bout du chemin, Neil Gaiman

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 14 Avril 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Au Diable Vauvert

L’Océan au bout du chemin, octobre 2014, 314 pages, 18 € . Ecrivain(s): Neil Gaiman Edition: Au Diable Vauvert

 

Neil Gaiman est un grand raconteur ; toute son œuvre publiée en français est là pour le prouver, de De Bons Présages (en collaboration avec Terry Pratchett, pas moins) à American Gods, du recueil Des Choses Fragiles à la fantasy de Stardust, du Londres fantasmé de Neverwhere à ce bref récit sur l’enfance qu’est Coraline, tout est enchanteur et… enchanté, puisque le fantastique dans toutes ses variantes, jusqu’au merveilleux, est à l’honneur chez cet Anglais né en 1960.

D’enfance et de merveilleux, il est aussi question, L’Océan Au Bout Du Chemin, très beau roman qui s’ouvre sur un deuil : un homme, la quarantaine passée, vient d’assister à un service funéraire et doit se rendre chez sa sœur, lorsqu’il décide de suivre le « petit chemin de campagne de [s]on enfance [,] désormais une route d’asphalte noir qui servait de zone tampon entre deux lotissements tentaculaires » ; cette route le mène finalement à « dans toute la gloire décatie de ses briques rouges : la ferme des Hempstock », et c’est là qu’il rencontre une vieille femme, qui au nom du passé l’autorise à se rendre près d’une mare que sa petite-fille appelait « l’océan », ainsi que s’en souvient le narrateur en s’en approchant…