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Iles britanniques

La filière écossaise, Gordon Ferris

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Samedi, 11 Mars 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Seuil

La filière écossaise, février 2017, trad. anglais Hubert Tézenas, 472 pages, 22,50€ . Ecrivain(s): Gordon Ferris Edition: Seuil

 

Automne 1946, nous retrouvons Douglas Brodie (déjà présent dans La Cabane des pendus et Les Justiciers de Glasgow (1), reporter à la Glasgow Gazette, en train d’enquêter pour son ami le tailleur Isaac Feldmann. Ancien flic avant guerre puis ex-officier interprète à Bergen-Belsen au procès des anciens criminels nazis, l’intrépide et perspicace Brodie doit tenter d’élucider le mystère de plusieurs vols de bijoux ayant eu lieu le jour de shabbat dans la communauté juive de Garnethill. Tandis que son amie avocate et logeuse, la belle et intelligente Samantha Campbell, part pour Hambourg afin de participer au procès pour crimes de guerre contre les fonctionnaires du camp de concentration de Ravensbrück, Brodie découvre que se cache derrière les brigandages sur lesquels il enquête une « route des rats ». Á la classique filière qui permettait aux criminels de guerre de s’enfuir en Amérique du sud via l’Autriche et l’Espagne, il en existerait une autre partant de Hambourg, allant à Glasgow pour rejoindre les Etats-Unis.

Le dimanche des mères, Graham Swift

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 24 Février 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le dimanche des mères, janvier 2017, trad. anglais Marie-Odile Fortier-Masek, 142 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Graham Swift Edition: Gallimard

 

En gros, la pieuvre, c’est une tête et des bras multiples. Le dimanche des mères présente une forme (pas un aspect !) comparable à cela. Le narrateur – écriture limpide, traduction remarquable – se tient en quelque sorte fixement au mitan d’une journée de dimanche et compose un récit qui marie présent, passé et avenir avec un art de la variation focale tout simplement magistral. Le passé et l’avenir immédiats, un peu éloignés ou à plusieurs décennies de distance – d’où l’usage fréquent du futur dans le passé qui est un pur plaisir de lecture. Le corps fixe du propos, le pivot, c’est donc le dimanche ensoleillé du 30 mars 1924. Ça se passe à la campagne, dans le Berkshire, comté bucolique du sud de l’Angleterre parsemé de propriétés aristocratiques. Les employés de maison y sont à demeure ; laissant donc au loin, ailleurs, des parents, en particulier des mères auxquelles ils ne rendent visite qu’un dimanche précis dans l’année, celui donc dit des mères. L’absence pour ainsi dire générale des domestiques pendant cette fameuse journée, pour convenue ou contractuelle qu’elle soit, n’en est pas moins un « désagrément momentané » pour les maîtres. Afin de remédier à cela, les Niven et les Sheringham, voisins, se retrouvent chez les Hobday pour un « jamboree ». De plus, dans quinze jours exactement, Emma, la fille des Hobday, épouse Paul, le fils des Sheringham ; et les Niven sont invités d’honneur au mariage.

Le silence pour toujours, Stuart Neville

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Février 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Rivages

Le silence pour toujours (The Final Silence), janvier 2017, traduit de l’anglais par Fabienne Duvigneau, 316 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Stuart Neville Edition: Rivages

 

Retrouver Stuart Neville et son flic préféré, Jack Lennon, c’est comme replonger au fond du gouffre le plus noir. On sait peut-être ce qui nous y attend, mais à chaque nouveau livre, il semble que l’obscurité se fait plus opaque, plus glaciale.

Jack Lennon va mal. Ce n’est pas nouveau pour ce personnage poissard, ambigu, violent. Mais son mal s’est encore aggravé. Il est en morceaux, au plan physique et plus encore au plan psychique. Il n’est peut-être pas (encore) fou, mais il flirte dangereusement avec les pathologies mentales les plus graves. Sa vie est un enfer qui tourne comme un cycle fatal : pour supporter la douleur (physique) il avale des antalgiques puissants – non prescrits par ordonnance – ce qui accroît sa douleur (mentale). Une descente en enfer vécue dans la solitude. Sa « compagne » du moment, Susan, ne veut plus de lui, n’en peut plus de lui. Elle a accueilli Lennon avec sa fille Ellen en espérant recomposer une famille (elle-même a une fille). Mais alcool, drogues, désespoir ont fait de Lennon une loque et elle n’en veut plus.

Ivanhoé, Walter Scott

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 03 Février 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Ivanhoé, avril 2016, trad. anglais Henry Suhamy, 880 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Walter Scott Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans un texte qui ne cesse de remuer les neurones du lecteur amateur (au sens premier, celui qui aime), Calvino posait la question cruciale : pourquoi lire les classiques ? Sa réponse finale est satisfaisante : pour le plaisir de les avoir lus. Mais franchement, pourquoi se taper les huit cents pages d’Ivanhoé (1819), le neuvième roman de Walter Scott (1771-1832) alors qu’il suffit de regarder les cent quarante minutes de Robin des Bois, d’un autre Scott (Ridley de son prénom), pour avoir grosso modo la même histoire ? Car après tout, on la connaît par cœur, l’histoire de Richard Cœur de Lion qui revient de Palestine pour détrôner son félon de frère, ce Jean qu’une enfance passée sous influence disneyienne incitera à tout jamais à voir sous les traits d’un lion aussi malingre que sournois sous sa couronne trop richement ornée pour être honnête, et ce avec l’aide d’un Robin des Bois que Kevin Costner dans une autre adaptation n’interprétait pas trop mal, à la réflexion. D’autant que, finalement, ce roman intitulé Ivanhoé raconte une histoire qui se déroule pour l’essentiel sans son personnage principal, puisque celui-ci est blessé quasi à sa première apparition et reste allongé durant plus de cinq cents pages. Bref, aussi classique qu’il soit, la question se pose : pourquoi lire Ivanhoé en 2016 alors qu’on sait depuis longtemps que les usurpateurs sont au pouvoir et que, comme chantait le groupe anglais Housemartins sur Flag Day, « too many Florence Nightingale, not enough Robin Hoods » ?

William Shakespeare, Hamlet, Aki Kuroda

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 01 Février 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Arts, Théâtre

William Shakespeare, Hamlet, octobre 2016, trad. anglais Jean-Michel Déprats, Illustrations Aki Kuroda, 200 pages, 45 € . Ecrivain(s): Aki Kuroda Edition: Gallimard

 

Il fallait Aki Kuroda pour tenir la corde face au Hamlet de Shakespeare. Le texte risquait de manger l’image. Et il n’était pas évident de trouver un bouclier face à la pièce qui dévore tout – même ses personnages.

Face à une mise à mort – puisque tout se termine dans un « Allez, donnez l’ordre aux soldats de tirer » – Kuroda a su offrir à la fois du même, du dissemblable et du disparate en tout un jeu d’inserts là où les formes se découvrent en avançant. Si bien que le livre se lit et se regarde comme un ouvrage quasiment pieux. Mais fidèles au texte, les œuvres restent néanmoins pleines de désarroi et de discorde.

Kuroda ajoute donc ses touches au texte, ce qui tient d’une véritable gageure. L’image n’illustre pas la tragédie shakespearienne : il la « présage » comme il la « dissemble ». Au pouvoir terrifiant d’Hamlet répond la sidération des images. Le format du livre leur donne toute sa puissance. D’autant que l’art de Kuroda n’étale pas, il condense en transposant le texte dans un autre champ de perception non seulement intellectuelle mais sensorielle.