William Shakespeare, Hamlet, Aki Kuroda
William Shakespeare, Hamlet, octobre 2016, trad. anglais Jean-Michel Déprats, Illustrations Aki Kuroda, 200 pages, 45 €
Ecrivain(s): Aki Kuroda Edition: Gallimard
Il fallait Aki Kuroda pour tenir la corde face au Hamlet de Shakespeare. Le texte risquait de manger l’image. Et il n’était pas évident de trouver un bouclier face à la pièce qui dévore tout – même ses personnages.
Face à une mise à mort – puisque tout se termine dans un « Allez, donnez l’ordre aux soldats de tirer » – Kuroda a su offrir à la fois du même, du dissemblable et du disparate en tout un jeu d’inserts là où les formes se découvrent en avançant. Si bien que le livre se lit et se regarde comme un ouvrage quasiment pieux. Mais fidèles au texte, les œuvres restent néanmoins pleines de désarroi et de discorde.
Kuroda ajoute donc ses touches au texte, ce qui tient d’une véritable gageure. L’image n’illustre pas la tragédie shakespearienne : il la « présage » comme il la « dissemble ». Au pouvoir terrifiant d’Hamlet répond la sidération des images. Le format du livre leur donne toute sa puissance. D’autant que l’art de Kuroda n’étale pas, il condense en transposant le texte dans un autre champ de perception non seulement intellectuelle mais sensorielle.
L’hallucination provoquée par le « songe » d’Hamlet trouve donc une conversion par effet de surface. L’image picturale n’est donc jamais équivalence, elle n’est pas un portant visuel du texte mais son point de repère, son point de capiton, son nœud parfait qui n’a pas besoin de corde et qui ne peut être défait.
Jean-Paul Gavard-Perret
Lire l'entretien avec Akira Kuroda, par Marc Michiels
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