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Critiques

Robespierre, Hervé Leuwers

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 01 Novembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Fayard, Histoire

Robespierre, août 2014, 460 pages, 25 € . Ecrivain(s): Hervé Leuwers Edition: Fayard

 

Fondamentalement imprégnés de certains très marquants épisodes de notre histoire, quelques noms illustres méritent amplement que soient étudiées encore, et en-dehors du champ idéologique ou partisan, les raisons de leur fusion irrévocable avec l’instant. S’agirait-il toutefois de ternir ou de redorer l’image de personnages fixés dans nos mémoires au moyen de prompts signaux emblématiques que, rapportée aux surenchères de la glorification ou à celles de la déchéance, la démarche paraîtrait essentiellement subjective et sans promesse de très nouveaux enseignements. Quand s’impose plutôt de comprendre par une simple mais rigoureuse observation comment la machine événementielle forgea sous son action des âmes emportées par ses plus sévères emballements, se regardent autrement les apparences et le fait d’acteurs livrés à eux. L’examen minutieux de comportements dans ces circonstances prépare au mieux à dire de qui ils émanent le plus probablement. Pourvu également que l’image de ces hommes soit demeurée perméable à une curiosité déliée de bornes et de carcans.

Dans l’ombre de Charonne, Désirée et Alain Frappier

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Samedi, 01 Novembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts, Histoire

Dans l’ombre de Charonne, éd. du Mauconduit, préface de Benjamin Stora, 136 p. 18,50 € . Ecrivain(s): Désirée et Alain Frappier

Fils d’Israël, souvenez-vous du bienfait dont je vous ai comblés. Je vous ai mis au-dessus des mondes

Le Coran, Sourate II, la vache, (47, trad. Jean Grosjean, 2008)

 

Ressouvenir : un carnage organisé

 

Un pan de l’Histoire occulté

C’est un véritable travail d’historienne auquel s’est livrée Désirée Frappier, qui a mené une enquête auprès de plusieurs interlocutrices et interlocuteurs, dont certains furent présents et témoins au moment du drame évoqué. Depuis la préface de Benjamin Stora, lui-même concerné par la guerre d’Algérie, auteur de nombreux ouvrages cités, jusqu’au témoignage individuel de l’héroïne principale, le récit se densifie avec les annexes – les lettres des enfants de rescapés, des coupures de presse relatant cette « sauvagerie criminelle » (cité par J. Derogy, p.126) et le travail d’archiviste des époux Frappier.

140 au carré, Marc-Emile Thinez

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 01 Novembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Editions Louise Bottu

140 au carré, La Révolution en 140 tweets ou Les lendemains qui gazouillent, septembre 2014, 70 pages, 9,50 € . Ecrivain(s): Marc-Emile Thinez Edition: Editions Louise Bottu

 

« En retard pour l’école, Jean Thinez court de toutes ses jambes d’enfant. Allez Zátopek lui lance un voisin au passage. Jean Thinez accélère ».

« Tout dans la course est révolution, le circuit qui ramène invariablement au point de départ, les jambes et les pensées, tout tourne en rond ».

Après La Chanson du Mal-Aimant de Jean-Louis Bally (recensé ici même), les Editions Louise Bottu publient un nouvel opus sous Contraintes. La contrainte est ici un tweet, 140 signes et 140 tweets pour faire gazouiller les lendemains, qui on le sait ne chantent plus depuis bien longtemps. Marc-Emile Thinez a plus d’un tour dans les tweets qu’il attribue à Jean Thinez, son double romanesque, et sous ses chaussures de sport. S’il court ce n’est pas pour distancer le vieux monde, c’est pour forger son âme tout en musclant ses mollets et ses aphorismes, sans manquer entre deux accélérations d’en rire.

« La course est automatisme. Les jambes tournent, l’esprit vacant. Le sage, Montaigne et le champion le disent, lorsqu’on court on court ».

L’homme provisoire, Sebastian Barry

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 31 Octobre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

L’homme provisoire, traduction de l’anglais (Irlande) par Florence Lévy-Paoloni, septembre 2014, 248 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Sebastian Barry Edition: Joelle Losfeld

 

 

Le volume moyen du livre trompe à première vue sur l’ambition, merveilleusement accomplie, de son auteur. L’homme provisoire de l’Irlandais Sebastian Barry, en réalité, est une somme ; un ouvrage complet. Jack McNulty, le narrateur, rencontre la belle Mai (Mary) en 1922 alors qu’ils sont tous deux à peine sortis de l’adolescence. Nous les verrons devenir parents, puis grands-parents. 1922, c’est l’année de la reconnaissance par le Royaume-Uni de l’Indépendance irlandaise proclamée par les nationalistes en 1916. Entre ces deux dates, une guerre sanglante pour se libérer d’une domination coloniale vieille de quelque sept cents ans ! Cela explique qu’elle est aussi une douloureuse guerre civile, présente jusqu’au sein des familles comme celle de McNulty dont un frère, engagé dans les rangs de la Police Royale Irlandaise (au service des Britanniques), doit fuir le pays indépendant, quittant ainsi à jamais une mère éplorée.

François Villon, Oeuvres complètes en la Pléiade

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 30 Octobre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, La Pléiade Gallimard

François Villon, Œuvres complètes. Edition établie par Jacqueline Carquiglini-Toulet, avec Laetitia Tabard. 910 p. 49,50 € (prix de lancement jusqu’au 31 janvier 2015 42 €) . Ecrivain(s): François Villon Edition: La Pléiade Gallimard

 

Villon à la Pléiade. Peut-on oser dire – tout en saluant hautement cet événement -  qu’on pensait que c’était le cas depuis le premier volume de cette prestigieuse collection ? Hors la boutade, il est vrai que c’est avec François Villon que commence la littérature française moderne. Par sa langue – le français francilien qui est la source principale de notre langue nationale. Par ses thèmes, radicalement modernes : la Mort, la Douleur, la Justice, la Pauvreté, la Jouissance. Par sa sensibilité enfin, à fleur de peau, exaltée, rugueuse. Il y a chez Villon quelque chose de pur, de total, de brut  - avant le polissage – on pourrait l’écrire « poliçage » - du XVIème siècle. Et c’est cet état originel qui en fait le poète le plus moderne qui soit, le frère en Lettres de Baudelaire par exemple.

La préface passionnante de Jacqueline Cerquiglini-Toulet condense tous les mystères qui entourent Villon – et Dieu sait s’il en est ! Jusqu’à son nom, sa naissance, son enfance, ses méfaits, ses condamnations, sa disparition en 1463 et, bien sûr, sa mort, à jamais d’une opacité parfaite (sauf stupéfiante découverte). Rien n’est sûr autour de Villon quant à sa biographie. Sauf l’essentiel : notre « escholier » fut un jeune homme peu recommandable, probablement assez dangereux à fréquenter.