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Critiques

Au nom des Indiens, Une histoire de l’évangélisation en Amérique espagnole, Bernard Lavallé

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 06 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Histoire, Payot

Au nom des Indiens, Une histoire de l’évangélisation en Amérique espagnole, octobre 2014, 432 pages, 29 € . Ecrivain(s): Bernard Lavallé Edition: Payot

 

Les relations historiques réservent quelquefois des présentations qui défient une logique très conventionnelle. Certains usages sémantiques qualifiant des situations globales procurent également ce sentiment. Ainsi, pour la vieille Espagne du Moyen Âge finissant, et par un étrange concours d’appellations, la Reconquête précéda-t-elle assurément la Conquête. Manière en quoi le Musulman almohade y perdit d’ailleurs aussi son latin. Charles Quint, un souverain qui, par comble, ne parlait pas un traitre mot de la langue de ses sujets, deviendrait ensuite et pourtant le premier monarque fédérant les Espagnols sous sa couronne. Egalement, désignerait-on sans tarder par « Indes » le continent américain. Colomb, un Génois alors plutôt italien, serait à cette occasion le tout premier conquérant ibérique, et sa nouvelle route des épices serait autrement celle de l’or. Si l’on considère cette fois le cas d’Eglise durant ces mêmes chroniques, tout aussi renversé pourrait se voir un certain agencement des choses et, pour ainsi dire même, l’ordre des ordres.

Proust et la guerre, Brigitte Mahuzier

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 05 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Editions Honoré Champion

Proust et la guerre, collection Recherches Proustiennes, n°29, février 2014, 192 pages . Ecrivain(s): Brigitte Mahuzier Edition: Editions Honoré Champion

Proust n’est pas considéré comme l’un des écrivains de la Grande Guerre. De ce fait, le thème de la guerre est très peu présent dans la critique proustienne, tant française* qu’anglo-saxonne. Et pourtant…

A la recherche du temps perdu fut en grande partie écrit et réécrit pendant et juste après la première Guerre Mondiale. Si ce roman a pris les proportions qu’on lui connaît, c’est directement à cause de la Guerre, qui a suspendu la publication des deux volumes qui devaient suivre Du côté de chez Swann.

Si l’irruption de la Grande Guerre fit dévier le projet original de Proust, c’est, écrit Brigitte Mahuzier, « dans cette déviation qu’il faut voir dans la Recherche un texte dont la modernité est d’être précisément là où on ne l’attend pas, et une tentative de la part d’un Proust à la fois stratège et tacticien, de faire de son roman la Grande Œuvre de la Grande Guerre ». Stratège et tacticien, Proust ? Mahuzier développe, en son essai, cette séduisante hypothèse, arguant que la Recherche doit être considérée « comme champ de bataille », avançant que ce grand roman n’est pas une « arche » de Noé mais une arche militaire, l’écrivain n’étant pas, à ses yeux, un conservateur du passé (ce que l’on a dit avec une harassante récurrence de Proust) mais un « témoin de la modernité militaire, menant sa propre guerre, se posant les mêmes questions stratégiques et tactiques qu’un général sur un champ de bataille ».

Le secret de Samuel Liberman, Gérard Netter

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 04 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Le secret de Samuel Liberman, Éditions Complicités, octobre 2014, 316 pages, 22 € . Ecrivain(s): Gérard Netter

 

« Un roman est une vie prise en tant que livre » (Novalis)

En décidant d’ouvrir le roman Le secret de Samuel Liberman de Gérard Netter paru en octobre 2014 aux éditions Complicités, l’auteur oblige le  lecteur à entrer dans une forêt touffue. Comme dans certains contes, le livre pourrait commencer par « Il était une fois… »

Un père âgé meurt trois ans après sa femme Annah. Une ascendance s’éteint. Alors, une quête s’amorce qui conduit le personnage principal à défricher un enchevêtrement inextricable au sein d’une famille avec toute une suite de ramifications imprévisibles.

Pour se lancer dans cette écriture, l’auteur embarque comme viatiques des souvenirs, des sensations, des émotions, l’histoire d’une époque, son imaginaire et ses mots. Il délimite ainsi le territoire d’une intrigue qui tourne autour de l’héritage et de sa transmission. Et toute une série de questions s’ouvrent alors.

Yugurthen, Bertrand du Chambon

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 04 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, Seuil

Yugurthen, Seuil Roman Noir, octobre 2014, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Bertrand du Chambon Edition: Seuil

 

« En regagnant le parking, il souriait. Il se sentait comme un passager clandestin. Qui aurait pu devenir ? Yugurthen Saragosti, juif et berbère, inspecteur de police au commissariat du 1er arrondissement, suivait les préceptes des sages ismaéliens, et d’un groupe de prière animé par des soufis. Parfois même, déguisé, il se rendait à la mosquée, pour garder le contact. Et d’autres fois il se rendait à la synagogue. Certains jours, Dieu était là ».

La littérature noire est toujours une question de style, de personnages et de langue. Marseille et Paris en savent quelque chose. Elles ne s’opposent pas seulement sur les terrains de football – le style, sur le climat, le mistral affute l’imagination, le soleil la fixe. Mais aussi sur le territoire des opérations, enquêtes, meurtres, vols, truands, dealers et flics – la langue. Marseille ou la démesure des règlements de compte, vieux souvenir de la French Connection, comme si parfois les voyous se prenaient pour des personnages du Parrain, de la folie, qui est tout sauf douce, dans la violence mafieuse. Dans les années 90, Montale ne pouvait opérer et rêver qu’entre le Panier et le Vieux-Port ;

L’Âge d’homme précédé de L’Afrique fantôme, Michel Leiris en la Pléiade

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 03 Décembre 2014. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Biographie, La Pléiade Gallimard

L’Âge d’homme précédé de L’Afrique fantôme, octobre 2014, 1323 pages, 68 € (jusqu’au 28 février 2015, ensuite 75 €), édition publiée sous le direction de Denis Hollier avec Francis Marmande et Catherine Maubon . Ecrivain(s): Michel Leiris Edition: La Pléiade Gallimard

 

Second tome que consacre la Pléiade à l’œuvre de l’ethnologue du musée de l’homme, après celui donnant La règle du jeu paru en 2003 ; ce volume est partagé entre deux masses de granite : L’âge d’homme, c’est-à-dire l’autobiographie-manière Leiris, et L’Afrique fantôme, l’ethnologie-façon Leiris. Dans les deux cas, ni vraiment l’une, ni tout à fait l’autre…

Continuation ici du travail énorme et parfaitement maîtrisé de l’équipe autour de Denis Hollier qui certes connaît des pans importants de l’homme aux mille facettes – univers à jamais ouvert – qu’est Michel Leiris, mais, continue inlassablement de rassembler, en parfait chercheur, de peaufiner, d’archives en bibliothèques tout ce qui documente sur l’homme Leiris et la mission Dakar Djibouti, grande aventure géographique, ethnologique, et plus largement intellectuelle de l’Avant-guerre.