140 au carré, Marc-Emile Thinez
140 au carré, La Révolution en 140 tweets ou Les lendemains qui gazouillent, septembre 2014, 70 pages, 9,50 €
Ecrivain(s): Marc-Emile Thinez Edition: Editions Louise Bottu
« En retard pour l’école, Jean Thinez court de toutes ses jambes d’enfant. Allez Zátopek lui lance un voisin au passage. Jean Thinez accélère ».
« Tout dans la course est révolution, le circuit qui ramène invariablement au point de départ, les jambes et les pensées, tout tourne en rond ».
Après La Chanson du Mal-Aimant de Jean-Louis Bally (recensé ici même), les Editions Louise Bottu publient un nouvel opus sous Contraintes. La contrainte est ici un tweet, 140 signes et 140 tweets pour faire gazouiller les lendemains, qui on le sait ne chantent plus depuis bien longtemps. Marc-Emile Thinez a plus d’un tour dans les tweets qu’il attribue à Jean Thinez, son double romanesque, et sous ses chaussures de sport. S’il court ce n’est pas pour distancer le vieux monde, c’est pour forger son âme tout en musclant ses mollets et ses aphorismes, sans manquer entre deux accélérations d’en rire.
« La course est automatisme. Les jambes tournent, l’esprit vacant. Le sage, Montaigne et le champion le disent, lorsqu’on court on court ».
« Répété à l’envi, n’importe quel geste. Courir, tourner les pages, écrire… Tout geste, quel qu’il soit, par sa répétition recrée le monde ».
« Adieu transition, Conseils, autogestion… L’idée de Révolution d’année en année s’améliore. Comme Sylvie Vartan. J. Thinez, fan de variétés ».
Jean Thinez met la Révolution au risque de ses tweets, de la course à pied, et inversement, ce qui ne manque pas de piquant. Il court, il tweete, le furet des temps modernes, passe par Montaigne, repasse par Marx, Cioran – grand spécialiste de la propulsion de l’aphorisme –, sans oublier Céline et ses tweets de châtelain, Echenoz et son Zátopek, dont le corps au carré se glisse entre les pages. Il s’amuse des répétitions de l’Histoire, des illusions, du bavardage, et des écrivains qui croient filer droit vers leur destin, alors qu’ils tournent en rond sur leurs phrases, ce qui pour un coureur à pied est une aubaine.
« S’identifier à l’homme archaïque et à Jean Thinez, se voir en Emile vu par Jean Echenoz, citer à tout va… ce qu’on appelle être singulier ».
« Tu peux toujours courir disait Jean Thinez qui ajoutait, le point de départ n’est pas l’origine. Tourner en rond vers l’objectif imaginaire ».
« Un jour l’Histoire ne repasse pas les plats ; le lendemain elle se répète… On ne sait plus quoi inventer pour se faire bien voir du Temps ».
Marc-Emile Thinez ne cherche pas midi à quatorze heures, la contrainte des 140 signes l’amuse, il ne pose pas pour la postérité, c’est la postérité qui lui tourne autour. Il n’invente pas un genre littéraire nouveau, tel un coucou il s’ébroue dans l’art du roman bref, avant de reprendre sa course en 140 foulées, et de le laisser tout froissé.
Philippe Chauché
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