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Critiques

Le paysage intérieur, Psaumes tamouls, Marek Ahnee et Kavinien Karupudayyan

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 17 Décembre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Asie, Poésie

Le paysage intérieur, Psaumes tamouls, L’Atelier d’écriture, novembre 2015, édition bilingue français-tamoul, 222 pages . Ecrivain(s): Marek Ahnee et Kavinien Karupudayyan

Paru en novembre 2015 dans la collection Littératures de l’Atelier d’Ecriture, collection dirigée par Barlen Pyamootoo, cet ouvrage bilingue français-tamoul (l’un des très rares exemples du genre) est sans doute l’événement littéraire de l’année dans une île Maurice qui est historiquement un bouillonnant athanor où fusionnent les cultures indianocéaniques, africaines et européennes, et d’où surgissent depuis toujours à foison les talents artistiques les plus divers.

Les deux (très) jeunes orfèvres mauriciens de ce joyau poétique se sont donné le défi et ont réussi la gageure de sélectionner, reclasser et traduire en français quatre-vingt-treize poèmes extraits du Kurunthogai (littéralement : recueil d’odelettes), une œuvre majeure, monumentale de l’univers poétique tamoul, compilation de quatre-cent-un textes lyriques à déclamer composés par une pléiade de deux-cent-cinq « trouvères » qui se sont succédé du 1er au 3e siècle de notre ère au sein d’une académie (sangam) de poètes et de grammairiens située par les exégètes dans la région de l’actuelle Mathurai.

Boulevard Saint-Germain, Gabriel Matzneff

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 16 Décembre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Boulevard Saint-Germain, coll. La petite vermillon, novembre 2015, 224 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Gabriel Matzneff Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

« Jeunes filles, jeunes gens, une règle d’or ; ne reniez jamais les êtres et les écrivains que vous avez aimés et, même si vous ne les aimez plus, même s’ils sont chargés de l’opprobre générale, persistez à les défendre mordicus, ne permettez à quiconque de médire d’eux en votre présence ».

Gabriel Matzneff fait partie de ces écrivains que certains jugent infréquentables, inqualifiables, voire sulfureux, comme, pour d’autres raisons, Richard Millet – le guerrier solitaire – ou encore Marc-Edouard Nabe – le guitariste dissonant –, ils vivraient dans une sorte de Purgatoire, déjà en son temps occupé par Céline, et risqueraient à chaque instant et à chaque livre de glisser vers l’Enfer. La passion affichée par l’écrivain pour les très jeunes corps, ses séjours à Manille, peuvent susciter quelque malaise, ou pour le moins un certain trouble. Trouble récemment accentué par une chronique dans une gazette sur les massacres parisiens, et plus précisément sur les victimes des islamistes armés et déchaînés, cette « génération Bataclan » moquée par l’auteur de La Passion Francesca, et symboliquement détruite par sa plume, en période d’effroi le silence devrait être roi.

La Danse du Jasmin, Nadia Sebkhi

Ecrit par Nadia Agsous , le Mercredi, 16 Décembre 2015. , dans Critiques, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman, Maghreb

La Danse du Jasmin, éditions Al Kalima, Alger, 2015, 156 pages . Ecrivain(s): Nadia Sebkhi

 

Tout commence au « lever du jour » ; à l’heure où la lumière commence à luire dans la ville ; une cité que l’on devine peuplée, bruyante, habitée par des hommes et des femmes qui vivent leur vie un peu par procuration ; des êtres presque indifférents, soumis-es aux aléas du « destin » qui se fait invisible mais Ô combien imposant !

Et dans ce bouillonnement presque machinal de la vie urbaine, où les destinées se font et se défont, vit Dania. Troisième fille d’une fratrie de quatre femmes. Honte ! Indignité ! Déshonneur ! Malédiction ! Car Dania est née dans une famille qui sacralise à outrance le sexe masculin.

Femme divorcée d’un homme « indifférent à la beauté, à la sensualité, à l’amour » ; un époux qui n’a jamais appelé sa femme par son prénom ; un point commun avec le père qui lui non plus n’a jamais nommé ses quatre filles.

Femme solitaire, vivant seule, dans un studio, où elle passe des nuits insomniaques à faire et à défaire le monde par l’entremise de l’écriture. Car le verbe est le salut de Dania.

Retour à Little Wing, Nickolas Butler

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 14 Décembre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Points

Retour à Little Wing, août 2015, traduit de l’anglais (USA) par Mireille Vignol, 384 pages, 7,95 € . Ecrivain(s): Nickolas Butler Edition: Points

 

Il y a des romans sur la musique, des romans qui parlent de musique, il y a des romans dont certaines pages font penser à de la musique (je pense au formidable Human Punk de John King), puis il y a des romans, beaucoup plus rares, qui sont tout à fait en phase avec un certain type de musique. C’est le cas de Retour à Little Wing, le premier roman de Nickolas Butler (1979) : avec le personnage de Lee, c’est tout un pan de l’americana musicale, de Bruce Springsteen à Damien Jurado en passant par John Cougar Mellencamp, qui fait son entrée en littérature. Non seulement ses chansons traitent de sujets populaires au sens premier de l’adjectif : qui appartient au peuple, mais sa façon de voir les choses depuis son premier album, Shotgun Lovesongs (le titre original du roman, soit dit en passant), n’a changé en rien malgré le succès, et on l’imagine volontiers écoutant en boucle Nebraska ou The Ghost of Tom Joad, pris dans l’intemporalité de la vraie vie et y puisant son inspiration : « Ici, le temps s’écoule lentement, divisé en moments à savourer, comme de délicieuses parts de dessert : mariages, naissances, réussites aux examens, inaugurations, funérailles. Rien ne change beaucoup, en général ». Il y a le personnage de Lee, donc, mais il y a surtout ce que raconte ce roman.

Guerre perdue, Pascal Boulanger

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 14 Décembre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Passage d'encres

Guerre perdue, octobre 2015, 40 pages, 5 € . Ecrivain(s): Pascal Boulanger Edition: Passage d'encres

 

L’ordre du poème

La multiplicité du monde est transformée en visages biaisés par les miroirs des conteurs officiels de l’Histoire ? Ils donnent des directions douteuses aux tissus des vivants dont les pouvoirs ont déchiré l’existence. Aucune langue n’a été fondée sans une Histoire officielle. Elle prétend s’aventurer en direction du soleil nu. Mais jusque chez les peuples aux pieds nus et revêtus du seul étui pénien, le récit reste toujours le même. Si bien qu’à la question que pose Pascal Boulanger :

« En souffle dans des cornes de brume

les seuils succèdent aux deuils

que vaut la vie d’un homme ? »

la réponse est toujours la même : « rien ».