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Critiques

L’enfant fini, Edith Msika

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 18 Novembre 2016. , dans Critiques, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman, Cardère éditions

L’enfant fini, octobre 2016, 126 pages, 12 € . Ecrivain(s): Edith Msika Edition: Cardère éditions

 

D’abord l’objet. Douce couverture, ferme et souple, crème et jaune, couleur caramel pour le titre. D’abord le grain du livre et son grain de peau. Le titre donc, en lettres minuscules, une police noire qui plaît à l’œil. Au dos, on y va toujours n’est-ce pas, juste quatre lignes.

Au bord de l’Hudson à Manhattan, Jasper, né au moment où les tours du World Trade Center viennent d’être percutées, fasciné par l’Europe et la peinture hollandaise du XVIIe siècle, écrit dans son cahier pour ne pas oublier ce qu’il vit.

La façon dont on entre dans la scène conditionnerait la lecture. De l’importance du contexte.

Le papier donc, il est épais, de bonne qualité, le mot clair, il a de la place. De l’amplitude. Il en faut pour écrire avec des mains d’enfant. L’enfant observe le pêcheur et la belle dame assise au parc, belle, il ne l’écrit pas. Il rêve qu’elle vient d’Europe. L’Europe compte ses places, l’Europe pour Jasper possède des places d’armes, des parlements, des bassins, des ponts, des pierres blondes, de l’histoire, des automates et des costumes. Lui il est de l’autre côté de l’Europe, presque en face, dans l’actualité maintenant, passé de l’histoire à l’actualité. L’enfant est au niveau des choses et des instants. Jasper ?

La tête de l’anglaise, Pierre d’Ovidio

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Vendredi, 18 Novembre 2016. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, Jigal

La tête de l’anglaise, septembre 2016, 232 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Pierre d’Ovidio Edition: Jigal

 

Dans une interview de 2013 donnée à BFMTV, le criminologue Laurent Montet expliquait que « les joggeuses ont un profil de victime que l’on considère comme désirable sexuellement ». Puis de comparer ces meurtres aux agressions de prostituées : « Dans les deux cas, nous avons des victimes féminines, isolées, et qui représentent une forme de désir sexuel. Mais la différence est que la joggeuse est en mouvement. Pour le tueur, cela suppose une traque, une chasse ».

Dans un petit village du centre de la France, la chasse on connaît. La chasse, la pêche, l’élevage des vaches laitières, la culture du maïs. Ça fait partie du quotidien du paysan, fils et petit-fils d’autres paysans qui ont remué avant lui cette terre, semé et récolté parce que l’avenir c’est de rentrer dans les bottes glaiseuses du père, se caler les fesses sur le tracteur et de continuer le même labeur sans se poser de questions.

Ce que le paysan connaît moins c’est la joggeuse, en l’occurrence dans ce trou du cul de nulle part, une anglaise soucieuse de garder la forme la soixantaine passée, venue avec son mari retaper une vieille ferme abandonnée, goûter aux charmes de la campagne française, se repaître de la bonne cuisine du terroir, tout bêtement profiter de la retraite.

Retour vers David Goodis, Philippe Garnier

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 17 Novembre 2016. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, La Table Ronde

Retour vers David Goodis, octobre 2016, 368 pages, 24,50 € . Ecrivain(s): Philippe Garnier Edition: La Table Ronde

 

« Cette histoire de Goodis avait donc commencé fortuitement ; une commande, pour tout dire. Et lorsque l’idée avait été lancée de Paris, c’est avec certaines réticences que j’avais accepté. J’avais certes déjà fouiné du côté de Cain, Chandler, Burnett et d’autres auteurs de la Série Noire, et une exploration du monde de Goodis paraissait logique à certains. J’en étais moins sûr, et n’osais trop me lancer ».

Trente ans séparent La vie en noir et blanc et Retour vers David Goodis, les deux livres consacrés par Philippe Garnier à l’auteur de Tirez sur le pianiste, La lune dans le caniveau ou encore Cauchemar et L’allumette facile. Des romans noirs publiés en leur temps en France par Marcel Duhamel dans La Série Noire, puis par François Guérif dans la revue Polar et chez Fayard. Philippe Garnier, pour ceux qui l’auraient oublié, c’est l’œil et la voix américaine du magazine Cinéma, Cinémas, de Claude Ventura, Anne Andreu et Michel Boujut, produit et diffusé à la télévision sur Antenne 2, de janvier 1982 à novembre 1991.

Etait-ce lui ? précédé d’Un homme qu’on n’oublie pas, Stefan Zweig

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 16 Novembre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue allemande, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Etait-ce lui ? précédé d’Un homme qu’on n’oublie pas, juillet 2016, trad. allemand Laure Bernardi, Isabelle Kalinowski 95 pages, 2 € . Ecrivain(s): Stefan Zweig Edition: Folio (Gallimard)

Deux nouvelles extraites de Romans, nouvelles et récits, Tome II, de Stefan Zweig dans la Bibliothèque de la Pléiade (Editions Gallimard). La première, Un homme qu’on n’oublie pas, met en scène Anton, un personnage remarquable, sans domicile fixe, connu de toute une ville, une sorte de Diogène du 20ème siècle que l’accumulation de biens matériels n’intéresse pas, un homme à tout faire qui vit au jour le jour, auquel tout un chacun peut faire appel à tout moment pour solliciter de lui des petits travaux les plus divers, pour lesquels il refuse d’être rétribué au-delà du « tarif » invariable qu’il a fixé : de quoi pourvoir à ses sobres besoins jusqu’au lendemain.

La nouvelle est, comme c’est souvent le cas chez Zweig, le récit de la rencontre entre le narrateur et ce personnage singulier. L’emploi du JE personnalise la relation et lui donne un caractère authentique, d’autant plus fortement ressenti par le lecteur que le contexte spatio-temporel est toujours campé de façon réaliste. L’auteur met l’accent sur l’impact que peuvent avoir dans la vie de telles rencontres : le narrateur, qui, après avoir fait fortuitement la connaissance du clochard, enquête discrètement, intrigué par le bonhomme, pour cerner sa personnalité, en sort quelque peu transformé. Il tire leçon de la sagesse acquise, de la totale indépendance, de la générosité spontanée, de l’humanisme vrai qu’il découvre chez le vagabond.

Du vent, Xavier Hanotte

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 15 Novembre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Belfond

Du vent, octobre 2016, 432 pages, 19 € . Ecrivain(s): Xavier Hanotte Edition: Belfond

 

Voilà, commis par le romancier belge, un roman bien enlevé, brillant et intrigant. Ou comment tisser deux histoires en une, sans quitter l’à-propos ni verser dans le décousu main.

Ainsi, nous suivons en parallèle, poussées par le vent de l’histoire ou le bien réel météorologique, les narrations d’une relation historique à la Yourcenar et d’un fait divers crapuleux de séquestration. Nous verrons assez vite que des liens se nouent entre les deux histoires.

En quatre chapitres, le personnage de Jérôme Walque, romancier de son état, réinvente le triumvir Lépide, collègue d’Antoine et d’Octave, en pleine action d’occupation de la Sicile. Un héros tourmenté par l’éthique, renonçant à la violence et donc au pouvoir. Le portrait que Walque en fait est d’une justesse psychologique assez profonde, et la comparaison avec Yourcenar vient assez vite sous la plume, tant l’écriture reconstitue avec sagacité et flair cette époque révolue de luttes romaines pour le pouvoir. Les légions, les manœuvres de palais, les mouvements de troupes, tout y est vraisemblable.