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Critiques

En Mouchant la Chandelle, Qu You & Li Zhen

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 03 Novembre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Asie, Nouvelles, Gallimard

En Mouchant la Chandelle, trad. chinois Jacques Dars (révision Tchang Foujouei), 240 p. 8,00 € . Ecrivain(s): Qu You & Li Zhen Edition: Gallimard

 

Le lecteur est un voyageur en fauteuil, et voici que lui est à nouveau offerte l’opportunité de voyager en Chine, au début des Ming (XIVe-XVe siècles) grâce aux vingt et une nouvelles réunies en un mince volume, En Mouchant la Chandelle (référence à l’heure tardive à laquelle on les lit, s’occupe de choses frivoles ou vit d’étranges aventures) par Jacques Dars, qui est aussi leur traducteur, avec la bienveillante révision de Tchang Foujouei. Ces nouvelles sont en fait extraites de deux recueils plus vastes signés Qu You (Jiandeng Xinhua, « Nouvelles Histoires en Mouchant la Chandelle », les quatorze premières) et Li Zhen (Jiandeng Yuhua, « Suites aux Histoires en Mouchant la Chandelle », les sept dernières) ; on peut de bon droit supposer que l’anthologiste a effectué un choix destiné à proposer au lecteur francophone la crème de ces deux recueils.

Ces nouvelles rencontrèrent à l’époque de leur publication un tel succès en Chine qu’elles furent bannies… pour ne pas distraire les étudiants ! Elles furent ensuite traduites célébrées, dès le XVIe siècle, tant en Corée qu’au Japon, deux pays où elles eurent une influence et un impact aussi grands que dans leur pays d’origine. Et l’une d’entre elles, dans sa version japonaise, parvint en Europe sous la plume de l’Anglais Lafcadio Hearn (1850-1904), pour être ensuite traduite en allemand par l’auteur du Golem, Gustav Meyrink.

La ligne de fuite, Robert Stone

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 02 Novembre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, L'Olivier (Seuil)

La ligne de fuite, juin 2016, trad. américain Philippe Garnier, 375 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Robert Stone Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Livre paru dans les années 90, La Ligne de fuite est dans la longue série des livres écrits sur la guerre du Vietnam et ses suites aux USA. Ce roman fut intitulé d’abord Les guerriers de l’Enfer, titre repris au cinéma par Karel Reisz pour un film intéressant, dans lequel le « gueule » de Nick Nolte fait merveille. Les éditions de L’Olivier reprennent ce livre qui n’eut guère de succès à sa première édition, dans une traduction nouvelle sous la plume de Philippe Garnier. Et l’on peut espérer que cette fois le succès sera au rendez-vous, car le livre, tel quel, le mérite. Philippe Garnier, dans son élément, produit une traduction dynamique et « d’époque ». A mille lieues des approximations stylistiques de celle – erratique – de 1994, parue aux éditions Série Noire, Garnier nous donne une version impeccable, soyeuse et élégante.

On plonge donc avec délice dans un univers très années 60 – Guerre du Vietnam et puis babas cool, fumette, LSD, pop music et rock psychédélique. S’y retrouvaient des ombres célèbres de l’époque, rock stars, artistes ou Hell Angels.

Autopsie des temps morts, Poèmes 2010-2014, Philippe Blondeau

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 02 Novembre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Autopsie des temps morts, Poèmes 2010-2014, éditions Le Bretteur, 2015, 79 pages, 10 € . Ecrivain(s): Philippe Blondeau

 

Présence du poème dans la vacuité de nos vies. « Qu’arrive-t-il quand rien ne se passe ? » La question, essentielle, se pose et résout ses entrelacs de tergiversations habituelles ou son élision, dans l’extraction vers le haut, du limon quotidien, opérée par ces poèmes écrits entre 2010 et 2014 par le poète Philippe Blondeau.

Œuvrant au laboratoire des dissections (Autopsie des temps morts, ainsi s’intitule ce recueil), la poésie inaugure une commémoration d’instants fugitifs mémorables ; exécuté sur le mode opératoire de l’invocation où le passé s’appelle et est interpellé, et sur le mode de la dérision (car l’auteur sait diluer dans l’humour nos concentrés de vies pressées par un temps volatile), le découpage d’un réel parfois tragique (ainsi la parenthèse d’un enterrement) restitue en les recollant, en les rassemblant, ces morceaux éparpillés de nos réels agencés à notre insu ou avec nous dans ces temps qui courent et qui – il le faut bien – s’arrêtent un jour, au bord de notre route (« (…) ce monde qu’il nous faut tenter de retenir car il nous quittera plus que nous le quitterons, nous qui ne cesserons jamais tout à fait d’être là, traces infimes et inutiles sans doute, mais présentes malgré tout, comme le poème précisément »).

Eclats éphémères, Christophe Vallée

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 01 Novembre 2016. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Ipagination

Eclats éphémères, mai 2016, 111 pages, 12,90 € . Ecrivain(s): Christophe Vallée Edition: Ipagination

 

Cet ouvrage du philosophe Christophe Vallée inaugure la collection Savoirs que lancent les Editions iPagination et qui vient compléter une palette déjà riche de genres littéraires (romans d’amour, nouvelles, poésie, polar, science-fiction, fantastique…).

L’ouvrage se présente comme une compilation de quarante courts articles développant chacun une notion, comme une sorte de dictionnaire philosophique comportant quarante entrées. On peut considérer les deux premières entrées (Le signe et La philosophie), comme une association de concepts formant la clé qui ouvre les textes qui suivent.

Christophe Vallée, en effet, dans chacun des articles, part du signe, de cette part du signe qui constitue le signifiant, pour cheminer, par le canal d’un discours philosophique qu’on peut tenir pour clair et éclairant, tant pour les familiers du genre que pour les néophytes, vers le signifié, ou plutôt vers un possible signifié. En ce sens, l’auteur se présente comme un lampadophore qui guide le lecteur consentant vers une lumière, ou vers des lumières, vers une vérité qui n’est toutefois jamais affirmée comme étant LA vérité.

Le fils de mille hommes, Valter Hugo Māe

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 31 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Métailié, La rentrée littéraire

Le fils de mille hommes, septembre 2016, trad. portugais Danielle Schramm, 192 p. 18 € . Ecrivain(s): Valter Hugo Mãe Edition: Métailié

Déjà remarqué pour L’Apocalypse des travailleurs, son premier roman pour lequel il avait reçu le prix Saramago, Valter Hugo Māe revient ici avec un roman prenant, qui nous plonge sans ménagement dans les noirceurs de l’âme humaine ; mais pas les spectaculaires, non, plutôt les noirceurs banales, quotidiennes, les petites et grandes lâchetés, la bêtise commune, qui peuvent provoquer tout autant de malheur et de désespoir autour d’elles. Ce qui surprend, c’est que s’il nous conduit là où meurt tout espoir, c’est pour nous hisser jusqu’à la lumière, nous montrant ce que l’humain peut aussi avoir de plus beau et qui est d’une telle simplicité qu’on se demande vraiment pourquoi cela reste tellement hors de notre portée.

C’est vraiment un grand écart qui est réalisé ici, et Le fils de mille hommes devient une sorte de roman-médecine. Après avoir posé les bases, Valter Hugo Māe nous raconte plusieurs histoires où on découvre les origines, le vécu douloureux, difficile et même sordide des différents protagonistes, puis un fil va venir ensuite coudre ensemble toutes ces histoires. Ce fil passe par Crisóstomo, un petit pêcheur de 40 ans, un homme bon mais désespérément seul. Or, c’est cet immense désir de l’autre, soutenu par la générosité qu’il a en lui, qui va permettre de réunir en une grande famille hétéroclite une bonne partie des personnages malmenés et estropiés de ce roman. Il serait dommage de trop en dire, mais l’essentiel tient en un mot : l’amour. L’amour qui surpasse tout, transforme tout, panse les plaies, rend beau ce qui était laid, dissout les préjugés.