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Les Chroniques

Souvenirs en marge du livre Un fauve d’Enguerrand Guépy

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 06 Décembre 2016. , dans Les Chroniques, La Une CED

Un fauve, Enguerrand Guépy, éd. du Rocher, octobre 2016, 192 pages, 17,90 €)

 

La lecture du roman Un fauve d’Enguerrand Guépy, biographie romancée du dernier jour de la vie de l’acteur Patrick Dewaere le 16 juillet 1982, a ravivé des souvenirs lointains, ceux de ma jeunesse estudiantine au tout début des années soixante-dix, dans un Paris et une société encore marqués par les événements de mai 1968.

Le nom de Patrick Dewaere est indissociable de l’aventure du Café de la gare, celui de l’impasse d’Odessa près de la gare Montparnasse, café-théâtre ouvert en juin 1969, au slogan prometteur : « C’est moche, c’est sale, c’est dans le vent ! ». Un lieu de réjouissances implanté dans des murs qui devaient peu de temps après disparaître sous la pression des promoteurs immobiliers. Une verrue libertaire à l’esprit anarchiste, symbole d’une contestation par le rire à la France du Général de Gaulle et de Pompidou. Nous, les 18-20 ans de l’époque, on y allait pour se défouler, goûter un vent d’irrespect déjà fort éloigné des slogans révolutionnaires scandés à peine un an plus tôt. L’esprit soixante-huitard plongeait à gorge déployée dans la déconnade.

Le Scalp en feu (X), par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Samedi, 03 Décembre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

« Poésie Ô lapsus », Robert Desnos

 

Le Scalp en feu est une chronique irrégulière et intermittente dont le seul sujet, en raison du manque et de l’urgence, est la poésie. Elle ouvre un nombre indéterminé de fenêtres de tir sur le poète et son poème. Selon le temps, l’humeur, les nécessités de l’instant ou du jour, ces fenêtres changeront de forme et de format, mais leur auteur, un cynique sans scrupules, s’engage à ne pas dépasser les dix à douze pages, ou à peine plus, pour l’ensemble de l’édifice. Le Scalp est publié, simultanément ou non, par les magazines en ligne : La Cause littéraire, et Recours au poème. Lecteur, ne sois sûr de rien, sinon de ce que le petit bonhomme, là-haut, ne lèvera jamais son chapeau à ton passage car, fraîchement scalpé, il craint les courants d’air (Michel Host)

Ekphrasis - à propos de Rembrandt, Jean Genet

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 01 Décembre 2016. , dans Les Chroniques, La Une CED

Rembrandt, Jean Genet, Gallimard, novembre 2016, 80 pages, 12 €

 

Et s’étant levé de fort bonne heure, il prit ses deux femmes et leurs deux servantes, avec ses onze fils, et passa le gué de Jacob. Après avoir fait passer tout ce qui était à lui, Il demeura seul en ce lieu-là. Et il parut en même temps un homme qui lutta contre lui jusqu’au matin. Cet homme, voyant qu’il ne pouvait le surmonter, lui toucha le nerf de la cuisse, qui se sécha aussitôt. Et lui dit : laissez-moi aller, car l’aurore commence déjà à paraître. Jacob lui répondit : Je ne vous laisserai point aller que vous ne m’ayez béni. Cet homme lui demanda : Comment vous appelez-vous ? Il lui répondit : Je m’appelle Jacob. Et le même homme ajouta : On ne vous nommera plus à l’avenir Jacob, mais Israël ; car si vous avez été fort contre Dieu, combien le serez-vous davantage contre les hommes ? Jacob lui fit ensuite cette demande : Dites-moi, je vous prie, comment vous vous appelez. Il lui répondit : Pourquoi demandez-vous mon nom ? Et il le bénit en ce même lieu-là, en disant : J’ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée. Aussitôt qu’il eut passé ce lieu, qu’il venait de nommer Phanuel, il vit le soleil qui se levait ; mais il se trouva boiteux d’une jambe. C’est pour cette raison que, jusqu’aujourd’hui, les enfants d’Israël ne mangent point du nerf des bêtes, se souvenant de celui qui fut touché en la cuisse de Jacob, et qui demeura sans mouvement (chapitre XXXII, 22-32, La Bible).

Le vieillard et le premier cahier, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mercredi, 30 Novembre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

« … Le pays se déchire comme un vieux journal. Je regarde et je tente de rassembler les morceaux pour comprendre, mais je n’y arrive pas ! La météo se mêle au blé, un général parle pendant qu’on distribue des logements, une réforme est annoncée alors que la pluie n’est pas tombée. C’est chacun dans son coin. Comme s’il ne restait du lien du sang que les martyrs d’autrefois. C’est épars, dans le vent mais sans le sens. Comme mon corps : je sais que je glisse vers la tombe en froissant ma peau par la vieillesse, mais le monde m’apparaît comme un jeu de cartes éparpillées. Il y a sûrement une règle de jeu. Mais je l’ai oubliée à la naissance, je crois. Comme tout le monde.

C’est alors qu’on me sort une chaise et qu’on me met au soleil vers 11h dans la petite cour de la maison au village. C’est un moment de bonheur que de sentir le soleil et de regarder les avions minuscules quand ils passent dans le ciel bleu et tracent un trait de fumée blanche. J’imagine les vies dedans, leurs buts laborieux, tout le tintamarre des préoccupations et des peurs, la galaxie des objets qu’on a tous dans la tête et les poches et les sacs et qui nous suivent et nourrissent leur nécessité de nos désirs.

A propos de Zoartoïste et autres textes, Catherine Gil Alcala, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Novembre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Zoartoïste et autres textes, Catherine Gil Alcala, éd. La Maison brûlée, novembre 2016, 136 pages, 15 €

 

 

Au risque de répéter ce qui a été dit déjà au sujet de la forme très originale et particulière du théâtre de Catherine Gil Alcala, il faut se faire à l’idée qu’il y a là un style d’auteur, et un vrai monde. Ce monde est fait de la concaténation de différents éléments, qui prennent source dès la liste des personnages (un peu à la manière de Novarina) et d’ailleurs avec le tout premier d’entre eux : Zoartoïste, c’est-à-dire un enchâssement de noms et d’épithètes tels que Zoroastre, toïste, artiste, le Tao, l’art, Zarathoustra. Et c’est bien ce qui surgit à la lecture, ce mélange, cette saturation, le caractère protéiforme d’un univers théâtral à part entière. Là encore, pour cette pièce qui s’organise en 15 scènes (15 miroirs), l’on est tout devant une sorte d’autoportrait de la dramaturge, une sorte de monologue à plusieurs voix qui nous sature d’informations et d’images, qui explose en quelque sorte dans un style foisonnant et divers.