Identification

Arfuyen

Les Éditions Arfuyen ont été créées par Gérard Pfister en 1975 et ont bénéficié depuis leur origine du soutien et de la participation de Philippe Delarbre, Marie-Hélène et William English et Alain Gouvret.
Elles sont aujourd'hui dirigées par Anne et Gérard Pfister.

 


Ainsi parlait Jules Renard, Dits et maximes de vie, Yves Leclair (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 09 Octobre 2024. , dans Arfuyen, Les Livres, Chroniques Ecritures Dossiers, La Une CED

Ainsi parlait Jules Renard, Dits et maximes de vie, Yves Leclair, éditions Arfuyen, juin 2024, 192 pages, 14 €

 

« Le monsieur qui nous dit : “Et moi aussi, j’ai passé par là !”. Imbécile ! Il fallait y rester : alors, tu m’intéresserais” » (fragment 49).

Un florilège (le principe de cette collection) de Jules Renard ne pouvait promettre qu’un feu d’artifice, et le voilà. Yves Leclair y a excellemment travaillé. Mais dès sa présentation (Une hygiène de l’esprit), le maître d’œuvre de ce livre nous annonce, au-delà de la jubilation attendue (par la caustique fantaisie et l’humour imparable du maître), un auteur profond (qui aura constamment, malgré sa paresse officielle, appris de son propre travail) et scrupuleux (qui s’interdit peu à peu la méchanceté et le cynisme qu’il se savait trop expertement déployer, et manifeste une « finesse spirituelle » assumant la responsabilité de tout ce qu’elle découvre, et incitant son lecteur à la relayer). C’est, comme dit Leclair, ce « plus japonais des naturalistes », oui, le plus délicat et vaporeux des réalistes qu’on rencontre ici.

L’Œuvre poétique I, Le code de la nuit, Dylan Thomas (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Avril 2024. , dans Arfuyen, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Iles britanniques, Poésie

L’Œuvre poétique I, Le code de la nuit, Dylan Thomas, éd. Arfuyen, février 2024, trad. anglais, Hoa Hôï Vuong, 329 pages, 24 €

 

Organicité

L’important travail de traduction et de documentation qu’a fourni le traducteur Hoa Hôï Vuong, mérite largement de faire apprécier l’œuvre poétique de Dylan Thomas en France et en tous pays francophones. Cette traduction, qui n’est pas littérale, arrive cependant à restituer une vision du monde, un univers. Cette langue du poète gallois donne à écrire, à voir et à entendre une forme presque archaïsante de la langue anglaise, et, peut-être cette idée était aussi celle du traducteur. Langue nette et brute, lais modernes, écoute d’un son d’Edgard Varèse.

Ces considérations générales ne doivent pas empêcher de considérer cette littérature comme parlant depuis une organicité de la matière, saillant çà et là comme irruption de l’angoisse. Visions faites d’os et de sang, de tout ce qui est sujet au pourrissement, les asticots, la mort, tout cela se racontant comme en une double vie terrestre, vie combattant la mort, faits vifs de chacune des vies, fluidité conduisant au néant.

Le Tigre Absence, Cristina Campo (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 08 Janvier 2024. , dans Arfuyen, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, En Vitrine, Cette semaine

Le Tigre Absence, Cristina Campo, éd. Arfuyen, Coll. Neige, trad. italien, Monique Baccelli, novembre 2023, 132 pages, 15 € Edition: Arfuyen

 

Hauteur

Le mot Hauteur m’est venu assez vite pour qualifier en propre comme au figuré cette poésie d’une grande force d’ascèse, qui trouve son expression dans une langue très retenue, mais sans formalisme, donc laissée vivante aux yeux du lecteur. Cristina Campo mêle à son poème quelque chose d’inouï, et que l’on pourrait traiter de sublime (si ce mot a encore une valeur intellectuelle), une poésie qui se justifie par sa rencontre avec l’essence de l’écriture. La poète circule presque avec pudeur dans son monde, son univers, son imaginaire, lesquels sont composés de figures dansées, espèce de ballet linguistique très organisé et ne laissant place à aucune erreur, aucun faux-pas (il faut donc faire confiance à la traductrice qui a restitué en français ces textes depuis l’italien). Textes de l’épure, plume aussi retenue que celle d’Emily Dickinson, emplis d’une spiritualité sans emphase. Voilà pour l’ordre d’idée auquel nous convie cette littérature, simplicité non affectée, peuplée du petit dieu ailé de l’opportunité du Kairos qui surgit çà et là, témoin d’une activité de création toujours en mouvement.

Scènes d’une vie de bohème, Une jeunesse à Colmar et Strasbourg (1880-1914), Otto Flake (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 06 Décembre 2023. , dans Arfuyen, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Scènes d’une vie de bohème, Une jeunesse à Colmar et Strasbourg (1880-1914), Otto Flake, Arfuyen, 2023, trad. allemand, Marine El Hajji, Régis Quatresous, 310 pages, 20 € Edition: Arfuyen

En moins d’un siècle, de 1860 à 1945, les Alsaciens ont changé quatre fois de nationalité, de langue, de système politique et administratif, passant de la France à l’Allemagne et retour. L’invasion de 1870 a, dans l’ensemble, disparu de la mémoire collective, malgré les atrocités qui furent commises (pas seulement dans l’Est du pays : on relira certaines nouvelles de Maupassant, comme La Folle). Sommés de choisir entre l’Allemagne et la France, la moitié des Alsaciens prit le chemin de l’exil, abandonnant leurs domiciles, leurs entreprises, leurs fonctions, s’établissant dans la partie de l’Alsace demeurée française (le Territoire de Belfort), les régions voisines ou à Paris (ce fut pour eux qu’on créa l’École alsacienne). De 1870 à 1918, l’Allemagne nouvellement érigée en État fit le nécessaire pour qu’on oubliât les conditions dans lesquelles furent annexées l’Alsace et la Moselle (et ce fut d’autant plus aisé que les plus déterminés des anti-Allemands étaient partis). La gare de Metz est célèbre pour sa lourdeur typiquement teutonne, le « quartier allemand » de Strasbourg se visite aujourd’hui à part entière et le IIe Reich dota richement la Bibliothèque universitaire de Strasbourg, détruite lors du siège de la ville, le 24 août 1870, par un obus allemand selon toute vraisemblance tiré volontairement.

Souvenirs sur Rainer Maria Rilke, Marie de la Tour et Taxis (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 02 Octobre 2023. , dans Arfuyen, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Récits

Souvenirs sur Rainer Maria Rilke, Marie de la Tour et Taxis, Arfuyen, janvier 2023, 188 pages, 17 € Edition: Arfuyen

 

Pour la postérité, la princesse Marie de la Tour et Taxis (1855-1934) survit et survivra dans la mesure où son nom figure au début des Élégies de Duino, qui portent le nom du château en bord de mer appartenant à cette très ancienne famille, où D’Annunzio fut également reçu, ainsi que d’autres membres des aristocraties européennes – tel l’archiduc François-Ferdinand, qui rencontrera quelques semaines plus tard son funeste destin à Sarajevo.

Née à Venise, décédée en République tchèque, Marie parlait couramment plusieurs langues et ce fut directement en français qu’elle rédigea ce volume de Souvenirs (qui, étrangement, parurent en traduction allemande trois ans avant que le texte original ne fût imprimé). Connaissant par cœur L’Enfer de Dante, citant Leconte de Lisle dans le texte, la princesse ne magnifiait pas forcément « son » poète : « Physiquement, il est laid au premier abord, très petit et chétif, quoique bien pris dans sa taille, une longue tête pointue, un grand nez, une bouche grande aussi, aux fortes lèvres très sinueuses qu’accentuent le menton un peu fuyant et sa fossette profonde » (p.27-28).