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Esprits noirs et blancs, Ralph Adams Cram (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 03 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Nouvelles, USA

Esprits noirs et blancs, Ralph Adams Cram, éditions Le Visage Vert, août 2021, trad. USA Anne-Sylvie Homassel, Blandine Longre, 162 pages, 14 €

 

Ralph Adams Cram fut un architecte de renom aux Etats-Unis, qui dès sa jeunesse éprouva un goût prononcé pour l’ancien, plus spécifiquement le gothique, ce qu’affermirent en lui deux voyages effectués en Europe avant ses trente ans. Préalablement à son engagement définitif dans le métier d’architecte, il côtoyait les milieux artistiques de Boston et produisit quelques œuvres littéraires, dont cet unique recueil de nouvelles, Black Spirits and White (1895), ouvrage qu’il sembla renier vers la fin de sa vie.

Si l’on a un penchant pour les histoires de fantômes, il est honnête de dire que notre esprit ne peut se trouver révolutionné par ces récits. Ceci n’enlève en rien le plaisir qu’on en tire, ni la qualité littéraire du livre : l’auteur ménage remarquablement les atmosphères de mystère et d’horreur, qui ne manquent pas de laisser durablement leurs empreintes dans notre imagination. Comment s’empêcher, par ailleurs, de ne pas soulever quelques références littéraires dans ces nouvelles ?

Éphémères, Annie Perec Moser (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 24 Novembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Le Coudrier

Éphémères, novembre 2019, 74 pages, 18 € . Ecrivain(s): Annie Perec Moser Edition: Le Coudrier

 

Le titre Éphémères fait immédiatement référence dans notre esprit à des instantanés, à des photographies saisies par le regard de la poète. La photographie de la couverture, signée Damien Gatinel, laisse cependant présager que, par-delà le regard, se situe l’imaginaire. Et c’est bien ce qui nous attend dans ce recueil, où Annie Perec Moser affirme l’acuité de sa vision.

À la lecture de ses poèmes, dont la forme nous paraît dès l’abord traditionnelle, quelque chose nous interpelle pourtant, comme si la rime attendue ne venait pas, comme si nous avions été bernés par cette apparente tradition formelle. C’est cela, en vérité : la poète nous surprend l’air de rien, mais elle nous ouvre en même temps à une grande fluidité au sein de sa poésie. Il n’est parfois qu’à se laisser conduire par le courant ; mais c’est pour mieux être saisi à la fin : l’ingénuité de la jeunesse rencontre fréquemment la cruauté la plus perverse, comme le montre excellemment L’enfer, commençant par le vers : « J’aimerais coudre les nuages ».

Les Mots rares, Juliette Brevilliero (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 29 Octobre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Editions Galilée

Les Mots rares, Juliette Brevilliero, septembre 2021, 88 pages, 10 € Edition: Editions Galilée

 

Oser la composition d’une œuvre en en appelant aux « mots rares » ne peut être qu’un défi de poète et, dans tous les cas, ne peut avoir pour finalité que la poésie. Et quel défi ! Suivant la démarche de Juliette Brevilliero, les mots rares ont ici une direction toute particulière : tenter de raconter l’inracontable et d’« esquisser l’inouï des instants ».

Si l’on regarde du côté des deux précédents recueils (Chair papier et Mangeurs de rues), la poète avait, outre le goût avancé des sonorités, une appétence certaine des vocables qu’on rencontre assez peu. Vraisemblablement, elle a souhaité toucher la substantifique moelle de son exploration avec ce nouvel ouvrage, et de là, sous un « ciel zinzolin » et autre « coruscation », nous fait connaître une « immarcescible pensée » et une « absence cordiforme », la « triskaïdékaphobie » croise la « vésanie », pour ne citer que quelques exemples. Les Mots rares nous conduiraient-ils à l’orgie verbale ? Au contraire, cette radicalité dans la proposition poétique ne signe-t-elle pas un amour profond de la langue ?

La Nuit tombée, Antoine Choplin (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 13 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Points

La Nuit tombée, 128 pages, 5,70 € . Ecrivain(s): Antoine Choplin Edition: Points

Gouri, écrivain public à Kiev, décide de revenir sur les lieux de son ancienne vie, à Pripiat, afin de récupérer un objet auquel il tient tout particulièrement ; il prend néanmoins le temps de s’arrêter à Chevtchenko en cours de route, pour y retrouver des amis restés sur place, Vera et Iakov.

Le propos de ce roman est très simple, mais à l’intérieur de ce propos, Antoine Choplin nous décrit une réalité grise, atrophiée, et cependant profonde. S’il devait faire l’objet d’une adaptation cinématographique, nul doute que le film serait économe en dialogues, et ponctué de regards expressifs et de silences pleins de signification.

Sous une apparence majoritairement descriptive, tandis qu’on suit l’itinéraire de Gouri à bord de sa moto, le livre nous parle de l’impossibilité d’un exil, de la volonté opiniâtre à rester sur les lieux où l’on a toujours vécu et que l’on persiste à vouloir rendre vivants, même quand une catastrophe comme celle de Tchernobyl voudrait tout faire cesser. À ce titre, l’histoire de la vieille dame à Ritchetsya, racontée par Iakov, a toutes les caractéristiques d’une histoire qui a vraiment pu se dérouler. Mais cette impossibilité de l’exil, plus qu’exprimée, est personnifiée par Gouri lui-même : en dépit du fait qu’il a su se recréer une vie à Kiev, il décide de prendre des risques inconsidérés pour avoir le simple privilège de reposer les pieds chez lui, et de récupérer un objet cher à son cœur.

Les Centaures, André Lichtenberger (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 18 Août 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

Les Centaures, André Lichtenberger, Editions Callidor, 2017, Ill. Victor Prouvé, 288 pages, 20 €

 

Avec Les Centaures d’André Lichtenberger, les éditions Callidor remettent en avant un roman qui avait été oublié, dont la dernière réédition remontait à 1924, et dès lors considéré, selon l’éditeur lui-même, comme « le premier roman de fantasy français ».

Initialement publié en 1904, Les Centaures met en scène trois races dominantes sur une terre dont l’époque semble très lointaine, sinon indéterminée. Ces trois races sont les tritons, les faunes et les centaures, ces derniers étant en vérité, par leur force physique exceptionnelle, les véritables dominateurs, ceux dont les paroles de paix ne doivent jamais être bafouées, au risque d’un châtiment suprême. En effet, si l’ensemble des bêtes vouent une gratitude sans pareille aux maîtres centaures, les attaques meurtrières ne sont pas tolérées. Les mangeurs de chair ne peuvent bénéficier de nourriture qu’en se penchant sur des cadavres, quand la nature a fait son devoir. Si un animal agit contrairement à cette loi, il n’existe aucun compromis : il mourra rapidement sous les coups furibonds, violents et indomptables des centaures, qui useront de massues, de leurs sabots et de leurs muscles.