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Articles taggés avec: Baillon François

Monsieur William, Dominic K. (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 04 Février 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Jeunesse

Monsieur William, Dominic K., Editions Les Petites Moustaches, juin 2024, 96 pages, 14 €

 

La maison d’édition Les Petites Moustaches a créé la Collection 22H24 (en 2024) à partir d’un fait aussi réel que déconcertant : la porte d’entrée de l’éditrice craque chaque jour à 22h24.

A partir de cette information, l’auteur Dominic K. donne naissance au personnage de Monsieur William, 48 ans, encadreur de métier, qui habite dans une petite ville de l’Aquitaine, en bord de Garonne. Son quotidien est aussi réglé, aussi ascétique, que sa solitude semble profonde. Non pas qu’il soit parfaitement isolé : sa fille Jennifer lui rend régulièrement visite. Néanmoins, elle aura l’occasion de sentir l’inquiétude grandir face à l’obsession de son père, pour qui il deviendra impossible de voir ou d’entendre autrement qu’à travers son unique point de vue. Bien qu’ayant un ami lui suggérant de briser cette solitude rigide, Monsieur William ne semble, au long de son aventure intérieure, voué qu’à une seule compagne : sa porte d’entrée qui, chaque soir, craque de manière similaire et rigoureuse à 22h24. Tout en restant quelque peu préoccupé par sa santé, il développe une fidélité telle à ce phénomène qu’il lui paraît impensable d’être absent de sa maison à l’heure fatidique. Devient-il fou ?

La Petite Fille dans la forêt des contes, Pierre Péju (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 19 Novembre 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Contes, Essais, Robert Laffont

La Petite Fille dans la forêt des contes, Pierre Péju, Robert Laffont, 2018, 296 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Pierre Péju Edition: Robert Laffont

Cinq ans après la publication de Psychanalyse des contes de fées, Pierre Péju élabore en quelque sorte une réponse à Bruno Bettelheim à travers la voix de cette Petite fille dans la forêt des contes : on ne peut pas parler ici d’ouvrage foncièrement théorique, mais plutôt du prolongement d’une réflexion initiale, déjà riche, sur les contes traditionnels. Sans vraiment réfuter l’interprétation qu’en fait Bettelheim, interprétation qui se base essentiellement sur les travaux psychanalytiques de Freud, Péju en propose un élargissement, et avertit aussi des maladresses très dommageables qui pourraient nous revenir si l’on faisait du livre de Bettelheim une vérité établie.

Conduit par le célèbre personnage du joueur de flûte de Hameln qui, grâce à son génie musical, emmène à sa suite tous les enfants d’un village vers un endroit dont on ne saura jamais rien, Pierre Péju se penche sur la figure de la petite fille (mais pas uniquement) et accorde une certaine place aux contes allemands de l’époque romantique : Hoffmann et Grimm sont les noms les plus connus en France, mais l’auteur réserve un éclairage égal à la richesse des contes de Ludwig Tieck, Achim d’Arnim ou Clemens Brentano.

Lucien, Sabine du Faÿ (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 20 Mai 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

Lucien, Sabine du Faÿ, Oskar Éditeur, 2022, 168 pages, 14,95 €

 

Lucien ne voit plus sa mère, internée en hôpital psychiatrique, depuis six années, et ne connaît pas son père. À l’âge de treize ans, son destin se résume à un ballottement entre familles d’accueil. Arrêté par un commissaire de police pour un vol de portefeuille, il crée l’affolement de Mme Chouraki, qui en a désormais la responsabilité avec son mari ; sous l’obligation de celle-ci, et pour la première fois, il est conduit à consulter un pédopsychiatre, Marc Lamy.

Destiné aux adolescents avant tout, ce roman met en lumière les étapes successives du mal-être d’un enfant qui se sent abandonné : agissant de manière impulsive, voire destructrice, Lucien s’inscrit, sous la plume délicate de Sabine du Faÿ, dans la recherche constante d’un foyer qui semble inaccessible, d’une place dont l’adéquation paraît hors du monde – ses déplacements réguliers, fruits d’un instinct de survie, ces intérieurs qu’il croise et quitte en permanence, sont à l’image de cette quête qui l’essouffle.

Le Triomphe de la nuit + Grain de grenade, Edith Wharton (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 02 Avril 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Roman, USA

Le Triomphe de la nuit + Grain de grenade, Edith Wharton, Éditions Joëlle Losfeld, trad. anglais, Florence Lévy-Paoloni, 408 pages (2 volumes) . Ecrivain(s): Edith Wharton Edition: Joelle Losfeld

 

Entre 1902 et 1937, Edith Wharton a écrit plusieurs histoires de fantômes, qui seront réunies dans un volume intitulé Ghosts, paru peu de temps après la mort de la nouvelliste. Ce recueil sera traduit pour la première fois en français grâce aux Éditions Terrain Vague, entre 1989 et 1990, sous la forme de deux volumes qui font l’objet de notre article.

« Ce n’est pas de couloirs sonores ou de portes dissimulées derrière des tentures dont a besoin un fantôme, mais de continuité et de silence » (préface d’Edith Wharton). En cette première moitié du vingtième siècle, les évolutions techniques rendent les gens imaginatifs moins réceptifs à l’apparition de fantômes. Moins réceptifs ? Reste à déterminer de quel genre de fantôme on parle. Car ne s’agirait-il pas plutôt d’une perception propre à un esprit singulier – souvent terre à terre, d’ailleurs ? Ne s’agit-il pas d’une intuition, encore indéterminée, et pourtant obsédante ?

La chaise du fond, Christian Milleret (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 29 Janvier 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman

La chaise du fond, Christian Milleret Éditions du Petit Pavé – Mars 2013 180 pages – 18 €

Le début du roman nous prépare à la possibilité d’une « libération » pour son héros, Vincent : en pleine fleur de l’âge, celui-ci ne cesse de ressentir chaque jour l’espace étriqué de son village, l’esprit étriqué de ses habitants – apparemment, ceux-là acceptent sans conscience un quotidien monotone et dépourvu de relief. Face à cela, Vincent attend impatiemment que s’achève le dernier été qu’il passera dans son village, car il a décidé de rejoindre la capitale, ses lumières et son cousin Tom. Obsédé par le destin d’un père mort trop tôt – un père alcoolique et parfois violent, trop intelligent pour supporter les vicissitudes d’une vie rétrécie –, le héros a pour ambition de « vivre » et d’affirmer une volonté dont semblait incapable son père. Néanmoins, ses plans demeurent incertains.

Le roman annonce ainsi le tressage d’un chemin de réussite, celui d’un « provincial » encore néophyte. La détermination du personnage est telle (notamment pour sortir de sa situation de départ) qu’on le croit prêt à braver tout obstacle et à dépasser, sur sa voie future, les derniers pans écroulés de sa naïveté. Mais si la réussite, en l’occurrence celle de Thomas, fait bien partie du paysage parisien dans lequel il tombe, les circonstances s’apprêtent lentement à favoriser la désillusion. La ville et ses lumières, convoitées avec tant de force, laisseront progressivement place à un espace plus obscur.