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À propos de Rire et gémissement, Tarik Hamdan, et Du bleu autour, Viviane Ciampi, éditions Plaine Page (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 22 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Rire et gémissement, Tarik Hamdan, et Du bleu autour, Viviane Ciampi, éditions Plaine Page, 2018, chacun 10 €

Poésie connexion

Comme il me fallait choisir dans toute la livraison 2018 des éditions Plaine Page, j’ai essayé de joindre deux ouvrages assez différents mais qui illustraient avec pertinence le mot de connexion – qui est le titre de la collection où paraissent ces livres, le premier de Tarik Hamdan, poète palestinien et journaliste, et le second de Viviane Ciampi, poétesse italienne et peintre. En effet, dans les deux cas, il s’agit bel et bien d’une « connexion », l’une au monde et à l’Histoire, et l’autre au monde matériel de l’organicité physiologique de l’être humain. Cependant, je parlerai peut-être davantage de Rire et gémissement, car ce recueil est plus volubile, plus imagé et donne mieux à penser la relation avec le monde qui va, avec l’Histoire, avec le tremblement du monde, cher à Édouard Glissant. Mais je n’oublierai pas de décrire mon sentiment à l’égard du travail de Viviane Ciampi, dont l’ouvrage s’accompagne de ses propres encres, taches fluides et bleutées, un peu maritimes et qui rappellent le test de Rorschach.

A-Eden, Jean Maison (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 16 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

A-Eden, Jean Maison, éditions Ad Solem, décembre 2018, 104 pages, 10,90 €

 

 

Poésie agreste

Je n’ai pas toujours l’occasion de chroniquer les livres de Jean Maison, poète que je connais depuis de longues années et vers lequel parfois mes pas me conduisent en Corrèze où il vit et travaille. Mais je sais le plaisir renouvelé de lire sa poésie intense, forte, ramassée et pourtant nue. Et du reste, la nudité compte ici beaucoup pour ces textes qui font un livre un peu étrange, dans lequel la page de gauche (qui est sujette dans des éditions bilingues à accueillir le texte dans sa langue originale) est blanche, comme si les poèmes de la page de droite étaient une traduction à partir du vide, du néant et de la nudité de la vie intérieure. Peut-être est-ce là une traduction du poète depuis la luminosité spirituelle, prière dite à voix basse et qui s’adosse à une foi intégrale et silencieuse ?

La nuit, Nasser-Edine Boucheqif (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 11 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La nuit, Nasser-Edine Boucheqif, éd. Al Mawkib Al Adabi, Maroc, 2017

 

Nuit mystérieuse

Je me fais l’écho d’un livre paru en 2017, parce que parmi les livres que je lis il représente une voix singulière, une sorte de voix de la nuit, du reste plus une nuit physique que mystique. Cependant, le mystère de la nuit de l’auteur me reste énigmatique. Je n’ai pas percé le secret du livre, ce qui en un sens est signe de richesse et de profondeur. Ainsi, la nuit ici est pensée comme une nuit d’insomnie, une nuit qui viendrait buter sur l’éveil, un éveil du petit matin, un éveil du rêve, un éveil du cauchemar brûlant au milieu du sommeil.

La révélation est peut-être là, dans la question du sommeil, dans l’intrigue de dormir, sachant que dormir est sujet à fables, à récits, et que la manière de s’endormir prête au dormeur plusieurs questions renouvelées par le cycle de la léthargie, de l’appesantissement charnel de l’obscurité. La nuit se constitue dès lors comme moment défini par ce qui lui fait limite, finalité, comme le blanc s’oppose au noir, la forêt à la clairière, l’ombre comme fin de la lumière, crépuscule qui découpe le jour.

Idiotie, Pierre Guyotat (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 21 Décembre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Idiotie, Pierre Guyotat, Grasset, août 2018, 256 pages, 19 €

 

Récit organique

Je suis un peu impressionné d’écrire sur le dernier livre de Pierre Guyotat, livre qui a reçu d’importants prix littéraires et qui provient d’un écrivain que l’on sait à la fois secret et très exigeant. Décrivons juste le déroulement du récit – un peu comme s’il fallait parler de cinéma ou de théâtre tant les actions du livre sont images et voix. Nous commençons par la fugue de l’auteur à Paris depuis Lyon. Là, on suit l’itinéraire d’un fugueur pauvre qui se nourrit essentiellement de pain et d’huile, et vit dans un monde un peu interlope, celui des prostituées et de leurs souteneurs. Puis vient la guerre d’Algérie qui commence par une sorte de scène de torture exercée contre Pierre Guyotat lui-même, laquelle forme le décor brutal de ce départ indésiré. Indésirée aussi la réclusion au cachot en Algérie. Et vers la fin de l’ouvrage, l’auteur trouvera une issue à ce qui est le fond disons, organique, de sa quête, dans la consommation de l’acte sexuel.

Deuil pour deuils, Christophe Stolowicki (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 10 Décembre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Deuil pour deuils, Christophe Stolowicki, éd. Lanskine, octobre 2018, 88 pages, 14 €

Amours mortes

Que retenir du deuil ? C’est là une question universelle. Et dans le dernier livre de Christophe Stolowicki, on réfléchit au fur et à mesure sur le temps qui dépasse le deuil, celui de la mort de sa compagne allant jusqu’aux morts de la Shoah. Cela dit, le deuil fait, il reste à construire un livre de petits paragraphes avec parfois de simples aphorismes. Ainsi, cet amour qui se vit dans le chagrin de la perte de l’aimée s’apparente aux amours mortes qui peuplent la littérature, même si peut-être ici, la douleur n’est pas de papier mais de sang. Donc ne pas hésiter à ne pas comprendre les formules creuses qui accompagnent souvent un disparu, mais faire avec cette disparition une description presque en creux de celle qui ne reste pas, et qui laisse sombrer l’autre dans la douleur. L’insanité n’est d’ailleurs pas exclue et fait partie du protocole de la disparition. Donc, c’est une vision du deuil réaliste, qui a le mérite d’être une déploration de celle qui fut, mais évoquée sans pathos ni exagération. Ce portrait de l’aimée s’accompagne d’une écriture tendue vers le sensible et le corps, qui n’hésite pas à emprunter la voix du jazz ou la voie des plaisirs du vin par exemple. On devine ainsi la femme morte derrière ce qu’en rapporte l’auteur, au sujet de photographies de celle qui fut mannequin puis styliste, cependant sans aucun alourdissement, ni passion pathétique ; et justement, il me semble, grâce à ce qui compose la vie, à ce qui s’oppose à mourir : la musique, le vin, la littérature.