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Roman

Tallien, une brève histoire d’amour, Frederic Tuten (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 08 Mars 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Stock

Tallien, une brève histoire d’amour (Tallien, A Brief Romance, 1988), trad. américain Pierre Girard, 162 pages . Ecrivain(s): Frederic Tuten Edition: Stock

 

Faire sourire avec une des tragédies de l’Histoire, Frederic Tuten l’avait déjà fait une quinzaine d’années avant ce roman, dans Les aventures de Mao pendant la Longue Marche. Cette fois, c’est la Révolution française qui sert de cadre principal à ce roman, certes souriant mais aussi, paradoxalement, terrible. Le déplacement de la réalité historique vers la fiction permet de rendre légers et drôles certains événements mais, comme un bruit de fond, la tragédie de l’Histoire résonne avec son lot d’effroi – de Terreur au sens du terme en 1792.

Le narrateur de cette fiction (Frederic Tuten prend bien soin de nous dire qu’il a pris ses aises avec la rigueur historique), homme du XXème siècle récent, a été nourri au biberon de la révolution par un père révolutionnaire convaincu, né dans le Sud profond, et dont l’hymne est L’Internationale. Et, il faut le dire, haut en couleurs ! Peut-être Tuten a-t-il pensé au personnage de grand-père Gant dans Look Homeward Angel de Thomas Wolfe ? Héros quasi mythique de son jeune fils, le papa est un personnage tonitruant, bouillant, et surtout… socialiste ! Mais attention, pas marxiste dit-il sur son lit de mort.

Dans la tanière du tigre, Nicolas Idier (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 04 Mars 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Stock

Dans la tanière du tigre, janvier 2022, 300 pages, 20 € . Ecrivain(s): Nicolas Idier Edition: Stock

 

« Reclus dans ma chambre de luxe, avec son ventilateur au plafond digne d’India Song de Marguerite Duras, je sens cette vibration permanente que rien n’arrête. Immobile, séquestré dans un palace, à l’agonie, j’intègre Delhi à mon système nerveux. Le virus de la ville est inoculé. Je me sens capable de sortir d’ici ».

Depuis le premier février, nous sommes entrés dans le Nouvel An Chinois et dans l’année du Tigre d’Eau. Un Tigre plus sage que les autres Tigres de l’astrologie chinoise, mais tout aussi fort, associé à l’eau, il annonce une année de transformations, de maturité et de profondes émotions. Le nouveau roman de Nicolas Idier est à sa manière un Tigre d’eau. La tanière où se glisse cet impressionnant roman d’émotions profondes, n’est pas chinoise mais indienne, mais les Tigres y règnent. C’est une Inde en feu que découvre le diplomate, il y marche sur les traces des grands écrivains voyageurs, qui s’éprennent de la vie qu’ils découvrent, tout en témoignant des horreurs qui assombrissent leur ciel. Un feu alimenté par le nationalisme électrisant de Narendra Modi, qualifié de « boucher de Gujarat » où des indouistes fondamentalistes ont massacré plusieurs centaines de musulmans en représailles à l’incendie criminel d’un train de pèlerins hindous.

Un été de glycine, Michèle Desbordes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Lundi, 28 Février 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Verdier

Un été de glycine, Michèle Desbordes, 108 pages, 13 € Edition: Verdier

Il serait impossible de classer ce livre dans un genre. Essai, un peu. Biographie, un peu plus. Roman, peut-être. L’auteure nous dit une passion. Une passion folle, dévorante, obsessionnelle, amoureuse. Sa passion pour un homme, qui hante sa vie. Il s’appelle William Cuthbert Falkner, dit William Faulkner. Il a écrit des livres. Elle a lu ses livres. Un amour fou qui, pour se dire vraiment, doit emprunter les mêmes voix que son objet, l’écriture.

Michèle Desbordes se livre à un exercice virtuose de tressage de trois fils : les œuvres de Faulkner – en particulier Lumière d’août – la vie de Faulkner et, plus légèrement, presque de façon allusive, comme le fil le plus ténu, elle-même dans son rapport aux œuvres de Faulkner.

L’univers romanesque de Faulkner est le fil majeur de la tresse. Ses personnages reviennent en antienne, obstinément : Sutpen, Comson, Coldfield, et cette jeune fille, comme un fantôme errant, qui marche, avec son bébé dans le ventre, en cet été de glycine, pour aller à la quête de l’homme qui en est le père, « celui dont le nom a les mêmes initiales que Notre Seigneur », J.C., Joe Christmas, le mulâtre. Scène inaugurale de Lumière d’août qui revient comme le refrain d’une chanson douloureuse.

La mort sur ses épaules, Jordan Farmer (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 18 Février 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Rivages/noir

La mort sur ses épaules, Jordan Farmer, janvier 2022, trad. anglais (USA) Simon Baril, 350 pages, 20 € Edition: Rivages/noir

 

La coopération entraîne a fortiori l’assistance, mais elle est bien plus et, par conséquent, autre chose que l’assistance

(Eugène Trébutien, Cours élémentaire de droit criminel, Paris, Auguste Durand, 1854)

 

Les récidivistes

Dans La mort sur ses épaules, il ne reste presque plus rien de l’American way of life et du Home, Sweet Home (Foyer, doux foyer). Seulement un paysage sinistré et apocalyptique de l’arrière-pays américain et de ses laissés-pour-compte. Le boom économique des années 60 a fait place à une misère innommable à Lynch, petite ville d’un état enclavé et montagneux de la Virginie-Occidentale, dont la principale ressource venait des mines de charbon bitumeux, jadis un fief du mouvement ouvrier.

« Les mines fermaient les unes après les autres et (…) dans dix ans, on ne verrait plus la moindre voiture par ici. La forêt reprendrait ses droits et recouvrerait l’asphalte ».

Anéantir, Michel Houellebecq (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Jeudi, 17 Février 2022. , dans Roman, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Anéantir, Michel Houellebecq, Flammarion, janvier 2022, 736 pages, 26 €


Imaginez… Si l’on faisait des dégustations de livres comme on en fait pour le vin. Sans mention ni du nom de l’auteur, ni de l’éditeur, ni du titre. L’idée m’a toujours séduite, mais personne ne s’y est jamais risqué tant serait mise à mal la mythologie du Grand Ecrivain, sans parler de la médiocrité de beaucoup d’autres qui sont portés aux nues littéraires par une critique hypocrite et complaisante.

Si l’on soumettait à ce jeu le dernier Houellebecq, encensé avant même sa parution par une pléthore de journalistes et télévisions qui vantent sa couverture en carton martelé et le papier choisi par l’auteur pour « ne pas jaunir avec le temps », en supputent le contenu en se limitant à la quatrième de couverture et lui prédisent d’emblée un succès mondial (1), saurait-on que c’est du Houellebecq ? Pourrait-on encore fanfaronner que c’est notre « grantécrivain » hexagonal, « la star des lettres » « possédant la grandeur d’un Balzac » ? A mon avis, non. C’est du foutage de gueule, de la fake news marketing.