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Recensions

Lorraine brûle, Jeanne Rivière (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 05 Février 2025. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Lorraine brûle, Jeanne Rivière, Gallimard, Coll. Sygne, janvier 2025, 182 pages, 19 € Edition: Gallimard

 

Comment être au monde autrement, comment éviter le piège du conformisme rassurant mais ennuyeux ? Ce sont ces questions auxquelles tente de répondre l’auteure dans ce roman qui met en scène une narratrice qui semble toujours au bord du gouffre, sans cesse en quête d’un sens qui tarde à se faire jour, une quête perpétuelle pour échapper au pire, le piège du quotidien, du couple, de la famille…

Nous sommes, comme le titre le suggère, en Lorraine. La narratrice y vit, et la décrit d’une façon qui laisse peu de place au doute : « Metz ici Metz. On aime le crade. On érige le trash en esthétique. La turpitude est notre maison mère. On se pose des lapins, on se ment, on prend de la drogue en cachette. On fait des fanzines avec des emballages de boîtes de méthadone, on met en scène des cures de désintox. On a la gueule de bois rien qu’en passant devant un bar. On flirte un peu trop avec la mort ».

Monsieur William, Dominic K. (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 04 Février 2025. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse

Monsieur William, Dominic K., Editions Les Petites Moustaches, juin 2024, 96 pages, 14 €

 

La maison d’édition Les Petites Moustaches a créé la Collection 22H24 (en 2024) à partir d’un fait aussi réel que déconcertant : la porte d’entrée de l’éditrice craque chaque jour à 22h24.

A partir de cette information, l’auteur Dominic K. donne naissance au personnage de Monsieur William, 48 ans, encadreur de métier, qui habite dans une petite ville de l’Aquitaine, en bord de Garonne. Son quotidien est aussi réglé, aussi ascétique, que sa solitude semble profonde. Non pas qu’il soit parfaitement isolé : sa fille Jennifer lui rend régulièrement visite. Néanmoins, elle aura l’occasion de sentir l’inquiétude grandir face à l’obsession de son père, pour qui il deviendra impossible de voir ou d’entendre autrement qu’à travers son unique point de vue. Bien qu’ayant un ami lui suggérant de briser cette solitude rigide, Monsieur William ne semble, au long de son aventure intérieure, voué qu’à une seule compagne : sa porte d’entrée qui, chaque soir, craque de manière similaire et rigoureuse à 22h24. Tout en restant quelque peu préoccupé par sa santé, il développe une fidélité telle à ce phénomène qu’il lui paraît impensable d’être absent de sa maison à l’heure fatidique. Devient-il fou ?

L’après-exil, Georges-Arthur Goldschmidt (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 03 Février 2025. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Récits, Verdier

L’après-exil, Georges-Arthur Goldschmidt, éd. Verdier, janvier 2025, trad. allemand, Jean-Yves Masson, 96 pages, 18,50 € Edition: Verdier

 

Les deux frères Goldschmidt, Juifs allemands, Erich, et son cadet de quatre ans, Georges-Arthur, ont dû quitter le pays natal et ont connu dès les années 1938/1939 l’exil. Plus de quatre-vingts ans après les faits, le second, devenu écrivain, relate cette période sombre où il faut fuir l’Allemagne, devenue meurtrière pour la communauté juive, et trouver refuge, d’abord en Italie, à Florence, puis en France, du côté de Chambéry.

Les toutes premières pages contribuent à cerner de manière précise, complexe, cette notion d’exil que l’auteur va véritablement éprouver dans sa chair d’exilé. Il faut, pour l’auteur de ces pages, passer au crible des définitions les seuls mots d’exil et d’après :

« Quiconque a été contraint à l’exil n’en sort plus de toute sa vie » (p.9).

« Vu de l’extérieur, l’exil semble être un événement anodin, minuscule, mais après lequel tout est irrémédiablement terminé » (p.14).

Rouge, Hovik Afyan (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Vendredi, 31 Janvier 2025. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman

Rouge, Hovik Afyan, éditions La Peuplade, octobre 2024, trad. arménien, Anahit Avetissian, 159 pages, 20 €


La quatrième de couverture le dit : ce texte est une histoire de rêves et de souffrances. Il a été publié un mois après la fin de la deuxième guerre du Haut-Karabakh, ce qui éclaire de nombreux aspects de cette histoire, qui mêle un imaginaire « naïf » de prime abord et des drames liés à la guerre. Ce roman peut être lu comme un témoignage des comportements en temps de guerre, mais également comme une ode à une culture, des traditions mises en danger par l’ennemi dont le but, dans cette guerre oubliée, n’est autre que l’effacement pur et simple de toute trace arménienne sur des terres arméniennes depuis trois millénaires. Le Haut-Karabakh est aujourd’hui azerbaïdjanais…

Contes des dieux et déesses du bout du monde, Guillaume Olive, He Zhihong (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 31 Janvier 2025. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse, Seuil Jeunesse

Contes des dieux et déesses du bout du monde, Guillaume Olive, He Zhihong, Seuil jeunesse, novembre 2024, 176 pages, 21,90 € Edition: Seuil Jeunesse


Cosmogonie

Ce beau roman jeunesse de dix contes lointains est conçu par Guillaume Olive, né en 1972, sinologue formé à l’École pratique des hautes études, et illustré par son épouse, He Zhihong, diplômée des Beaux-Arts de Pékin, qui a également inventé une méthode multimédia d’apprentissage de la calligraphie chinoise en livre-cédérom. Ces légendes humanistes sont celles de peuplades vivant au sein de continents isolés, d’îles entourées d’océans et de mers gigantesques. Les jeunes lectrices et lecteurs s’approprieront des croyances et des imaginaires autres.

Des dieux et des déesses produisent des cosmogonies à partir de terres vierges, devenant des paradis. Pourtant, parmi cette nature luxuriante, est tapi l’esprit du mal, qui va semer la destruction et la mort. L’on y verra la métaphore des fléaux et de la guerre. Cette anthropogonie provient des récits des grands ancêtres australiens et polynésiens. Les évocations de Guillaume Olive sont poétiques, servies d’expressions lyriques, de noms savants pour des espèces parfois inconnues.