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Les Livres

La Mille et Deuxième Nuit, Théophile Gautier

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 27 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard), Contes

La Mille et Deuxième Nuit, mai 2016, 112 pages, 2 € . Ecrivain(s): Théophile Gautier Edition: Folio (Gallimard)

 

Les éditeurs choisissent souvent de republier des œuvres d’auteurs tombés dans le domaine public, en les combinant différemment. La prolifique collection Folio 2 euros s’inscrit dans ce projet, avec ce recueil de quatre nouvelles de Théophile Gautier, extraites de Romans, Contes et Nouvelles (Bibliothèque de la Pléiade), qui porte le titre intrigant de l’une d’entre elles, La Mille et Deuxième Nuit. Si les sources d’inspiration et les modes d’énonciation des nouvelles sont variés, en revanche l’ensemble présente une unité thématique, celle du double.

Le premier récit, intitulé Laquelle des deux, conte l’amour irrépressible du narrateur pour deux femmes anglaises, une brune et une blonde, qu’on dirait jumelles.

Deuxième conte de la série, La Chaîne d’or revisite le mythe de Jason et la Toison d’or. L’épreuve consiste ici à rapporter une chaîne d’or monumentale appartenant à une ancienne hétaïre aimée. Le navire équipé pour la quête porte le nom d’Argo et les références à la mythologie antique sont nombreuses : « Demander la chaîne de Bacchide, c’était demander quelque chose d’aussi impossible que d’apporter la mer dans un crible : autant eût valu exiger une pomme d’or du jardin des Hespérides ».

Entre les notes de Bach, Jean-Pierre Grivois

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 27 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Biographie, Héloïse D'Ormesson

Entre les notes de Bach, juin 2016, 348 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Grivois Edition: Héloïse D'Ormesson

 

Comment s’insinuer dans l’intimité d’un grand musicien ? En recréant son parcours, à partir de données biographiques et musicologiques, et en se mettant à la place de l’intéressé pour nous délivrer le récit, celui de sa vie. C’est ce que parvient à faire de façon fort plaisante Jean-Pierre Grivois dans son ouvrage Entre les notes de Bach. Le lecteur parvient très vite à déceler les grands traits de l’éducation de Jean-Sébastien, ses grandes orientations morales, et donc religieuses, car à l’époque, l’une ne peut difficilement être évoquée sans l’autre. Ainsi, de sa foi luthérienne : « Nous connaissions par cœur les textes des chorals de Luther et de ses disciples. Les mélodies sur lesquelles nous les chantions, répétées si souvent, m’envoûtaient ». Très vite, au cours de son parcours de musicien, le devoir de la défense et illustration de la foi va s’imposer comme une priorité permanente : « Certes, l’étude de Luther et la théologie m’intéressaient, mais surtout de leur relation à la musique, des correspondances entre la Bible, les écrits et la pensée religieuse de Luther ; les mélodies des chorals ».

Cette conviction lui permet, entre autres, d’être nommé maître de chapelle à Köthen en 1717, car le Prince énonce que la sauvegarde de la liberté de conscience lui est chère, ainsi qu’à tous ses sujets, ce qui séduit Bach…

Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon aujourd’hui, Pierre-François Souyri

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Lundi, 26 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard, Histoire

Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon aujourd’hui, mai 2016, 496 pages, 25 € . Ecrivain(s): Pierre-François Souyri Edition: Gallimard

 

 

Lire Pierre-François Souyri, c’est (re)lire l’Histoire du Japon avec un grand H. Dans son nouveau livre, Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon aujourd’hui, l’histoire récente montre au contraire que la modernité telle que nous la concevions n’était que l’un des aspects particuliers d’un phénomène mondial. L’histoire du Japon montre que la naissance au monde moderne ne fut pas simplement imposée de l’étranger, comme « revêtement superficiel, un ravalement extérieur, un barbouillage de façade », comme l’écrivit Shiga Shigetaka dans le manifeste de la nouvelle revue Nihonjin (1888). Mais vécue comme une construction à résister à une hégémonie culturelle, à une puissance militaire, grâce à un mouvement modernisateur issu des profondeurs de la société japonaise elle-même, accompagnant « la réforme des esprits » par différentes réformes administratives.

Elles deux, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 26 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Elles deux, 50 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Espaces 34

 

« Deux vies »

La courte pièce d’Emmanuel Darley, Elles deux, est un triptyque du temps : le temps de l’avenir rêvé de l’adolescence d’abord, ensuite celui du passé qui sépare les êtres en chemin et enfin celui du temps de la mémoire qui s’efface. La vie de deux filles qui ne font qu’une (1), celle de Pouffe et de Glousse qui disparaît (2), et celle de « deux vieilles assises » en quête de leurs souvenirs (3).

Elles deux sont des copines, indissociables, comme des sœurs siamoises de la langue et de la grammaire et de la dramaturgie : Daley écrit pour la première réplique la didascalie ELLES pour désigner ces personnages, reprend souvent l’adverbe « ensemble » ou encore « l’une et l’autre » (p.12) ; leur donne la parole à travers le pronom « on ». Un metteur en scène pourrait très bien faire tout aussi bien dire le texte à une seule voix ou deux voix, qui prendraient en charge telle ou telle partie, de manière interchangeable. Emmanuel écrit deux fois la même page, au mot près. Gémellité des voix dramatiques (p.20.21.22). Les deux filles aiment paresser sous la couette, choisir leur tenue ensemble, se dire « tout pareil ensemble on fera » (p.11). Elles rêvent de travailler pour le cinéma, le théâtre, le monde du spectacle : devenir maquilleuse, costumière, chanteuse.

L’administrateur provisoire, Alexandre Seurat

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 24 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, La Brune (Le Rouergue)

L’administrateur provisoire, août 2016, 182 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Alexandre Seurat Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Très beau livre, grave, que ce second roman d’Alexandre Seurat, dont le sujet a priori semble classique, car inhérent à notre Histoire et, par là, résonnant souvent en littérature. Une famille ; l’un des siens, un arrière-grand-père de celui qui parle, a collaboré pendant la guerre, en travaillant pour le Commissariat aux questions juives ; condamné par une décision de justice posthume. Le secret, par la suite, déguisé souvent en oubli, voire en déni, a recouvert les traces des faits. Comme l’effacement ou l’enfouissement de la marée montante. Le jeune descendant soulève les voiles en creusant une batterie de questions : qu’a fait cet arrière-grand-père ? Comment, quand et contre qui ? A quelle hauteur placer son action, son crime, bien sûr, sa responsabilité ? Et au final, qui était cet homme : « bon, dit-il, c’était un bigot, il était d’une certaine époque, voilà… » ? Creuser, comme avec un bistouri qui va charcuter, faire mal, évidemment, et pour autant, éliminer une tumeur dangereuse, celle qui, en goutte à goutte, attaque le tissu familial ; cancer qui a déjà fait une première victime, le frère du narrateur : « hanté par la Shoah, quand il rentre de sa visite d’Auschwitz avec sa classe de lycée, possédé par la haine, un désir de vengeance… ».