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Les Livres

A l’avant-garde des ruines, Christophe Bregaint

Ecrit par France Burghelle Rey , le Lundi, 22 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

A l’avant-garde des ruines, éd. du Pont de l’Europe, avril 2017, 66 pages, 10 € . Ecrivain(s): Christophe Bregaint

 

En forme d’exergue à son dernier recueil, Christophe Bregaint, comme pour annoncer sa démarche, reprend son titre en majuscules agressives écrites au feutre noir. « Aride » est, en effet, l’adjectif qu’il choisit pour incipit et qui aura pour écho le dernier mot du livre : « décousu ». Reste à apprendre en lisant celui-ci de quelles « ruines » il s’agit dans le mouvement d’un corps et d’une pensée en marche dès les premiers textes : « Ces évidences / Fuient / L’esprit / Pour / d’autres / Routes où / Se tiennent / Les entrailles / de l’obscurité / / Au garde- à-vous ». Alors suit, dans ce cheminement, hasardeux, la mise en place d’un champ lexical mortifère qui n’empêche pas la recherche d’une identité, voire d’une renaissance.

Le rythme des vers brefs mime parfaitement le cahotement de la route où l’on finit « Par émacier l’horizon ». Cette expression qui, comme d’autres, concrétise l’idée tout en provoquant la surprise est révélatrice de la sensibilité de l’auteur qui reprend à son compte à la fois la dure réalité de l’existence et le poids de la destinée humaine. Ainsi peut-on lire plus loin : « Tout le poids / Des ombres / / Au-dessus / De la fosse / Aux croyances ».

Paris Prévert, Danièle Gasiglia-Laster

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 20 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard, Arts

Paris Prévert, 288 pages, 39 € . Ecrivain(s): Danièle Gasiglia-Laster Edition: Gallimard

 

L’album (couverture cartonnée ; objet artistique par les couleurs choisies, la photo célèbre de Doisneau, Pont de Crimée, 1955, en couverture et toutes les autres ; la hauteur et la largeur du volume) que l’auteure consacre à notre cher Prévert est une splendeur.

Complexité des témoignages, des outils, des informations, de la recherche documentaire, filmologique et photographique, des sources nombreuses, des approches, de la « vision » par une auteure talentueuse d’un poète-scénariste unique, souvent décrié par des incultes, souvent remisé au placard des réputations surfaites, le livre que l’on tient en mains éclaire admirablement la figure elle-même complexe, plurielle, nombreuse de Jacques Prévert (1907-1977).

Arrêtons-nous sur un parcours « unique » qui traverse le siècle francophone par deux biais surtout, la poésie (et la chanson) et le cinéma. Carné, Arletty, Gabin, Morgan, Brasseur, Ledoux, Robin, Reggiani, Montand, tant d’autres figures qui ne peuvent quitter nos rétines : cela, nous le devons à Prévert, à ce scénariste de ces films magiques, du réalisme poétique (selon l’expression consacrée) : Quai des Brumes, Le jour se lève, Les enfants du paradis, Les portes de la nuit, entre autres.

Le vertige des falaises, Gilles Paris

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 19 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Plon

Le vertige des falaises, avril 2017, 244 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Plon

Du Gilles Paris, de ses beaux romans qu’on connaît : fine plongée dans les ressentis et les mécanismes de ces animaux parfois étranges qui marchent à nos côtés : les enfants. Univers cerné – lieux, familles, amis – à la perfection par une écriture des plus ciselées. Récit-roman, à moins que le contraire, qui ficelle son lecteur pour quelques heures passionnées… Mais, ici, s’ajoute un autre Gilles Paris, qu’il annonce lui-même en postface : « relecture de – la maison biscornue – d’Agatha Christie, où j’ai emprunté le prénom d’Aristide, la digitaline et sans doute un zeste de suspens ». Un autre donc, et puis le même ; que du bonheur pour nous.

Une île dans l’Atlantique. Dessin si propre à l’insulaire de cercles, de ricochets dans l’eau, de monde fermé, emprisonné ? et pour autant ouvert à tous les vents, donc à tous les possibles. On veut imaginer quelque chose du côté des îles anglo-normandes, pas si loin du « Continent » bien qu’au grand large, de fait. On garde le droit de poser ailleurs son imaginaire – aucune géographie ne nous étant imposée – jusqu’en Irlande, en Amérique pourquoi pas : la fille-héroïne ne s’appelle-t-elle pas Marnie « à cause d’un film du gros chauve Hitchcock… mon nom est Marnie de Mortemer. J’ai quatorze ans. Mon pays n’a rien à voir avec celui des Merveilles… J’ai quatorze ans, j’ai cent ans, peu importe, je sais des choses… ».

Débile aux trois quarts, Patrice Maltaverne

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 19 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gros Textes

Débile aux trois quarts, 2017, image de couverture Cathy Garcia, 70 pages, 10 € . Ecrivain(s): Patrice Maltaverne Edition: Gros Textes

 

Ce qui est bien dans les textes de Patrice Maltaverne, c’est leur côté abrasif qui récure un réel triste à décaper, et ça décape d’autant plus que les mots frottent leurs particules contre les surfaces entre les lignes. Débile aux trois quarts, « c’est de la cuvée 2007 » m’apprenait l’auteur. Or les textes ici rassemblés – publiés pour certains dans les revues ou webzines : Expression Les Adex, La belle-mère dure, Microbe, Le Grognard, Anthologie Parterre Verbal, La Feuillue hivernale, La Tribune du Jelly Rodger – ont gardé une saveur d’actualité intacte et roborative dont il serait salutaire de parfumer les heures politiques actuellement chaudement médiatisées, en ces temps dirigés par les élections présidentielles. Et il n’y va pas de poésie morte, Maltaverne ! Le cocktail qu’il nous offre fortifie une actu’ lénifiante, remonte d’un cran l’araignée pour laquelle, par esquive, on s’était pris d’amitié histoire de lézarder encore un peu plus ce réel de désordre d’apparats dans l’abîme des plafonds, nous stimule la moelle là où le spectacle contextuel nous remplit d’air vide exténuant. Cocktail ? – À point nommé – Pris dans Un p’tit jardin pour les cons – A l’orée de la fête du troupeau grégaire, où notre bébette rugit à son piquet tandis que tous dorment comme des nazes

A Mi-Chemin, Sam Shepard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, Pavillons (Poche)

A Mi-Chemin, août 2016, trad. américain Bernard Cohen, 202 pages, 8 € . Ecrivain(s): Sam Shepard Edition: Pavillons (Poche)

 

Nul doute que Sam Shepard soit un nouvelliste exceptionnel. On entend dans ses récits la paternité de Raymond Carver par son art d’une sobriété époustouflante et celle du Montana, dans sa passion dévorante pour la nature et les grands espaces. Les nouvelles rassemblées ici condensent son talent de conteur de coupes de vie, serties dans des moments, des situations improbables.

Ce recueil nous offre 18 nouvelles courtes dans lesquelles, avec une énergie et une tension permanentes, Shepard brosse un monde peuplé d’hommes rudes et fiers, de femmes qui ne le sont pas moins, dans des cadres naturels sauvages et solitaires. Un monde où les animaux, chevaux, chiens, chèvres, tiennent une place éminente aux côtés des humains, une place où ils sont des êtres à part entière, nobles et sacrés. Ainsi dès la première nouvelle, Le Guérisseur, cette scène splendide avec un cheval indomptable :

« Sur son dos, les muscles ondulaient comme des couleuvres. Des coulées de sueur noire sortaient de sa crinière. J’avais dans le nez l’odeur de la peur, aussi forte que celle d’un rat mort dans une mangeoire. Peur animale et peur humaine, entremêlées ».