Débile aux trois quarts, Patrice Maltaverne
Débile aux trois quarts, 2017, image de couverture Cathy Garcia, 70 pages, 10 €
Ecrivain(s): Patrice Maltaverne Edition: Gros Textes
Ce qui est bien dans les textes de Patrice Maltaverne, c’est leur côté abrasif qui récure un réel triste à décaper, et ça décape d’autant plus que les mots frottent leurs particules contre les surfaces entre les lignes. Débile aux trois quarts, « c’est de la cuvée 2007 » m’apprenait l’auteur. Or les textes ici rassemblés – publiés pour certains dans les revues ou webzines : Expression Les Adex, La belle-mère dure, Microbe, Le Grognard, Anthologie Parterre Verbal, La Feuillue hivernale, La Tribune du Jelly Rodger – ont gardé une saveur d’actualité intacte et roborative dont il serait salutaire de parfumer les heures politiques actuellement chaudement médiatisées, en ces temps dirigés par les élections présidentielles. Et il n’y va pas de poésie morte, Maltaverne ! Le cocktail qu’il nous offre fortifie une actu’ lénifiante, remonte d’un cran l’araignée pour laquelle, par esquive, on s’était pris d’amitié histoire de lézarder encore un peu plus ce réel de désordre d’apparats dans l’abîme des plafonds, nous stimule la moelle là où le spectacle contextuel nous remplit d’air vide exténuant. Cocktail ? – À point nommé – Pris dans Un p’tit jardin pour les cons – A l’orée de la fête du troupeau grégaire, où notre bébette rugit à son piquet tandis que tous dorment comme des nazes
« Allez on s’endort
Sur la piste
En ce samedi de l’an un
Des huns
Nous on a déjà
Pris de la bière
Pour des lanternes
Alors vos lueurs
On peut les foutre
Au frontispice
Des pisseuses
Mais… Dieu
Qu’elles se bénissent
Ou qu’elles baisent
Fais les danser
Avec un cerceau rouge
Au milieu de leur chouette
Nombril
Pour la couleur
Si ça vous embête pas
Moi j’ai déjà le bleu
Vous savez
L’eau froide giclant
Sur vos têtes
De pas drôles »
« Cotton Machine »
Cocktail ? – Celui qu’il faut, tonique mais pas « binge drinking » pour ne pas être contrôlé par le troupeau, intolérant, sectaire,
« C’est à cause de la politique
Que ça a commencé
J’avais des choses à dire
Alors j’ai eu droit
A mon sparadrap la la »
« Trop tarte »
– Cocktail qui revigore le bon sens : « De Dieu / Tout le monde se fiche / S’il s’est réfugié dans le ciel / C’est pour que personne ne vienne le chercher » – Cocktail qui nous conforte dans notre tête de jamais « contentporien » contemplant leur « Total bonheur »
« Chez Total
Ils offrent des œufs de Pâques
Aux automobilistes
Qui viennent faire leur plein
L’élevage a lieu derrière les pompes
Et si jamais des relents de pétrole
Encombrent un peu les poules
Qu’elles finissent mal leur travail
La vendeuse barbouille tout ça de rouge
Après ses lèvres
Tout le monde est content
Oui
Tout le monde est content
Chez Total »
Le paradoxe de l’œuf et la poule fait le succès de notre cocktail de marginaux qui eux (y) regardent les étoiles (« Il veut voir les étoiles / s’égoutter de sa lunette en plastique » ; « Y a que des gamins pour admirer les étoiles » : on est des Jean-Marc Couvé, dédicataire de ces deux textes sur les étoiles astiquées par nous « loin du populus »), qui eux n’iront pas se lever trop tôt pour le turbin chronophage, qui eux en ont fini avec cette foire à paroles / Sur l’écran télé, qui eux voyageront à l’écart des frontières bien arrêtées… De qui a fait l’œuf, de qui a fait la poule, on s’en tape car, pourquoi vouloir tenir la solution quand, riche de rien et des bouts de tout, il suffit pour vivre d’ouvrirquelques pages… Les bonnes, les vivifiantes, les rameutant nos petites étoiles fraternelles pour se frayer un passage au milieu du décalage des choses pas à leur place pour que s’immisce le paradis, et sur la terre des hommes pardi, loin de l’esbroufe, si sympathique quand elle est réduite à ses plus petites erreurs…
Tonique !
Murielle Compère-Demarcy
* Les caractères en italiques sont extraits des textes de Débile aux trois quarts
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