Paris Prévert, Danièle Gasiglia-Laster
Paris Prévert, 288 pages, 39 €
Ecrivain(s): Danièle Gasiglia-Laster Edition: Gallimard
L’album (couverture cartonnée ; objet artistique par les couleurs choisies, la photo célèbre de Doisneau, Pont de Crimée, 1955, en couverture et toutes les autres ; la hauteur et la largeur du volume) que l’auteure consacre à notre cher Prévert est une splendeur.
Complexité des témoignages, des outils, des informations, de la recherche documentaire, filmologique et photographique, des sources nombreuses, des approches, de la « vision » par une auteure talentueuse d’un poète-scénariste unique, souvent décrié par des incultes, souvent remisé au placard des réputations surfaites, le livre que l’on tient en mains éclaire admirablement la figure elle-même complexe, plurielle, nombreuse de Jacques Prévert (1907-1977).
Arrêtons-nous sur un parcours « unique » qui traverse le siècle francophone par deux biais surtout, la poésie (et la chanson) et le cinéma. Carné, Arletty, Gabin, Morgan, Brasseur, Ledoux, Robin, Reggiani, Montand, tant d’autres figures qui ne peuvent quitter nos rétines : cela, nous le devons à Prévert, à ce scénariste de ces films magiques, du réalisme poétique (selon l’expression consacrée) : Quai des Brumes, Le jour se lève, Les enfants du paradis, Les portes de la nuit, entre autres.
Paroles, en 1945, va donner une dimension nouvelle à Prévert, celle d’un poète vite popularisé par le succès de son recueil le plus célébré.
Mais les effets réducteurs, les clichés, les topos risquent souvent de ne donner de ce grand poète qu’une image banalisée et tronquée. Gasiglia offre avec son lourd volume d’hommage à l’auteur de Paroles une traversée poétique et parisienne. Paris, c’est Prévert et Prévert, c’est Paris : oui, il y a de cela, et l’on pourrait le faire avec Doisneau, Izis, Carco et quelques autres, tant l’ancrage de la ville-lumière éclaire, nuance notre connaissance du très grand Jacques.
Comme les grands textes du poète sont conviés pour illustrer la démarche, comme les grandes photographies lui consacrées ne sont pas en reste, le lecteur, émerveillé, ne peut que grappiller avec délectation la richesse proposée : une chronologie rigoureuse nous entraîne dans les divers Paris qui ont surgi parallèlement au devenir du poète ; une iconographie, disons-le exceptionnelle, véhicule toutes les images et visions historiques et documentaires d’une époque. Egales à la beauté – très grande – des textes de Prévert (qui rime sans rimer, qui fait aimer l’amour, l’humanité etc.).
Vingt-cinq grands lieux de Paris ponctuent le voyage en grande prévertie : l’occasion donnée de se rendre compte à quel point la ville et l’homme sont fusionnels, complémentaires. Et l’on apprend beaucoup de ces échanges : le lecteur apprend à chaque page, et ému, il ressent, à l’aune du poète et de ses émotions, le cruel « saccage » d’un Paris qui évolue.
« Et la fraîcheur du monde
Est là tout endormie », dit-il de Paris, dans le courant de ses amoureux, dans le fil de nos émotions.
Ce livre vaut la lecture pour mille raisons que ce tout petit article est vraiment loin d’avoir pu, décemment, énoncer.
Une PERLE.
Philippe Leuckx
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