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Les Livres

Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 05 Octobre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Fata Morgana

Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin, juillet 2020, dessins Alexandre Hollan (80 pages/15 €, et 64 pages/14 €) Edition: Fata Morgana

 

En mémoire du passé

L’écriture volontairement précieuse et au rythme subtil de Pierre Voélin permet de faire comprendre comment la vie tue au nom du passé – entre autres, de la Shoah. Il s’agit alors d’avancer avec « à la bouche ce goût de solitude /et sur l’épaule un pâle chandail de cendres ». Existe ainsi dans l’œuvre une extraordinaire beauté marmoréenne : « Visage sous le masque – tombe de calcaire où vient battre la lumière criblée //L’amour impur te cherche dans les ruines », preuve que la poésie ne se tient pas hors du « claptrap » (James McNeil Whistler), et refuse l’art pour l’art. Le goût de la ruine n’est là que pour souligner les émotions et devient en quelque sorte le stimulant de la vie.

Wuhan, ville close. Journal, Fang Fang (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 05 Octobre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Wuhan, ville close. Journal, Fang Fang, traduit du chinois par Frédéric Dalléas et Geneviève Imbot-Bichet, Paris, Stock, collection « La Cosmopolite », paru le 9 septembre 2020, 23 €.

 

 

Le monde entier connaît désormais, pour le maudire, le nom de Wuhan. Le 28 décembre 2019, le Dr Ai Fen, directrice des urgences à l’hôpital central, attirait l’attention de ses collègues sur l’apparition, trois semaines plus tôt, d’un virus à la fois inconnu, dangereux et contagieux. Les éléments qu’elle avait divulgués furent repris et plus largement diffusés par un ophtalmologue du même hôpital, le Dr Li Wenliang, ce qui lui valut des ennuis avec les autorités. Aucune dictature, si rigide soit-elle, ne peut empêcher la propagation d’un virus. La suite appartient à l’Histoire en train de s’écrire et le Dr Li Wenliang mourut à trente-trois ans, emporté par cette nouvelle maladie. Les autorités chinoises décidèrent de placer Wuhan en quarantaine – trop tard pour empêcher le virus de se répandre dans le monde.

Apolline et la vallée de l’espoir, Lim Heng Swee (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 02 Octobre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

Apolline et la vallée de l’espoir, Lim Heng Swee, Grasset Jeunesse, août 2020, trad. anglais, Christian Demilly, 48 pages, 15,50 € Edition: Grasset

Grand Soleil

Lim Heng Swee, originaire de Kuala Lumpur en Malaisie, est un auteur illustrateur qui a commencé par créer des paysages minimalistes où la courbe domine. S’inspirant des estampes japonaises, reprenant librement La grande vague de Kanagawa d’Hokusai, il a figuré également dans ses perspectives des chats blancs – des maneki-neko (chats porte-bonheur) – se fondant, se révélant ou se dissolvant au sommet de la houle de l’océan et des montagnes enneigées. Dans ce tout récent album, Apolline et la vallée de l’espoir, Lim Heng Swee campe l’histoire d’une petite fille solitaire habitant au fond d’une vallée, Apolline, au prénom de la martyre chrétienne d’Alexandrie, morte en 249. Une menace terrible vient assombrir l’univers pacifique de la petite semeuse et planteuse de tournesols. Ainsi, les très jeunes lecteurs vont apprendre que la particularité du tournesol, appelé Hélianthe ou Grand Soleil, plante annuelle, se trouve dans le fait qu’il se tourne le long de la journée vers le soleil, d’où son héliotropisme. Dans le langage des fleurs, en Chine, le tournesol est une nourriture d’immortalité. Le jus de sa tige apporte la sagesse.

Étrange, suivi de Onze kaddishim pour Rose, Pierre Maubé (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 02 Octobre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Étrange, suivi de Onze kaddishim pour Rose, Pierre Maubé, éditions Lieux-Dits, Coll. Les Cahiers du Loup bleu, juillet 2020, 32 pages, 7 €

Dans un double mouvement, ce livre se déploie entre vie et mort, entre mal qui ronge le corps et souffrance terrible imposée brutalement à l’autre. Rose a été tuée, à 97 ans, par un terroriste dans la synagogue de Pittsburgh avec dix autres personnes, pour le seul « motif » d’être née juive : l’horreur radicale, qui remémore tous ces actes nazis et autres !

Étrange, premier volet d’une douzaine de poèmes, incise l’appréhension de la vie, de la douleur, du corps souffrant, dans le double sens du terme : prendre en compte et craindre. Le poème soulage-t-il de la dire cette douleur ressentie au plus nu ? En septains jouant de l’anaphore « étrange vie », le poète dissèque sa « douleur », « mienne » jusqu’au plus dur et incisif du mot : avec l’effort qu’il faut pour baliser la souffrance pour mieux la maîtriser, avec le « ricanement » perçu au plus profond, avec ce lot de déplaisantes manifestations du corps souffrant (vomissement, plainte, « vie maladive », ah ! cette « sœur d’abîme », sublime image d’un soi blessé au cœur de ce corps). Dans une description sans complaisance, le poète se met à la place de tout souffrant, quel qu’il soit, dont il éprouve jusqu’à l’os le malaise de vivre et la lueur qui, quoi qu’on ressente, subsiste, en dépit de tout.

Et si on arrêtait de faire semblant ?, Jonathan Franzen (Par Sylvie Ferrando)

, le Vendredi, 02 Octobre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Et si on arrêtait de faire semblant ?, Jonathan Franzen, L’Olivier, septembre 2020, trad. anglais (USA) Olivier Deparis, 352 pages, 22,50 €

Voici une collection de dix-huit articles publiés au fil des ans, dans diverses revues ou ouvrages, de 2011 à 2019, mais écrits entre 2004 et 2019 par l’essayiste Jonathan Franzen, et traduisant son engagement soit littéraire, soit politique.

Le goût de Franzen pour les oiseaux court de texte en texte, au gré de ses nombreux voyages – que de merveilleux noms cités, tels le Rossignol progné, les Cochevis huppés, la Bondrée apivore, le Pic à raies noires, les Pluvians d’Egypte, les Guêpiers carmin, un Engoulevent à balanciers mâle, le Pygargue à tête blanche, le Loriot d’Europe, et tant d’autres, car Franzen est un ornithologue « listeur », celui qui aime à établir des listes des espèces rencontrées. C’est sa façon propre de s’engager en faveur de la biodiversité et de la protection des espèces en voie de disparition. Toutefois, comme tout bon écrivain qui pense contre la doxa et l’opinion commune, Franzen déploie une pensée à étages, une analyse de sa propre critique : « je me demande parfois si, au fond, mon souci de la biodiversité et du bien-être animal ne serait pas une forme de régression vers ma chambre d’enfant et sa communauté de peluches : un fantasme de câlins et d’harmonie interespèces ».