C’est à la fois simple et complexe. Et réussi comme récit et comme atmosphère. François Lister, soixante-treize ans, prof de philosophie, revient à Bordeaux où il a grandi cinquante et un ans après l’avoir quitté. Lister est le fils unique de républicains espagnols réfugiés comme beaucoup d’autres en France dans les années d’après-guerre. Son père, engagé dans la lutte contre Franco, un « preux », est déjà mort quand sa mère et lui (il a alors six ans) arrivent à Bordeaux. A vingt-deux ans, précisément le 8 novembre 1962, Lister quitte… Quitte quoi exactement ? Bordeaux, oui, physiquement ; mais il y a plus. Pour lui, en effet, la pendule semble s’être arrêtée à cette date du 8 novembre 62. La veille, Julían Grimau, un dirigeant du Parti (communiste) infiltré dans l’Espagne franquiste a été arrêté. Il sera fusillé. Grimau aurait dû être dans Madrid en compagnie de Rosario Santiago, habile à jouer pour le Parti le rôle de compagne ou de maîtresse. Tombée malade au dernier moment, elle n’a pas pu fournir cet appui à Grimau. Rosario Santiago, qui réside à Bordeaux, est le grand amour de Lister, alors étudiant en philosophie. Mais Rosario vit corps et âme pour la cause ; elle est entièrement au service du Parti. Alors que Lister, lui, ne cesse de se poser des questions sur les stratégies et les décisions dudit Parti. Lister, c’est patent, est un observateur, pas un actif. En lui, l’amour ne se laisse pas aisément sacrifier, au point de le rendre très jaloux et soupçonneux quant aux liens exacts qu’entretiennent Grimau et Rosario.