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La Une CED

Léon Bloy : Exégèse des lieux communs (2/3)

, le Lundi, 11 Février 2013. , dans La Une CED, Les Dossiers, Etudes

 

À ce point, on peut se demander quel est le sens d’une exégèse des lieux communs puisque, réducteurs par essence, ils résistent au symbole comme à l’allégorie et ne délivrent tous qu’un même simpliste message.

En fait, l’exégèse des lieux communs doit mettre à jour non un sens second implicitement compris dans l’expression, mais bien le Sens en tant qu’occulté par le ressassement. Ce que cette vulgate donne à voir dans son inanité même, c’est l’Autre en tant que perpétuellement bafoué, comme dans « un sombre miroir plein de la Face renversée de ce même Dieu quand il se penche sur les eaux où gît la mort ». Si bien que c’est dans l’insignifiance, la bassesse et l’ordure qu’il faut à ce moment de corruption de la parole chercher quelque révélation. Si l’on pose comme Bloy que les hommes parlent la langue que Dieu a parlée, quelque chose du Verbe même infiniment assourdi doit s’y faire entendre, fût-ce sous la forme de ce qui fait défaut. La vérité déniée dans ces propos fait nécessairement retour comme une sorte de symptôme que l’exégèse se donne comme tâche d’interpréter « des mots plus qu’humains [qui] rôdent comme des loups autour de ceux qui en abusèrent. Ils sont dans la nécessité invincible d’exprimer n’importe comment et à quelque prix que ce soit une réalité indiscutable ».

52.dimanche (IV)

Ecrit par Didier Ayres , le Samedi, 09 Février 2013. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

ce dimanche 22 janvier 2012

 

une petite lettre aujourd’hui

écrire vers l’absent

en vérité c’est difficile d’expliquer comment on se projette ailleurs, depuis la page

il faudrait tenter de dire que c’est une façon de s’échapper, se soustraire à soi-même

or, ce message dominical a des allures de correspondance, exactement de là où on écrit à autrui en son absence, où l’autre vient clore la lettre en la faisant exister par sa lecture

Un critique littéraire singulier à l'aurore du XXème siècle : Alfred Jarry (3/3)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 08 Février 2013. , dans La Une CED, Les Dossiers, Etudes

 

Cependant, il faut également remarquer que Jarry déforme de nombreux passages des textes chroniqués, par l’hyperbole notamment (42), en remplaçant un rapport de succession par un rapport de cause à effet (43), en modifiant certains noms propres (44) ou termes étrangers (45), en opérant un montage de plusieurs passages distincts qu’il synthétise en une seule formulation (46), ou en allant jusqu’à forcer le sens de tel passage jusqu’au contre-sens (47). Tout cela est-il le fruit de souvenirs de lectures quelque peu distanciés (et l’on sait comme Jarry avait une immense mémoire) ? Cela ne semble pas possible car Jarry, sauf exception, rendait compte des livres qu’il lisait juste après les avoir lus. De plus, il s’y reporte très précisément, pour y puiser, à la virgule près, ses citations (directes ou indirectes), lesquelles sont le plus souvent voisines dans le cours du texte chroniqué. Et même quand Jarry ne déforme pas le propos du livre, il transforme un détail en totalité, ce qui est une autre forme de déformation : il rend compte de certains aspects seulement d’un ouvrage mais sans jamais le spécifier comme si au travers de ces aspects l’on pouvait saisir la totalité de l’ouvrage, développant ainsi la synecdoque comme si elle se confondait avec la synthèse (48) (et c’est du reste l’un de ses grands principes esthétiques). Jarry ne conserve du texte source que des éléments à ce point réduits qu’ils ne font à la limite plus écho aux propos de l’auteur.

Carnets d'un Fou - XX

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 07 Février 2013. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

 

Le 3 février 2013

 

Rétrospectivité / Prospectivité / Objectivité / Subjectivité / Invectivité / Perspectivité / Salubrité

 

« Ce n’est plus le temps où l’on s’étendait sous un arbre à regarder le ciel entre deux orteils, mais le temps où l’on produit ».

Robert Musil

Alain Suied, la poésie de la présence

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 05 Février 2013. , dans La Une CED, Les Chroniques

Il est difficile de parler de ce livre – comme de tout livre dès que l’on ne se trouve pas dans le flux contingent d’un récit mais juste attiré par une expression fine – à cause du caractère éthéré, diaphane de ces pages. D’ailleurs le seuil est invisible, ce qui laisse entendre qu’il est habité d’une présence ductile et lumineuse. C’est en cet esprit que j’ai lu ce livre posthume d’Alain Suied – que je n’ai connu que trop peu, et grâce à son éditeur et ami Gérard Pfister, lequel accompagne l’œuvre du poète depuis 1989 à travers une dizaine de livres. En vérité ces propos liminaires ne sont pas inutiles car je crois qu’ils rendent possible de circonscrire en quoi l’ouvrage est réussi, sachant que le poète guette une mort prochaine et qu’il ne pourra pas revenir sur ce qu’il écrit.

Car, si l’on sait que ces poèmes se suivent dans un ordre chronologique – qui va de soi en un sens parce qu’ils ont été écrits sur la Toile directement, dans une lutte vaine contre la mort – on comprend alors la palpitation vive, la nécessité impérieuse de ce travail. C’est avec cette émotion que la lecture se déroule, allant du seuil si je puis dire, du livre : « Toutes les langues disparaissent » du 15 septembre 2007, jusqu’au dernier souffle du poète avec : « ce regard sans trêve/qui toujours l’a hanté » du 16 juillet 2008. Ces dates obligent à une intériorisation prodigieuse de cette parole transparente et limpide, d’une grande lucidité sur le sort qui se joue pour l’homme de chair, car Alain Suied lutte contre une longue maladie qui l’emportera très vite.