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Critiques

La Forteresse, Autobiographie 1953-1973, Richard Millet (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 20 Octobre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, En Vitrine

La Forteresse, Autobiographie 1953-1973, éditions Les Provinciales, août 2022, 300 pages, 24 € . Ecrivain(s): Richard Millet

« Pas de portrait en pied, donc : des images, plutôt ; et malgré le refus de raconter ma vie, qui n’a qu’un médiocre intérêt, la tentation de retrouver le fil, celui de mes vingt premières années, sans céder au romanesque qui pourrait donner de l’épaisseur, non pas plus d’authenticité, à mon récit. On y entendra la basse continue de l’échec et le chuchot de l’innommable, plutôt que le chant d’une enfance heureuse ».

Si on lit avec un rien d’attention l’œuvre de Richard Millet, nous sommes saisis par sa densité, sa force, sa vision, et son style. Qu’il s’agisse de son œuvre romanesque, dont il semble s’être aujourd’hui éloigné, ses récits, ses nouvelles, ses essais, ou encore ses œuvres inclassables, qui appartiennent tout autant à la langue qu’à celui qui depuis près de quarante ans écrit. Il écrit sur sa langue, son pays, ses passions, ses amours, ses livres, ses musiciens, ses colères et ses combats, la France, le Liban, la Méditerranée. Il écrit, à la manière d’un grand classique, un homme de qualité, admirateur des prosateurs du Grand Siècle, et d’écrivains singuliers, qui hantent les bibliothèques, et parfois l’imaginaire des écrivains de notre temps.

After®, Auriane Velten (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 18 Octobre 2022. , dans Critiques, Les Livres, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

After®, Auriane Velten, Folio SF, septembre 2022, 288 pages, 8,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Comme l’indique son titre, After®, et la collection dans laquelle il est réédité, Folio SF, le premier roman d’Auriane Velten appartient au genre post-apocalyptique, celui qui raconte la Terre et, surtout, l’humanité d’après une catastrophe, généralement liée à une grosse bêtise bien humaine – chez Dick ou d’autres, la faveur allait à la bombe atomique. Chez Velten, cela reste peu clair, car on est loin désormais des années cinquante ou soixante, ou même soixante-dix, durant lesquelles la crainte que la Guerre Froide s’échauffe voire se mette à bouillir générait des angoisses, tant littéraires qu’existentielles, et il ne s’agit plus pour cette jeune autrice de mettre en garde contre la bombe, mais bien contre la perte d’humanité, le réel danger contemporain. Car c’est ce dont il s’agit dans ce bref roman, de notre part d’humanité, celle qui nous incite à contempler par exemple les six tapisseries composant La Dame à la licorne, et de la perte – et donc la redécouverte – de cette part.

La vie sans histoire de James Castle, Luc Vezin (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 17 Octobre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Arléa

La vie sans histoire de James Castle, Luc Vezin, éditions Arléa, août 2022, 224 pages, 19 € Edition: Arléa

 

La démarche originale d’un historien de l’art

C’est en page 39 du roman de Luc Vezin que l’on découvre ce qui aurait pu être son incipit lorsqu’il écrit à propos de son projet d’écriture et de son personnage principal, James Castle : « /…/ manipulé plus que guidé par cette ombre insaisissable et changeante, je me suis laissé entraîner au gré des écritures, de l’épopée aux confessions sordides ou pleurnichardes ; j’ai fait balbutier un mutique et écrire un illettré ; j’ai tâté du pire journalisme, de la froide documentation ; j’ai ouvert des journaux intimes et violé une correspondance imaginaire. J’ai rapporté des légendes auxquelles je ne croyais pas et cédé aux slogans mensongers des réclames. J’ai chanté faux en écorchant l’anglais. Et, pour finir en beauté, j’ai voulu faire parler les murs d’une maison vide, derrière lesquels se cachait James, avant de sombrer dans la poésie, comme d’autres dans l’alcool ou le crime. Et, après tant d’années vagabondes, moi qui, comme disait mon père, “Cherchais une histoire”, je n’ai rien trouvé d’autre à écrire que “La vie sans histoire de James Castle” ».

Le Feu du Milieu, Touhfat Mouhtare (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 14 Octobre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Le Feu du Milieu, Touhfat Mouhtare, Editions Le Bruit du Monde, août 2022, 334 pages, 21 €

 

C’est quelque chose comme un roman à la fois réaliste et merveilleux. L’histoire d’une vie prise dans des circonstances sociales insolubles et une narration faite d’envolées imaginaires par besoin peut-être de « s’échapper » justement de ce réel sans issue. La romancière tisse avec une maîtrise remarquable une intemporalité qui laisse s’épanouir son sujet fondamental. Lequel ? Disons : le duo humain sur Terre – l’homme et la femme. Il est beaucoup question du Coran dans le roman ; de son étude, de son enseignement et de son interprétation. Il est donc permis de voir dans Le Feu du Milieu une intention d’être un texte sur le fondamental, un propos sur le primordial humain. L’imagination riche, la patience narrative, des séquences issues du Livre saint ou des légendes et contes populaires autorisent cette lecture. Le duo humain sur Terre donc. L’homme et la femme. Et les multiples modalités effectives de leur cohabitation éternelle – maître et esclave, père et fille, mère et enfant, riche et pauvre, dominant et dominé, noir et blanc, chasseur et proie, etc.

Sonia Mossé, une reine sans couronne, Gérard Guégan (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 13 Octobre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Sonia Mossé, une reine sans couronne, Gérard Guégan, Editions Le Clos Jouve, septembre 2022, 102 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gérard Guégan

 

« La photo de Sonia que fit Wols le lendemain impressionnera l’ambassadeur du Reich en poste alors à Paris. Il verra en elle, ironie du sort, la parfaite représentation de la beauté germanique et parviendra à convaincre le directeur d’un hebdomadaire berlinois de la publier en bonne place.

Ainsi allait la vie à la veille d’une nouvelle grande tuerie ».

De livre en livre, de héros anonymes en héros invisibles, Gérard Guégan poursuit son roman du siècle passé, celui des surréalistes, des écrivains indomptables, des communistes perdus, des traîtres et des absents, des révoltés curieux, des goûteurs du monde, des amours, des guerres et des révolutions. Après avoir écrit un admirable portrait de Théodore Fraenkel (1), il se glisse à nouveau dans ces temps troublés et troublants, inventifs et terrifiants : les années trente.