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Critiques

Ce qu’on appelle aimer, Laure Samama (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 24 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Ce qu’on appelle aimer, Laure Samama, Arnaud Bizalion éditeur, 2017, 64 pages, 17 €

 

En brefs chapitres – parfois réduits à quelques mots – jaillissent les amours, leurs troubles, leurs déceptions, et toujours une façon de tenir face aux amants qui jouent les don-juan et les comètes.

Laure Samama double ses textes de photographies-métaphores pour évoquer ce que les mots ne peuvent pas montrer. Le désir féminin trouve droit de citer de manière simple, juste, crue et sans emphase : « Souvent je portais des robes pour que ses mains ne rencontrent aucun obstacle. Je déplorais que les hommes n’en portent pas ». Mais à l’amour et ses fantasmes suivent des désillusions dues aux petits arrangements avec le réel de l’amant qui, à l’éternité (certes provisoire), préfère un passage qui, à force, lui pèse comme s’il obligeait…

C’est vieux comme le monde : surtout lorsque la relation est adultérine. L’homme est beau, expert mais une épouse l’attend. Au sein de la luxure et de la volupté il y a donc des « défilés », des déchirures, des explications et justifications plus ou moins douteuses.

Des Étoiles dans les Yeux, Nicolas Fraissinet (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 21 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Belfond

Des Étoiles dans les Yeux, Nicolas Fraissinet, octobre 2019, 288 pages, 18 € Edition: Belfond

 

Averti d’une maladie rare et incurable, qui va le rendre aveugle en 15 jours de temps, il reste à Eliott de retrouver en lui, et avec l’aide de ses quelques amis, les ressources pour réagir.

Ses rêves l’aideront-ils à surmonter l’épreuve quand son prénom, pour une raison inconnue, se met à être prononcé par les étoiles ?

Le style, mené avec brio, nous emmène au-delà, à la fois de la réalité et de l’imaginaire. Accompagné d’un genre de double qui joue les anges gardiens, notre héros semble guidé dans son épreuve : « Tu vois, c’est grâce à Toi que je l’ai trouvée, cette nouvelle forme d’étoiles dans les yeux ». Même la progression de la maladie se fait belle, évoquée par des images de papillons multicolores se posant pourtant dans la cruelle évocation de la cécité progressive projetée dans le roman en dates-calendrier sous forme de compte à rebours décomptant les jours qui restent à Eliott pour profiter de ce qui lui reste à faire en tant que personne voyante.

Tempête sur la savane, Michaël Escoffier, Manon Gauthier (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 21 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse

Tempête sur la savane, Michaël Escoffier, Manon Gauthier, éditions D’Eux, mars 2020, 30 pages, 16 €

Un éléphant bougon

Michaël Escoffier, né en 1970, vivant à Lyon, auteur français d’une cinquantaine d’albums jeunesse, et Manon Gauthier, graphiste, née à Ste-Julie et vivant à Montréal (Prix Illustration Jeunesse 2007), ont réalisé le tout récent livre pour enfants, Tempête sur la savane, que publient les éditions D’Eux. Plusieurs illustrations occupent le format entier de l’album (24,2 x 34 cm), ce qui donne une visibilité importante à la sténographie et aux figures. La couverture cartonnée, doublée, d’une dominante sable, coloration qui annonce un paysage chaud, africain ou du sud, donne à voir un éléphant grincheux, survolé par des moustiques étonnés.

Le texte très court de Michaël Escoffier est constitué de phrases aux mots écrits en coloris distincts, vocable amusant et à double-sens : tant de tou/pet, trop con/tent de rous/péter, caca/huètes, cul/otté. Cela servira à l’enfant à repérer les césures, à formuler et enrichir un vocabulaire à partir de ces coupures. Il y retrouvera une comptine, chansonnette qui n’est pas sans évoquer les paroles de un éléphant, ça trompe, ça trompe… Dans Tempête sur la savane, les jeux de langage, les contresens sont réjouissants, divertissants pour les marmousets, sur le thème un peu égrillard des sanies et des interdits en public du corps et du parler comme : caca, péter.

Anna Amorosi, Jean-Noël Schifano (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 20 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Anna Amorosi, juin 2020, 18 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Jean-Noël Schifano Edition: Gallimard

 

Dix-huit livres (romans, essais) depuis 1981 : le parcours de Schifano est tout entier lié à Naples. Il y va de l’hérédité familiale ; il y entre un goût immodéré pour cette ville du sud profond. Auteur des fameuses Chroniques napolitaines, rééditées et amplifiées, il vit par et pour la ville vésuvienne, cette cité qui a défrayé la chronique pour maints motifs. Le cinéaste Rosi, l’écrivain Saviano, le romancier Rea, entre autres, ont donné une certaine image d’une Naples avilie dominée, dépouillée, meurtrie.

Giannatale a été directeur de l’Institut Culturel français de Naples.

Schifano, dans Anna Amorosi, recrée les années 60, autour d’un couple sulfureux, notoirement connu par les magazines à sensation de l’époque. Des désirs de Cinecittà chez la femme, parasitée par un Comte préoccupé tout entier de sexe « par personne interposée ». Sur fond de Naples et de Rome, un décapant portrait d’une aristocratie à la dérive, amorale, campée sur les extrêmes (attentat fasciste de Milano). On retrouve la gouaille érotique d’un Giannatale, élevé aux petits lait et virulence des « chroniques napolitaines » sanguinaires des siècles 16 et 17.

La Défense d’aimer, Domitille Marbeau Funck-Brentano (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 20 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, L'Harmattan

La Défense d’aimer, Domitille Marbeau Funck-Brentano, octobre 2019, 145 pages, 15,50 € Edition: L'Harmattan

 

La Défense d’aimer, titre repris d’une œuvre de jeunesse de Richard Wagner, donne le « la » de ce court roman : la passion amoureuse est-elle un philtre mortel ? Faut-il s’interdire ces élans d’illusions sublimes… mais si fragiles ? L’art n’est-il pas une plus douce consolation que la passion amoureuse ? Le récit se déroule en 1978 à Bayreuth, pendant le Ring de Wagner par Chéreau/Boulez. Cet univers wagnérien nous rappelle instantanément le dilemme Nietzschéen : Apollon ou Dionysos, la mesure ou au contraire l’exubérance. La musique de Wagner donne envie aux deux protagonistes, Domitille et Jean-Pierre, surnommé « Fasolt », de « s’égarer dans ce long crescendo où la musique fait grandir insidieusement le désir d’aimer ». Ce roman mêle la passion de l’opéra aux amours romantiques, rythmée par un style joliment poétique. C’est une alchimie qui se lit comme une partition musicale et philosophique. Comme mentionné au dos du livre, c’est l’histoire d’une « double passion amoureuse et lyrique ». Mais au fond ne s’agit-il pas de la même passion ? L’art tire sa puissance du fait qu’il transforme le chaos de la passion amoureuse en œuvre sublime.