Des Étoiles dans les Yeux, Nicolas Fraissinet (par Patrick Devaux)
Des Étoiles dans les Yeux, Nicolas Fraissinet, octobre 2019, 288 pages, 18 €
Edition: Belfond
Averti d’une maladie rare et incurable, qui va le rendre aveugle en 15 jours de temps, il reste à Eliott de retrouver en lui, et avec l’aide de ses quelques amis, les ressources pour réagir.
Ses rêves l’aideront-ils à surmonter l’épreuve quand son prénom, pour une raison inconnue, se met à être prononcé par les étoiles ?
Le style, mené avec brio, nous emmène au-delà, à la fois de la réalité et de l’imaginaire. Accompagné d’un genre de double qui joue les anges gardiens, notre héros semble guidé dans son épreuve : « Tu vois, c’est grâce à Toi que je l’ai trouvée, cette nouvelle forme d’étoiles dans les yeux ». Même la progression de la maladie se fait belle, évoquée par des images de papillons multicolores se posant pourtant dans la cruelle évocation de la cécité progressive projetée dans le roman en dates-calendrier sous forme de compte à rebours décomptant les jours qui restent à Eliott pour profiter de ce qui lui reste à faire en tant que personne voyante.
Les rêves sont, eux, exprimés dans un autre style que celui du récit principal et dans un genre d’encadrement de style « Art Nouveau » comme pour pressentir une époque autre qu’on imagine pourtant plutôt dans le futur que dans le passé.
Mais cela n’a peut-être plus d’importance que ce soient les étoiles et la musique, chère par ailleurs au romancier puisque aussi auteur-musicien, qui illuminent une obscurité qui devient, in fine, fort relative :
« (extrait d’un encadrement-rêve) Pulsations rythmiques sorties des profondeurs. Il y a là le parfum d’un ancrage solide et stable. La voix de l’homme prend corps dans celle du violoncelle/ …/ Suave étonnement dans ce duo de cordes. La musique s’électrise au fil de ses pulsations boisées ».
De fil en aiguille une touche évidente de surréalisme active, par le biais des étoiles, un message adressé à Eliott. Mais que lui veut-on ?
Nous découvrons ainsi, notamment, un livre suggérant l’épreuve avec le secours de l’amitié vraie :
« Comme je les aime, mes deux luminaires. Malgré leur discrétion, je vois bien qu’ils ont organisé entre eux une forme de “garde alternée” pour m’éviter d’être seul ».
L’Art est presque évoqué, à différents niveaux, dans son entièreté : musique, sculpture et références poétiques font le jeu de ce roman au style à la fois brillant et décontracté, sans oublier le rôle primordial d’un médecin aux ordonnances très particulières.
Quelques jours à regarder d’une certaine façon sont-ils suffisants pour s’en rappeler le restant d’une vie ? Tout dépend sans doute du regard… Quand ils sont magnifiés de « rêves-concerts », tout devient possible : « Au fil des bulles qui pétillent dans ma baignoire parfumée, je vois doucement ma petite collection d’étoiles dans les yeux prendre le visage d’un voyage intérieur… avec toujours les mots de l’homme-oiseau en écho : Lisez les étoiles. Suivez-les ».
Les étoiles sont-elles vraiment inaccessibles ? Existe-t-il une autre façon de voir ? : « N’aie pas peur et écoute-moi bien ajoute-t-il (ndlr : il s’agit de Mr Taure, le professeur de sculpture). Tu ne perds pas la vue, elle change de place. Ton regard sera bientôt au bout de tes doigts ».
Et, au bout des doigts de Nicolas Fraissinet il y a, à présent, les traces d’encre vivace d’un premier roman qui fait mouche.
Patrick Devaux
Après deux années de CPGE littéraire à Annecy au lycée Berthollet, Nicolas Fraissinet s’installe à Paris où il commence à travailler dans le cinéma comme régisseur et assistant mise en scène. Il réalise en parallèle plusieurs courts métrages dont il compose également la musique. À partir de 2005, il donne ses premiers concerts à Paris (Sentier des halles, Réservoir), tout en continuant ses activités dans le cinéma et de compositeur pour l’image. Des Étoiles dans les Yeux est son premier roman.
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