Toute une semaine à regarder la photo de l’enfant Aylan naufragé et à lire les vastes commentaires que cette tragédie a provoqués. Toute une semaine à retrouver, sous une forme ou une autre, ce topique de la pensée «arabe» contemporaine : le plaidoyer anti-Occident. Un vieux serpent de la pensée assise, un cliché, une habitude, une facilité. Les commentaires qui inculpent l’Occident pour le meurtre de l’enfant kurde, sont tous les mêmes et procèdent tous de la même myopie : il est supposé que l’Occident doit incarner la morale universelle, il est nié à l’Occident son statut d’incarnation de la morale universelle, mais il est reproché à l’Occident de ne pas être la morale universelle attendue.
Donc pour la mort du petit Aylan, on procède de même : la pleurnicherie anti-Occident. On s’indigne, on reproche à l’Occident (curieusement réduit à une géographie qui exclue du crime syrien la Russie et la Chine et l’Iran et l’Arabie) d’avoir provoqué la ruine de la Syrie, d’avoir manipulé un pays entier et d’avoir provoqué des exodes et, donc, la mort de cet enfant devenu symbole. Dans la liste des chefs d’inculpation, on ne parle pas de Bachar qui a préféré tué un pays que d’accepter l’alternance, premier auteur du crime contre la Syrie. Il est supposé que la démocratie est un couteau et que la main du couteau est l’Occident. Exclus de ce procès suranné nos élites, notre colonisabilité, nos échecs, nos lâchetés et notre responsabilité dans ce que nous sommes et ce que nous devenons.