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Chroniques régulières

Un poète du désir - à propos des Sonnets de Germont

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 18 Janvier 2016. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, La Une CED

 

Sonnets de Germont, éd. La coopérative, 2015, 9 €

 

Le premier livre de la jeune maison d’édition La coopérative, dirigée par Jean-Yves Masson et Philippe Giraudon, prête la voix à une poésie très écrite, très cadencée et presque classique, d’une certaine manière académique – dans le sens d’une application consciencieuse –, et cette dernière épithète ne me fait pas peur. Car ce livre, écrit par un jeune homme de vingt-et-un ans, au milieu des années 80, qui est resté inédit trente ans dans les cartons de Jean-Yves Masson, résiste à notre époque d’aujourd’hui justement parce qu’il est d’une facture simple et harmonieuse. Pour mon propre compte, j’ai d’ailleurs aimé cette « humeur » (le mot mood en anglais est peut-être plus juste), ce chuchotement des années 80, qui suggère un air du temps que j’ai connu au même âge que le poète Germont, un temps pour finir assez sombre et angoissant. Ce furent pour moi aussi, des années de désir, de ce désir de jeune personne éprise du jeu de hasard de la beauté, guidée par une étoile vers l’amour de l’autre, et sujet à cette angoisse de mourir.

Calendriers : Quel temps fait-il dans la tête ?, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mercredi, 13 Janvier 2016. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, La Une CED

 

Un étrange débat algérien depuis les années 90 : faut-il ou pas fêter le Nouvel an ? Les détracteurs disent non : le Nouvel an est occidental, chrétien, impie, colonisateur, étranger. Et nous sommes arabes, musulmans et Algériens. Ce qui est faux : le Nouvel an est romain, pas français. Il est païen pas chrétien. Tout autant que le calendrier de l’hégire qui remonte à Haggar la seconde femme d’Ibrahim et pas à la fameuse hijra, fuite d’un prophète et de son compagnon. Les mouhajirounes qui se présentent comme les exilés, sont en fait les arrière-petits enfants de Haggar (ô troublantes parentés et mystérieux cousinage) et pas les pères du calendrier arabe. Le lien avec l’Algérie ? La colonisation (réussie) des Arabes. Depuis, le pays fête ce qu’il ne récolte pas, mais fête ceux qui sont venus prendre des récoltes chez lui. Du coup, une possibilité de résistance aux temps des autres : je ne fête ni le calendrier de l’hégire, ni celui de Rome. Le temps « arabe » commence par une fuite en avant et continue sur une fuite en arrière. Le temps de Rome commence par une invasion et n’a pas fini avec la décolonisation. Le calendrier de l’hégire a provoqué même des maladies chez nous : on est officiellement né dans un endroit où nous n’avons jamais mis le pied : le Hedjaz.

Un voyage en fragments - à propos de Hellade, de Bernard Grasset

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 04 Janvier 2016. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, La Une CED

Hellade, Bernard Grasset, éd. Le Lavoir Saint-Martin, novembre 2015, 119 pages, 15 €

 

Socrate et Platon    Saint Paul

Morale et philosophie  Exégèse

 

Je connaissais Bernard Grasset pour ses traductions de l’hébreu et du grec, et j’ai déjà écrit quelques notes sur ses travaux. Aujourd’hui, je voudrais évoquer mon chemin de lecture avec Hellade, le dernier livre de l’auteur, dont la photographie de couverture – méditerranée, et îles grecques sans doute – évoque très vite de quoi il s’agit. Comme la photographie de couverture de l’ouvrage et le titre nous invitent au voyage, j’ai pensé assez vite au voyage en Italie de Montaigne, qui partait pour les eaux italiennes et allemandes avec son valet, valet d’ailleurs qui lui a donné du souci. Mais, même si ce livre prend la forme d’un journal, il est rapidement apparent que l’objet fini a été élaboré en plusieurs étapes car peu de notes brutes sont livrées au lecteur. Et puis, la quantité de citations grecques demandaient sûrement un séjour dans la bibliothèque de l’artiste. D’ailleurs, l’auteur indique à la première ligne le bureau où il écrit, non loin de son fils qui joue du piano-orgue.

La voix du silence - à propos de "Le visage secret", Alain Suied

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 15 Décembre 2015. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, La Une CED

à propos de Le visage secret, Alain Suied, éd. Arfuyen, 2015, 13 €

Dans les hautes profondeurs

de la mémoire, le silence

contient tous les chants du vivant.

 

Pour commencer cette chronique, il me faut parler de l’architecture générale de l’ouvrage qui s’organise selon deux parties inégales en volume. La première est composée d’une suite régulière ou presque de séries de dix poèmes numérotés et sans titres ; la seconde partie, beaucoup plus courte, s’agence autour de trois recueils de deux ou trois poèmes, numérotés eux aussi et sans titres. Cette dernière indication a son importance pour moi, car j’y vois quelque chose qui indique où le poète se situe. Il est une voix après la Shoah, le génocide d’un peuple dont il est issu – et ainsi, nommer par le langage est difficile. Car le poète porte avec lui comme tous les poètes d’après la Catastrophe, l’âpre question d’Adorno qui se demandait comment écrire de la poésie après Auschwitz. Voilà un livre qui est important à ce titre, sachant aussi qu’il s’agit d’une publication posthume de l’auteur, ce qui rend très dense son propos littéraire. Et aussi parce que ce recueil pose un problème vif au cœur des poètes.

Carnets d’un fou, XXXIII, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Samedi, 12 Décembre 2015. , dans Chroniques régulières, Les Chroniques, La Une CED

 

Non, cette fois-ci pas d’exergue ou d’épigraphe, ça vous apprendra ! Nous souffrons assez comme ça, ne croyez-vous pas ? D’ailleurs, avec octobre s’ouvre la période des prix littéraires. Que voulez-vous de plus ?

M. H.

 

# Lecteur, tu es un vaillant galopin. Calé dans ton fauteuil, tu dévores page sur page. Pendant ce temps-là, tu ne fais rien de tes mains. Le va-et-vient du corridor est en panne… la bonne n’est pas venue, la vaisselle s’entasse dans l’évier. Pourtant ce sont petits travaux à ta portée. Quant à ton cerveau, permets-moi d’être perplexe. Il s’instruit, il pense, il s’émeut… Un cerveau s’émeut-il ? Le tien, probablement. Il se dit : quel bon moment ! Quel bonheur !

D’ailleurs les dames, dames écrivaines surtout, à la radio, à la télévision ne s’écrient-elles pas, émues aux larmes : « C’est mon coup de cœur ! », ou bien : « Je les adore mes personnages. Ils ne me quittent pas. En faire disparaître un est une tragédie pour moi ».

Le 1er/X/2015