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Théâtre

L'amour de Phèdre, Sarah Kane

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 19 Décembre 2012. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Iles britanniques, L'Arche éditeur

Amour de Phèdre, traduit de l’anglais Séverine Magois, 76 p. 10 € . Ecrivain(s): Sarah Kane Edition: L'Arche éditeur

Les débuts de Sarah Kane sur la scène théâtrale anglaise furent retentissants ; sa première pièce Blasted (Anéantis) montée au Royal Court theatre en 1995 provoqua le scandale en raison de sa violence supposée. Sa dernière pièce, 4.48 Psychosis, fut une œuvre posthume publiée en 2000 après son suicide au King’s college hospital. Œuvre foudroyante aux sept pièces radicales.

S. Kane est née en 1971 dans l’Essex et étudie le théâtre à l’université de Bristol. Son œuvre est aujourd’hui lue, traduite et jouée dans le monde entier.

 

Phèdre est le théâtre. Phèdre est le tragique, l’humanité tragique, la féminité tragique. Tragédie grecque d’Euripide, tragédie latine de Sénèque, tragédie classique de Racine, opéra baroque de Rameau, opéra de Massenet…

Le tragique de la tragédie redit et transforme la question de la violence du désir et de la parole de ce désir. Il faut arriver à avouer. Les anciens écrivent de la poésie mythologique : Hippolyte sert Artémis contre Vénus chez l’auteur grec. Racine met en vers les cris de ses personnages toujours rattrapés par le destin et les dieux. Les modernes n’ont plus recours à la tragédie, l’homme est encore plus livré à lui-même, tragiquement nu.

Starling. Programme, Eric Arlix

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 07 Décembre 2012. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Programme, Arlix Starling, éditions MAC/VAL collection fiction, non paginé, 3 € . Ecrivain(s): Eric Arlix

Le texte Programme est d’abord un joli petit volume qui tient dans la main, peut-être comme un programme (de théâtre). Il est édité par le musée d’art contemporain du Val-de-Marne. Un auteur et un artiste se répondent. L’auteur s’appelle Arlix (son prénom a disparu) et l’artiste s’appelle Starling (lui aussi sans prénom). D’une certaine manière, leurs deux patronymes donnent naissance à un nouvel individu. La première de couverture du petit livre blanc de la collection fiction est illustrée par un dessin simple, peut-être des poutres de gymnaste, des bancs les uns derrière les autres, des haies d’athlétisme… que l’identité du duo rompt. A l’intérieur du livre, nous retrouvons en page simple ou en double page, en face du texte, une série d’échelles ou d’échafaudages, renvoyant à des installations de Starling. Ces architectures redoublent le parcours que doit suivre TU, parcours constitué d’escaliers, de rambardes, de coursives, de pont suspendu. Le texte dialogue encore avec les œuvres de Starling : Tu doit à un moment s’asseoir sur une chaise en aluminium du designer Eames, allusion implicite à la chaise que Simon Starling transforma en vélo. Tous deux adhèrent à la célèbre citation de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme (épigraphe du texte d’ailleurs). Nous sommes donc dans un entre-deux visuel et textuel. Pourtant nous devons entrer dans Programme. Le texte s’organise autour de 5 balises de mail qui sont autant de jalons dans la progression et du texte et de l’itinéraire-programme. Quelque chose comme un jeu vidéo avec ses niveaux. Ainsi de 1 à 2 :

Hier ou après-demain, Patrik Ourednik

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 20 Novembre 2012. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Allia

Hier et après-demain, propos de cinq survivants traduit et adapté par Benoît Meunier & Patrik Ourednik, 2012, 126 p., 6,20 € . Ecrivain(s): Patrik Ourednik Edition: Allia

Si vous allez sur le site www.2012fin.com, vous découvrirez un compte à rebours qui, à la seconde près, nous rapproche de la fin du monde annoncée par quelques esprits tourmentés pour le 21/12/2012. Patrik Ourednik, avec ironie, s’accapare ce vieux thème eschatologique. La pièce est sous-titrée « propos de cinq survivants ». Il semblerait bien en effet que le monde se soit « évaporé » au-dehors. Le cinéma hollywoodien a exploité le filon de la grande catastrophe à maintes reprises, donnant presque toujours dans ce que Delettre, l’un des personnages de la pièce appelle « le grandiose » :

« Soleil agonisant, ciel couvert de météorites, foules hystériques (…) enfants en pleurs errant dans les villes… ».

Seul Lars von Trier avec son film Melancholia pense autrement la destruction du monde. Ourednik, lui, se souvient du début de Huis clos même s’il ne réunit que des hommes au nombre de trois, tous quadragénaires ordinaires. Et l’Enfer sartrien ici devient le décor banal d’une maison composée de quelques éléments de mobilier au bout d’une route. Derrière la porte qui s’ouvre de l’intérieur ou de l’extérieur (la question taraude les personnages), le monde a disparu. L’unique effet perceptible de cette catastrophe, c’est le rétrécissement de l’espace qui, au fil des scènes s’accroît. Il n’y a pas trace de chaos. La pièce est parfaitement structurée en 4 scènes suivies d’un épilogue.

Toboggan, Gildas Milin

Ecrit par Marie du Crest , le Dimanche, 11 Novembre 2012. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Actes Sud/Papiers

Toboggan, 2012, 78 pages, 16 € . Ecrivain(s): Gildas Milin Edition: Actes Sud/Papiers

 

Le théâtre contemporain est assez souvent simultanément texte et spectacle vivant. C’est le cas avec Toboggan de G. Milin. En effet l’auteur monte sa propre pièce, en assure la scénographie et la lumière dans une production des Bourdons Farouches alors même que le texte sort en librairie.

Celui-ci nous plonge dans une sorte de « sociale-fiction », même si le phénomène des vieux abandonnés de tous, sans protection sociale aucune, qui survivent en devenant délinquants, espérant ainsi aller en prison, existe bel et bien au Japon. Nous pénétrons dans une jungle urbaine qui, sur le plateau, deviendra une lande de sable. La première didascalie de la scène 1 est explicite : « Béton, terrain vague, ordures, désert ». Un gang de vieux malades approchant les 70 ans, au parcours professionnel plus ou moins chaotique (la liste longue des personnages fonctionne comme un CV impitoyable), apparaît dès le début du texte selon un entrelacement. Le nom des personnages les intègre au monde des bêtes ou à celui des Indiens : Loup ; Louve ; Butor étoilé. Ils sont sauvages, ils lynchent sauvagement un homme dans la scène 1,5,15. Ils se nourrissent comme des animaux, dévorant le contenu de boîtes de conserve.

La grande et fabuleuse histoire du commerce, Joël Pommerat

Ecrit par Marie du Crest , le Dimanche, 04 Novembre 2012. , dans Théâtre, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Actes Sud/Papiers

La grande et fabuleuse histoire du commerce, Actes Sud-Papiers, 72 p. 13,50 € . Ecrivain(s): Joël Pommerat Edition: Actes Sud/Papiers

Entre 1967 et 1969, Michel Vinaver écrivait Par-dessus bord, pièce dans laquelle il était question d’une entreprise française menacée par la concurrence américaine. Vinaver ridiculisait les méthodes du marketing triomphant. Joël Pommerat en 2012 s’attache à peindre le monde de la vente, de la prospection à domicile. Le titre est ironiquement grandiose et épique : la grande et fabuleuse histoire du commerce sera incarnée par un groupe de commerciaux, de V.R.P. de base, de vendeurs comme l’annonce la liste des personnages. Ils sont au nombre de cinq, ils écument une région définie en quête de clients. Ils n’ont pas d’intimité : ils n’apparaissent sur le plateau que dans des chambres d’hôtel impersonnelles et qui constituent l’unité de lieu (unique et multipliée). Ces chambres sont des territoires de transit où les personnages vont et viennent (entrée et sortie). Elles peuvent d’ailleurs devenir des scènes de théâtre improvisées.

Pommerat construit l’action selon un diptyque chronologique et historique. La première partie de la pièce couvre les années 60, parenthèse enchantée de l’économie française. Les vendeurs expérimentés ont entre cinquante et soixante ans. Franck lui, est une jeune recrue qui devra faire ses preuves dans le métier de la vente en suivant les conseils de ses collègues. L’apprentissage relève d’un jeu théâtral dérisoire, de travestissement. André l’ancien endosse le rôle de la cliente et Franck lui donne la réplique en jouant son propre rôle de débutant. Le jeu s’accompagne d’une didascalie de mise en scène : il ferme une porte imaginaire et va s’asseoir.