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Destin d'un ange suivi de La Fourche, Jean-Jacques Marimbert

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 19 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Destin d’un ange suivi de La Fourche, Ed. du Cygne décembre 2012, 91 p. 12 € . Ecrivain(s): Jean-Jacques Marimbert

Jean-Jacques Marimbert est un poète qui tord le cou à toute idée reçue sur la poésie. Il déplie un outillage énonciatif pour le moins inhabituel et dans tous les cas fascinant.

- Pour commencer, les deux textes qu’il nous offre dans ce beau recueil sont des histoires, avec un début, une fin, des événements, des héroïnes qui rêvent, qui souffrent. Le découpage de la versification n’empêche nullement de lire ces textes comme des nouvelles. Alors pourquoi versifier ? Pour deux raisons, essentielles dans l’art particulier de Marimbert :

La coupure des « vers » est la base rythmique fondamentale de toute lecture de ces textes. Jean-Jacques Marimbert est nourri de rythmes. La « tribune » de DJ Jazz qu’il tient sur FaceBook en est une illustration. Le superbe « work in progress » qu’il a publié dans notre cause littéraire (Blues for Charlie) en est une autre. La collision des sons, les ruptures, les assonances, l’obligation du vers créent une mélodie. Heurtée, rauque souvent mais une mélodie obsédante, qui l’est plus encore quand on entreprend de lire ces pages en une seule séquence, sans reprendre son souffle, comme dans une longue phrase de saxo. Il y a là une évidence de composition, le vers scandant le phrasé. Du narratif oui mais à entendre, au risque d’en perdre tout sens.

Une vie brève, Michèle Audin

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Samedi, 16 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Gallimard

Une vie brève. Gallimard/L’arbalète. Décembre 2012. 182 p. 17,90 € . Ecrivain(s): Michèle Audin Edition: Gallimard

 

L’écueil – les écueils -  étaient de taille. Ecrire à propos de Maurice Audin ça s’est beaucoup fait. Livres, études, articles, manifestes, et même plaques de noms de rues ou de places, d’un côté et de l’autre de la Méditerranée. Maurice Audin est de ceux qui peuplent le martyrologe, particulièrement effroyable, du XXème siècle. Jeune mathématicien, torturé, assassiné à Alger en l’été 1957 par l’armée française. Pas une armée de nervis à la solde d’une dictature, non, de l’armée de la République Française.

Le nom de Maurice Audin a donc basculé à jamais dans l’ordre du symbolique : martyr, héros, figure de l’histoire sombre de la Guerre d’Algérie. Le défi de Michèle Audin est double : comment écrire autrement sur Maurice Audin ? Sur l’homme – il a vécu « une vie brève » mais une vie tout de même – sur le père, car Michèle est bien la fille de cet homme.

Les données sont posées d’entrée (Michèle Audin est mathématicienne !) :

N'en faites pas une histoire, Raymond Carver

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 14 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Essais, Nouvelles, Poésie, USA

N’en faites pas une histoire (No heroics, please, 1991) trad (USA) François Lasquin (2012) 294 p. 15 € . Ecrivain(s): Raymond Carver Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Nous avons droit dans ce 8ème opus des œuvres complètes de Raymond Carver chez l’Olivier, à des miscellanées. Un bric-à-brac littéraire étincelant, celui de l’artisan de l’écriture le plus doué de sa génération. Des nouvelles de jeunesse, stupéfiantes déjà de maîtrise narrative et qui laissent présager clairement l’économie des futures grandes nouvelles : minimalisme des moyens mis en œuvre, langue épurée et faite des mots les plus simples et les plus justes, la traque obsessionnelle de la réalité la plus banale :

 

« Il se rase. En tournant la tête, il peut voir ce qui se passe dans le séjour. Iris, de profil, assise sur le tabouret, devant la vieille coiffeuse. Il pose le rasoir, se rince le visage. Ensuite, sa main se referme à nouveau sur le manche du rasoir, et au même instant il entend les premières gouttes de pluie sur le toit … » (In « Furieuses saisons »)

Il était une rivière, Bonnie Jo Campbell

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Février 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, USA, Jean-Claude Lattès

Il était une rivière (Once upon a river), Trad (USA) Elisabeth Peellaert, janvier 2013. 394 p. 22 € . Ecrivain(s): Bonnie Jo Campbell Edition: Jean-Claude Lattès

 

Si Margo ne parsemait pas sa route d’aventures érotico-sentimentales, on pourrait dire de ce livre qu’il nous replonge dans un style, un univers, un genre littéraire que beaucoup d’entre nous ont dû connaître et aimer dans leur adolescence. On regarde du côté de « Jody et le faon » de Marjorie Kinnan Rawlings, ou encore de Tom Sawyer de Mark Twain. Tous les ingrédients y sont. A commencer par le titre du livre qui emprunte la fameuse formule des contes pour enfants : Once upon … Il était une fois.

La rivière bien sûr et d’abord. Il s’agit de la Stark, affluent de la Kalamazoo qui se jette dans le lac Michigan. La géographie déjà nous mène dans les contrées célèbres de la littérature (Hi Jim Harrison !). Elle est présente tout au long de ce roman, lieu pullulant de vie au rythme des saisons. Margo, l’héroïne, va la parcourir sans cesse, chassant, pêchant, cherchant sa mère qui l’a quittée quelques années plus tôt, la laissant seule avec son père qui vient d’être tué lors d’une altercation entre voisins. La rivière, comme chemin initiatique et lieu de toutes les magies naturelles.

D’emblée, le décor est planté, fascinant, écrin qui a porté tant d’œuvres et d’auteurs en Amérique :

Les feux, Raymond Carver

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Janvier 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Essais, Nouvelles, USA

Les feux, (Fires 1983) trad. (USA) François Lasquin, 2012. 213 p. 14 € . Ecrivain(s): Raymond Carver Edition: L'Olivier (Seuil)

 

 

« Les feux » constitue le 7ème opus des œuvres complètes de Raymond Carver dans leur nouvelle traduction aux éditions de l’Olivier.

C’est un volume éblouissant. Non seulement le grand Carver nous offre quatre nouvelles sublimes mais il nous livre, et c’est bien plus rare, des poèmes magistraux et des textes de réflexion sur l’art du nouvelliste, sur son rapport à l’acte même de création de la nouvelle.

Quand Raymond Carver écrit, l’écriture n’a même plus d’existence tant elle laisse place à l’évidence de la vie. L’art de la nouvelle, qu’il a élevé au plus haut niveau de la littérature américaine, au plus haut niveau de la littérature tout court, ne peut s’accommoder de la moindre défaillance. La brièveté, la densité l’interdisent. Et l’écriture est pour lui un outil au service du réel, qui traque la réalité dans ses moindres recoins, les plus secrets comme les plus exposés.